Dernièrement, on ne peut pas dire que les fans de Resident Evil aient été gâtés du point de vue des adaptations filmiques et sérielles de leur saga de cœur. On en veut pour preuve la dernière série animée produite par Capcom pour Netflix, Resident Evil: Infinite Darkness, des plus décevantes et sans originalité, mettant en scène un Léon S. Kennedy en mode fonction et une Claire Redfield inutile, sans parler des problèmes de réalisation et du scénario ultra convenu.
Mais on ne va pas revenir plus en détail sur tout ceci, car nous en avions fait une critique lors de sa sortie dans nos colonnes, et nous ne pouvons que vous encourager à y jeter un œil. Ce qui nous intéresse aujourd’hui est bien le nouvel essai cinématographique qui vient de paraître en salle et qui se veut être un reboot total de la saga sur grand écran, histoire de repartir sur des bases plus fraîches après l’ère Jovovich/Paul W.S. Anderson qui fut marquée par un épisode conclusif bâclé en 2016.
Réalisé par Johannes Roberts, Resident Evil : Bienvenue à Raccoon City entendait donc proposer aux fans de la licence une adaptation fidèle (plus ou moins) des deux premiers épisodes vidéoludiques. On y retrouve donc Léon S. Kennedy, Claire et Chris Redfield, Jill Valentine ou encore Albert Wesker, quelques zombies, de vilaines créatures en CGI, ainsi que des lieux emblématiques qui hérisseront les poils des aficionados des jeux. Mais est-ce suffisant pour en faire un bon film ?
Le scénario. Ah le scénario ! On aurait aimé vous dire qu’il est réellement bon, que le script est soigné, que les personnages sont charismatiques et réfléchis, mais il n’en est malheureusement rien. Il y a néanmoins de bonnes idées, celle de réunir en un film les deux premiers jeux de la saga nous paraissant dans un premier temps une plutôt bonne idée. Réduire le casting aux personnages iconiques est aussi un bon parti, cela permet au film de se concentrer sur cinq personnages et de réduire les sous-intrigues.
Alors oui, certains absents feront tiquer les fans, comme Rebecca Chambers ou Barry Burton, et certains rôles se sont vus amoindris, comme ceux du chef de la police Jeremy Irons, d’Annette Birkin et de sa fille Sherry. Mais en soi, rien de bien dérangeant, car rien n’empêche les absents d’apparaître dans une probable (ou non) future suite. Car oui, si l’accent a été mis sur la fidélité aux jeux de Capcom, tout n’y est pas exactement pareil et c’est tant mieux.
Ce que l’on attend d’une adaptation, c’est qu’elle reste fidèle à l’esprit de son modèle, non qu’elle y colle chaque segment parfaitement, quitte à n’avoir finalement aucun intérêt pour qui connaît l’œuvre de base. En cela, Resident Evil : Bienvenue à Raccoon City fait le boulot et s’il nous propose de revisiter des lieux parcourus dans les jeux, de redécouvrir des personnages que l’on connaît et de s’ancrer dans une mythologie que l’on maîtrise, il est suffisamment original pour être surprenant.
Mais attention, la surprise n’est pas forcément bonne tout le temps et il arrive qu’elle soit déception. Alors, que nous raconte ce reboot ?
Du jeu vidéo nanar au film nanar
Le long-métrage débute dans l’orphelinat de Raccoon City dirigé par Umbrella Corporation et un certain William Birkin. On y suit les péripéties d’une jeune Claire Redfield qui fait la connaissance d’une enfant n’apparaissant que la nuit dans l’ombre et qui ne semble pas être à sa place. L’enfant meurtrie peut à peine s’exprimer et se nomme Lisa Trevor. En cela, le film tente d’établir un lien entre ces deux personnages, ainsi qu’entre les jumeaux Redfield et le docteur Birkin, et alors que l’on apprend que Claire s’est échappée peu de temps après de l’orphelinat et de la ville, Chris est lui resté sur place, puis a par la suite intégré les forces de police et l’unité d’élite des S.T.A.R.S.
Des années après, Claire revient en ville pour mettre en garde son frère sur les agissements d’Umbrella Corporation et d’une catastrophe imminente qui frapperait les lieux. Au même moment, d’étranges phénomènes se produisent, les gens changent, deviennent fous. Chris, Wesker, Richard et Brad des S.T.A.R.S sont envoyés au manoir Spencer, du nom de l’un des fondateurs de la société pharmaceutique, pour enquêter sur la disparition de l’équipe BRAVO dépêchée sur les lieux pour enquêter sur d’étranges meurtres. Après avoir été attaquée par une folle furieuse, Claire rejoint le commissariat de police, y fait la connaissance de Léon S. Kennedy et du chef des autorités Jérémy Irons alors que le bâtiment est assiégé par les morts.
