Minecraft L’île Perdue retrouvée.
Minecraft et nous, cela remonte a très longtemps. À l’année 2009 pour être plus précis et l’achat du jeu via sa première alpha publique. Autant dire que l’on a été témoin de la naissance de l’oeuvre culte qu’elle est aujourd’hui. Pourtant, Minecraft et nous n’avons pas continué ensemble et nous sommes séparés il y a de cela quelques années déjà. La raison ? Aucune en particulier, juste l’envie de passer à autre chose et de découvrir de nouveaux mondes et univers.
Explorer de nouveaux horizons, voilà une idée que Minecraft L’île Perdue ne rejetterait pas en bloc. Se lancer dans sa lecture fut difficile tant on appréhendait le moment. Nous avions peur. Peur de nous retrouver devant un livre aux mots et phrases sans substance et uniquement écrits pour vendre du produit dérivé et du jeu vidéo. Et on avait tort. Tort, parce que dès le départ le roman nous embarque dans son univers sans jamais se perdre en route.
Néanmoins, et on l’avoue sans en rougir, nous n’étions pas au courant que Minecraft L’île Perdue eut été écrit par l’auteur américain derrière World War Z, à savoir Max Brooks. Mais même en sachant cela, on redoutait de se retrouver face à un récit de commande uniquement écrit pour rassasier l’appétit des joueurs et fans de la licence. Cependant, il n’en est rien, et nul doute que l’écrivain s’est appliqué non seulement a respecter les codes mêmes du jeu, mais aussi a nous pondre une aventure humaine sincère à la portée de tous, grands et petits.
Bienvenue dans un monde unique
Imaginez-vous vous réveiller flottant au milieu de l’océan, seul, sans rien à quoi vous raccrocher, avec pour seule compagnie un soleil brûlant et une immensité bleue paraissant sans fin. À ce moment précis, les questions de type qui, où, comment et pourquoi ne traversent pas encore l’esprit et seul l’instinct de survie hante tout notre être.
C’est de cette façon que commence le récit, par la terreur de la solitude dans un océan infini. Le personnage que l’on suit ne sait plus qui il est et ne parvient pas à se souvenir de ce qui l’a mené à se retrouver dans une situation si délicate. Très vite néanmoins, il s’aperçoit que certaines choses sont bizarres, les nuages sont rectangulaires, le soleil carré et même les animaux marins sont de formes cubiques.
À l’horizon, une terre apparaît. Une île faite de traits droits, d’angles droits, de carrés, de rectangles et de cubes. Une plage, et notre protagoniste se rend compte que lui même est fait de cubes, il n’a plus de mains, plus de pieds et ses vêtements sont peints sur lui. Ce ne sont pas là les souvenirs du monde qu’il a en mémoire, et ce « nouveau monde « , comme il l’appelle, lui réserve encore bien des surprises.
La surprise du chef
Vous l’aurez compris, Minecraft L’île Perdue nous a beaucoup plu. Non pas parce que l’on a pratiqué le jeu il fut un temps, ou que l’on apprécie son univers, mais parce qu’il est bien écrit et intéressant. C’est une sorte de Robinson Crusoé se déroulant dans un autre monde régi par des codes stricts qu’il faut apprendre et savoir utiliser à son avantage. Là est toute la problématique pour notre héros. Il lui faut comprendre son environnement, ses mécaniques si particulières, pour survivre des mois durant, seul et sans souvenirs précis de sa vie avant son récent réveil aquatique.
Le récit est construit sur trois actes : la découverte, l’apprentissage et ce que l’on pourrait appeler la connaissance. Tout d’abord, on suit les aventures de ce personnage perdu dans un décors devenant vite hostile.
La découverte s’apparente presque aux premiers pas du joueur dans Minecraft, lorsqu’il découvre les lois qui régissent cet écosystème cubique. Des premières erreurs et succès, aux premiers crafts, en passant par les rencontres inopinées avec zombies et araignées agressives. Notre protagoniste va devoir apprendre, se fixer des objectifs à atteindre pour ne pas sombrer dans le désespoir. Et c’est ce qu’apporte l’apprentissage. Le cœur du livre est dédié à cela. On y suit les expérimentations de ce solitaire malgré lui qui s’est entiché d’une vache et quelques autres animaux pour avoir de la compagnie. Il s’imagine alors que ces bêtes lui répondent et font office de subconscient, le rassurant quand cela est nécessaire, lui bottant les fesses parfois, ou l’écoutant tout simplement.
