Malgré l’amour que l’on porte à NieR: Automata, nous avions été déçus par le tome 1 de sa novélisation, Long Story Short. Ou peut-être justement à cause de l’amour qu’on lui porte. Il nous avait semblé que le livre passait complètement à côté de son sujet, avec un texte très premier degré, comme si l’auteur, Jun Eishima, n’avait pas compris le jeu de Yoko Taro. Pourtant, même si chat échaudé craint l’eau froide, nous sommes allés jeter un œil au tome 2…
NieR: Automata Short Story Long – Les plus courtes sont les meilleures ?
« After the explosion and shock wave, all that was left was the unique sound of the sirocco, the desert wind.
The dust eventually lifted, revealing a human silhouette. From the smooth outline of the shoulders, the tight waist and alluring legs that emerged from a short skirt, the silhouette clearly belonged to an adult woman.
Though technically, the individual wasn’t an adult, or a woman. »
– » Memory Cage « , par Jun Eishima, in NieR: Automata Short Story Long
On (ne) prend (pas) les mêmes, et on recommence
NieR: Automata – Short Story Long fait suite à NieR: Automata – Long Story Short. Vous venez probablement de relire la phrase précédente en vous disant « mais il a écrit deux fois la même chose ? ». Non, mais en effet, les deux titres sont si proches que cela en est troublant. Faisant même du second livre une sorte de clone du premier… Tiens ! Il est d’ailleurs question de clones dans les dernières pages du recueil.
Si les deux titres sont très proches, le contenu des deux volumes est pourtant complètement différent. Le premier était noir, ce second est blanc, comme une annonce de ce qui nous attend. Le premier était un roman, de sa première à sa dernière ligne, quand le second est un recueil de nouvelles, un format plus facile à appréhender, et surtout plus respectueux de l’essence de l’œuvre originelle.
Autre différence de taille : Yoko Taro a directement participé à l’écriture de ce volume, en signant deux des huit nouvelles que rassemble ce livre, dont celle qui ouvre le tome, « The Flame Of Prometheus ». On regrettait son absence dans Long Story Short, les torts sont réparés !
Pour les six autres nouvelles, c’est à nouveau Jun Eishima qui reprend la plume. Mais à mille lieues de ce qu’il a pu faire pour le volume précédent. Car, oui, on a particulièrement aimé Short Story Long. Bien plus proche et respectueux de l’esprit du jeu, plus fluide, et plein de pépites, ce second tome réussit tout ce que le premier avait loupé.
A, A2, 2-2-2-2 ! (à lire sur l’air du vieux jingle pub d’Antenne 2, celui avec la pomme)
Au cœur du recueil, on trouve la nouvelle la plus longue de la collection, » YoHRa – Ver. 1.05 « , qui, sans trop en dévoiler, nous raconte comment l’A2 de la première partie du jeu est devenue l’androïde rebelle et solitaire que rencontreront 2B et 9S. L’occasion d’en apprendre plus également sur le village de la résistance, dans lequel, dans le jeu, on passe pas mal de temps, et sur ceux qui l’habitent.
Et c’est ce qu’on attendait d’un livre NieR ! Qu’il nous en apprenne plus sur cet univers, sur les personnages, sur leurs motivations.
D’autres personnages secondaires sont eux aussi mis en avant, comme Emil, le vendeur ambulant devenu mascotte de la licence. Et on retrouve bien évidemment 2B et 9S, dont on va pouvoir explorer une partie de la psyché.
« Commencez à vous battre. Prouvez que vous êtes en vie. Si vous ne revendiquez pas votre humanité, vous deviendrez une statistique. » (Tyler Durden dans Fight Club)
Et là aussi, Short Story Long se montre là où on ne l’attendait plus. À l’image de l’univers raconté dans le jeu, un sentiment de vacuité se dégage du livre. Les créatures qui peuplent désormais le monde – ceux qui seront parvenus au bout de l’aventure proposée par le jeu le savent – jouent toutes un rôle vain (d’ailleurs, NieR est aussi une anagramme de rien…), et semblent en prendre parfois, de manière fugace, conscience. De véritables questionnements philosophiques surgissent alors, sur le sens de la vie, sur ce qui fait l’essence de l’humain.