Voici un très bref résumé de ce qui se passe dans le film. Et très sincèrement, oui, tout ceci est assez fidèle aux jeux et cela n’est pas pour nous déplaire. Nous avons pris plaisir à retrouver des personnages que nous apprécions, ainsi que des lieux qui ont marqué notre adolescence, surtout que ces derniers sont franchement très ressemblants à ceux que nous avons arpentés de long en large et de travers. Autant dire que retrouver le hall du commissariat, le manoir Spencer et son hall d’entrée iconique nous a donné quelques frissons bienvenus.
Le problème n’est pas là en fait, mais se situe au niveau du déroulé de l’intrigue et surtout de ce que le scénariste, Greg Russo, déjà à l’œuvre sur le navrant reboot de Mortal Kombat, a fait de certains personnages. Et on ne parle pas là du casting, qui se tient finalement, Robbie Amell (Chris Redfield), Kaya Scodelario (Claire Redfield) et Tom Hopper (Albert Wesker) se montrant même vraiment convaincants dans leurs rôles respectifs. Non, le souci majeur vient de l’écriture et des liens établis entre les différents personnages.
Relier la famille Redfield avec Birkin et Lisa Trevor n’est pas une mauvaise idée en soi, mais encore faut-il en faire quelque chose de convaincant. La jeune malformée ne sert littéralement à rien dans le récit, alors que la relation pseudo familiale entre Chris et Birkin est totalement sous-exploitée et mène à une conclusion dont on se fout royalement. L’équipe des S.T.A.R.S est quant à elle ultra cliché, et la mise en place d’une sorte de triangle amoureux entre Chris, Jill et Wesker n’a absolument pas lieu d’être et est la seule chose qui caractérise l’héroïne du premier jeu d’ailleurs. Ça et le fait qu’elle soit une folle de la gâchette, on ne sait trop pourquoi.
Les dialogues sont creux, sans fond, blindés de clins d’œil malvenus aux jeux (le Jill’s sandwich en tête) et Dieu que c’est mal écrit. La seule bonne surprise finalement est le traitement du personnage de Wesker, dont la nouvelle lecture est moins manichéenne qu’auparavant. Le pire étant Léon S. Kennedy qui perd ici tout charisme, devient le comic relief du film et est un pleutre qui ne survit que grâce aux autres, là où Claire est une femme forte et débrouillarde qui porte le film sur ses épaules quand ils sont tous deux à l’écran.
Et c’est bien dommage, car il y avait de l’idée. Réécrire les personnages, leur donner de nouvelles motivations et une psychologie inédite aurait pu être réussi, mais encore fallait-il que le tout ne se montre pas si superficiel, cliché, voire parfois beauf. Alors certes, cela colle bien au côté nanar des jeux, mais sur grand écran, avec de vrais acteurs, il faut avouer que même si cela est assumé, cela passe vraiment moins bien, surtout que le long-métrage se veut réaliste au possible, bien moins bling bling que les épisodes Jovovich, et entend poser une ambiance pesante et urgentiste.
Autant dire que le film ne sait jamais réellement sur quel pied danser, mais parvient tout de même à se tenir debout jusqu’à une dernière partie risible, ridicule et qui annihile toutes les intentions antérieures. Vient ensuite le fan service trop présent, envahissant parfois, justifiant à lui seul certaines scènes qui en deviennent inutiles, et on aurait aimé que ce temps alloué à remplir de vide le métrage serve à étoffer un background qui ne sera réellement compris que par les fans de la saga.
C’est là l’une des limites de Resident Evil : Bienvenue à Raccoon City, car là où la saga de Paul W.S. Anderson permettait à tous, profanes comme joueurs, d’en comprendre les tenants et aboutissants, ici, si vous ne connaissez pas, vous serez vite perdu et l’ennui pointera inéluctablement le bout de son museau. Ici, on est plus face à un film et un réalisateur qui connaît ses classiques, tentant désespérément d’en réciter les gammes, tout en essayant de surprendre son audience en changeant certaines choses, mais qui ne parvient jamais à trouver le juste milieu entre fidélité et originalité. Ainsi, le film se transforme en une sorte de fourre-tout qui se perd dans ses propres ambitions et qui perd par la même occasion tout le monde au passage.
VFX et réalisation : bienvenue à fauché city
Mais globalement, et malgré des faiblesses d’écriture, on ne peut pas dire que l’on se soit ennuyé durant notre visionnage. On a certes parfois pouffé dans notre barbe lors de situations assez grotesques et prévisibles, on a même haï le film par moment, mais on ne s’est pas ennuyé. Néanmoins, on a noté un déséquilibre d’intérêt face à ce qui nous était montré, car là où les événements dans le manoir Spencer se montraient très « Resident Evil » en termes d’ambiance, et bien mis en scène la plupart du temps, ce qui se déroulait dans le minuscule commissariat ne l’était vraiment pas, et on ne parle même pas du très court passage dans l’orphelinat qui nous a fait pleurer des larmes de sang.