Survivaliste dans l’âme, l’histoire nous entraîne alors dans un dédale psychologique dans lequel le héros se doit de sortir vainqueur, une guerre aussi bien intérieure que contre toute sorte de créatures, et contre l’univers lui-même s’engage alors. Les impératifs de survie prennent le pas sur toute autre question devenant secondaire et le narrateur nous invite nous aussi à mettre de côté de nos tracas quotidiens pour le suivre dans l’exploration de cet autre monde.
L’accent mis sur la psychologie du personnage et l’importance de se trouver occupations et amis sur cette île apporte une touche très humaine à l’histoire. Malgré ce lieu fantastique, l’écriture est très terre à terre, sans fioriture, et les questions de mort, de survie, de faire face aux nombreux défis qui se dressent sont abordées sans fioriture ou édulcoration. Ceci offrant plusieurs degrés de lecture de l’oeuvre, enfants et adultes s’y retrouveront et chacun verra les choses à sa façon.
C’est là l’enjeu de l’apprentissage, car si l’auteur aurait pu prendre le parti de ne nous proposer qu’un tutoriel narratif de l’expérience Minecraft, ce qui arrive malgré tout parfois, il va beaucoup plus loin que cela et soulève bien des questions. Ainsi, Max Brooks entend nous impliquer directement dans l’histoire, car à plusieurs reprises le narrateur s’adresse directement à nous et l’explication, pourtant simple, ne saute pas forcément aux yeux dès le départ. C’est donc là, la connaissance. Cette dernière arrive très tard dans le roman et ne prend pas plus que quelques chapitres qui deviennent alors capitaux, car censée nous montrer comment le personnage passe d’un état de questionnement à celui de certitude. Le souci c’est que cela va trop vite à notre goût et les conclusions faites sont trop hâtives.
Car là où le livre sait se poser pour faire de l’exposition ou encore développer la psychologie de son protagoniste, il le fait beaucoup moins en fin de récit. Le final, pourtant révélateur du message qu’essaie de faire passer Max Brooks, se montre précipité et surtout trop facile vis-à-vis des épreuves subies, même si, rassurez-vous, il est expliqué. C’est peut-être là le seul reproche, avec celui de se montrer parfois trop tutoriel et didactique sur les bords par rapport à son univers, que nous ferons à Minecraft L’île Perdue, car sans cela, c’est un roman jeunesse incroyablement mature, porté par une écriture directe et sans artifice.
Un livre jeunesse et adulte
Minecraft L’île Perdue est un pari risqué, mais réussi, de la part de Max Brooks. L’auteur a su présenter un univers unique de la plus belle des manières et créer un personnage attachant et auquel on s’identifie, justifiant ainsi son amnésie par cela. Il est en effet plus simple de se projeter dans un corps avec lequel nous avons semble-t-il une mémoire collective que des souvenirs précis sur sa vie.
L’histoire en elle-même, encore une fois inspirée de Robinson Crusoé, Max Brooks remerciant même sa mère de lui avoir fait découvrir ce roman durant ses jeunes années, est très appréciable à suivre. Parce que même si l’univers de Minecraft est particulier et unique en son genre, c’est l’humain qui est mis en avant durant tout le récit et certains passages, les plus durs notamment, nous prennent aux tripes. Un petit tour de force qui s’adresse aux petits et grands et qui à d’ailleurs la bonne idée de ne pas prendre les premiers pour des innocents candides ou naïfs comme c’est parfois le cas dans la littérature jeunesse. On recommande.
Minecraft L’île Perdue de Max Brooks
Éditeur : Castlemore
Date de parution : 04/04/2018
Prix conseillé : 9, 90€
Note : Existe aussi en format DYS (dyslexique)
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