C’est évidemment l’un des aspects du jeu qui en avaient fait un titre si important, et c’est ce qui manquait cruellement au premier tome. Là encore, l’auteur se rattrape, en nous proposant des fables souvent nihilistes et métaphysiques, à l’image de « A Much Too Silent Sea ». Dans cette nouvelle, une androïde postée dans une base secrète s’ennuie. Elle est régulièrement corrigée par le Pod qui l’accompagne, les androïdes n’étant pas censés éprouver ni ennui, ni aucun autre sentiment réservé aux humains. Et c’est justement ce trait profondément humain, l’ennui, qui va la pousser à fouiner dans la station, et involontairement mettre à jour la supercherie à laquelle se livrent les androïdes depuis quelques milliers d’années. Ainsi, ici, c’est bien la part d’humanité de l’androïde qui la mènera à la vérité…
La naissance des sentiments, concept étranger aux androïdes, notamment chez 2B et 9S, mais également chez A2, est régulièrement évoquée dans le recueil. La religion, qui était un thème fort du jeu (on se souvient des créatures hybrides Adam et Eve, ou encore de la crucifixion de 9S), est présente dans Short Story Long de manière très discrète et subtile, mais n’a pas été oubliée.
« I see… » (2B, tout le temps, dans NieR: Automata)
Avec des thèmes abordés bien plus en phase avec ce que proposait le jeu, ce deuxième tome se montre bien plus fidèle à l’esprit du jeu de Yoko Taro. Dans sa construction également. En effet, bien qu’étant un recueil de nouvelles, le volume forme aussi un tout, les différentes histoires étant finalement difficilement dissociables. L’ouvrage est construit un peu en miroir, et certaines nouvelles se répondent.
Ainsi, « Memory Cage » et « Memory Thorn » ont exactement la même première page, et vont se répondre l’une l’autre. Elles racontent en effet la même histoire, mais d’un point de vue différent. Exactement comme quand NieR: Automata (le jeu) nous fait refaire un niveau en incarnant l’autre androïde (2B ou 9S).
Deux autres nouvelles semblent se répondre : « Small Flowers », le second texte de Yoko Taro, pourrait bien mettre en scène l’une des itérations passées d’Emil, qu’on retrouve dans « Recollections Of Emil », qui vient clore l’ouvrage, même si aucun élément ne permet d’arrêter définitivement cette idée.
Les nouvelles du livre, de manière générale, rappellent la construction du jeu, lui aussi structuré en nouvelles. Les cinq fins principales nous demandaient de recommencer le jeu, nous racontant à chaque fois une histoire différente.
C’est donc un livre plus pertinent que nous offrent ici Yoko Taro et Jun Eishima. On retrouve avec beaucoup de plaisir dans les textes ce qui a rendu le jeu aussi mémorable : une science-fiction métaphorique, proposant des questionnements profonds, un univers complexe et bien construit, et cette vacuité qui permet de mettre en lumière la beauté de notre monde à nous, celui d’aujourd’hui. Un élément qui résonne particulièrement, alors qu’on ne parle plus que du danger qui guette la planète (bouleversement climatique, espèces en voie d’extinction, pollutions irréversibles…).
Si on ne pouvait pas tout à fait conseiller Long Story Short, le premier tome, à part peut-être aux fans hardcore de la licence, nous recommandons au contraire chaudement ce Short Story Long, qui nous offre l’occasion de retrouver peut-être une dernière fois 2B, 9S et A2, et de prolonger leurs aventures dans un cadre à la hauteur de l’œuvre de Yoko Taro.
NieR: Automata – Short Story Long, de Yoko Taro et Jun Eishima, avec des illustrations de Toshiyuki Itahana, édité par Viz Media, 239 pages, disponible en anglais uniquement, affiché à 14,99$, il est en ce moment vendu autour de 10€ chez les libraires en ligne habituels.