Resident Evil : Bienvenue à Raccoon City est donc suffisamment divertissant pour ne pas être désagréable, cependant, il souffre de limitations si visibles que ça le classe parfois au rang de téléfilm du dimanche que l’on regarde sans réfléchir, tel un zombie se réveillant un lendemain de cuite. On se demande vraiment dans quoi est parti son budget de 40 millions de dollars, que l’on rappelle égal à celui du dernier chapitre mettant en scène Mila Jovovich. C’est simple, la quasi-totalité des VFX sont ratés, datés et même souvent d’un ridicule qui ferait passer une cinématique PS1 pour un chef-d’œuvre technique encore aujourd’hui.
Pourtant, les zombies du film, des personnes portant des prothèses et du maquillage, sont vraiment réussis et on distingue même différentes étapes de transformation, mais pour ce qui est des créatures en CGI, là on touche le fond de la pantoufle et c’est sauve qui peut. Le Licker et le Tyran en tête sont à s’arracher les yeux des orbites tant ils font cheap. Et ce ne sont pas là les seules choses problématiques. Que dire des intérieurs en images de synthèse ? Le hall du commissariat et du manoir Spencer par exemple, quelles horreurs sont-ce là ? Pourquoi ne pas avoir pris la peine de créer un décor réel ? Surtout que le résultat est certes fidèle esthétiquement, mais loin d’être convaincant techniquement. Et on ne vous parle même pas du final…
Alors, la réalisation et la photo sauvent-elles ce désastre technique ? Clairement, non, mais ce n’est pas non plus mauvais. C’est sans originalité, sans relief, et s’il n’y a aucune âme dans la réalisation, Johannes se contentant comme à son habitude de mettre en image l’action de manière efficace sans y apporter une réelle vision d’auteur, la photo reste elle assez belle et on peut remercier le directeur de la photo David Alexandre.
On compte en tout et pour tout peut-être un ou deux moments maximum dans lesquels le film s’émancipe de sa propre prison trop lisse et sans imagination pour tenter quelque chose. La séquence de l’accident de camion devant le commissariat en est un bel exemple, mais ce ne sont hélas que quelques éclairs d’inventivité au milieu d’un quasi néant artistique, sauvé par la qualité des décors néanmoins.
Aussi, le film ne se montre finalement pas très gore et il est vrai que cela manque pas mal de sang, de tripes et autres zombies démembrés, et ce, malgré son interdiction aux moins de 12 ans et son rated R aux États-Unis. Rien de bien explicite n’est montré et on peine même à comprendre une telle classification, d’autant plus qu’à aucun moment il ne fait peur, malgré quelques séquences sous tension dans le manoir assez sympathiques, dirons-nous. Quant à la bande originale composée par Mark Korven, RAS. Hormis un vrai bon thème (le principal), le reste est assez classique, sans être mauvais.
Finalement, Resident Evil : Bienvenue à Raccoon City est à l’image de la ville même de Raccoon City qui est ici transformée en petite bourgade de campagne, n’ayant plus rien à voir avec la cité du jeu, et qui est l’ancien fief d’Umbrella laissé à l’abandon depuis le départ de l’entreprise. C’est devenu plus petit, moins ambitieux, comme tiré d’une série télévisée tournée dans le fin fond du Canada pour des raisons de coût. Il ne s’en dégage rien de grandiose, l’invasion zombie étant à peine visible, hormis devant les portes du commissariat, et on peine à percevoir l’urgence de la situation dans la ville de Raccoon. Cela manque tout simplement d’envergure, et ce à tous les niveaux.
Resident Evil : Bienvenue à Raccoon City laisse l’impression d’un fan film à gros budget, mais qui n’en a pas assez pour être considéré comme un bon blockbuster. Il s’agit là finalement d’un reboot qui fait le job, sans trop se fouler, et qui est sauvé de ses faiblesses par quelques qualités et prises de risque qui font mouche. Bien évidemment, il parlera avant tout aux fans qui seront heureux de retrouver personnages et lieux iconiques de la saga, même si les premiers se sont vus changer et pas toujours pour le meilleur.
On en ressort légèrement déçu, avec un sentiment de trahison, mais ne pouvons pour autant pas dire que nous ayons passé un mauvais moment, le métrage restant un divertissement convenable. Le problème, c’est qu’une fois sorti du cinéma, on n’en avait déjà plus rien à cirer du film, et ce n’est pas la scène post-générique, qui annonce une suite dans le malaise le plus total, qui aura réussi à réveiller un tant soit peu notre intérêt pour le futur de la franchise. Dommage.
Quant à savoir si c’est une bonne adaptation… Disons que ce n’est pas la pire, ni la meilleure, d’ailleurs.