Après son chef d’oeuvre Our Summer in Holiday Kaori Ozaki mise à nouveau sur les thèmes du voyage, de l’adolescence et de l’amitié. Le mangaka fait son retour en mai dans les librairies françaises avec Mermaid Prince publié chez Delcourt. Mermaid Prince se présente comme un one-shot composé de 3 histoires dramatiques : Les hauts de pluie de lune, Jour de neige et pour conclure Mermaid Prince au nom du tome. 3 histoires, 3 perspectives abordées totalement différemment : Les hauts de pluie de lune exprimera la quête d’indépendance d’Akari Limino, jeune lycéenne entrant dans le monde adulte. Jour de neige s’accorde quant à lui le point de vue d’une bibliothécaire recueillant un père et son fils victimes des froids de l’hiver dans une médiathèque. Pour finir par le titre même de ce one-shot : Mermaid Prince, rythmant l’arrivée de Mugi, adolescent à Okinawa : son intégration est difficile mais Matori, pourvue d’une gentillesse et d’une simplicité d’esprit lui fera découvrir l’histoire des sirènes qui exaucent tous les désirs. Même si la couverture du manga s’accorde pleinement par son illustration à ce que ces histoires se fondent essentiellement autour de la mer, des récifs et de l’inconnu, Kaori Ozaki, dans sa manière douce et attachante d’illustrer ses personnages ne réduit pas ses récits aux seuls sons des vagues.
Trois odyssées charmantes étrangement nostalgiques
Mermaid Prince se revendique avant tout comme un shojo, divertissement dont les jeunes adolescentes sont avant tout la cible, il ne vous faudra que lire quelques pages pour vous rendre compte que l’on est loin d’un shojo standard et classique. Adieu les histoires d’amour et stéréotypes mielleux puisque Mermaid Prince souhaite avant tout vous faire voyager et réfléchir sur des sujets complexes comme l’apprentissage, l’empathie et les remords, problématiques qui conviendront parfaitement à la vision perçue depuis un oeil adulte et mature. Évidemment, Mermaid Prince reprendra tout de même des codes types du manga shojo, mais bien amenés ces sujets ne seront pas une barrière à l’appréciation de ces 3 histoires. Tout en adoptant un rythme de voyage et de quête spirituelle, l’on suit dans chacun de ces récits la vie, et surtout l’apprentissage vers le monde adulte de personnages qui n’ont pas les mêmes motivations : Akari Limino souhaite rapidement sortir de l’enfance afin de s’en détacher et d’obtenir un gain d’indépendance : des connotations comme le passage à la sexualité et donc à la « première fois » sont rapidement évoquées tout en conservant une certaine bienséance pour ne pas choquer les lecteurs. D’harmonieuses symboliques cadencent les univers proposés : un « train train » de vie banal a permis à notre chère bibliothécaire du deuxième conte d’ouvrir son coeur à deux êtres perdus en plein hiver, une transition vers le printemps une fois l’histoire achevée ouvre une tout autre tournure laissant la libre interprétation au lecteur.
Un brin d’air frais qui fait du bien
Mermaid Prince, certainement la plus grande partie achevant l’oeuvre, offrira un brin d’aventure puisqu’il s’agit de la mise en avant d’une curiosité enfantine et touchante de deux enfants découvrant les merveilles de la mer. Des personnages peut-être un peu trop au coeur de situations féeriques ? L’on imagine clairement qu’il n’aurait pas été très intéressant de faire un focus sur une journée banale de notre bibliothécaire dans ce récit numéro 2, mais la situation de rencontrer deux personnages dépourvus se recueillir auprès d’une bibliothèque peut paraître un peu trop romancée : cette deuxième histoire, certainement la plus mitigée, aurait pu être développée sur un autre axe afin de rendre transparente l’inévitable morale « il faut toujours prendre soin des gens dans le besoin ». Comme contre-exemple la première nouvelle retranscrit, quant à elle subtilement, ce désir de découverte qui constitue le personnage d’Akari Limino, sans se transformer en personnage effronté et désireux. La jeune fille bravera sa peur de l’inconnu en explorant un café fermé aux bords des rivages pour y contempler les étoiles auprès d’un jeune garçon. Il ne sera pas étonnant de trouver au sein de Mermaid Prince de belles allégories : café, rivage, découverte de la ville, chaque lecteur sera passé par ces topos incontournables qui constituent des étapes de notre vie et Mermaid Prince arrive pour nous le rappeler. Il vous arrivera certainement qu’un moment joyeux ou triste de votre existence fasse à nouveau surface en tant que souvenir durant la lecture de cette oeuvre où la nostalgie rythme particulièrement ces 3 récits.
Les personnages bien que changeants dans leur identité manquent d’un coup de crayon plus personnalisé. L’illustratrice assurément talentueuse nous offre des pâles copies féminines et masculines : des garçons aux cheveux bruns mi-long ainsi que des demoiselles aux cheveux foncés avec des visages semblables. Si vous n’êtes pas bien informé à l’achat que Mermaid Prince est un one-shot, il vous sera alors difficile de découper les histoires en 3, puisque qu’à la première lecture l’on peut penser à une réelle continuité sans découpage au coeur du tome. Les personnages ont beau ressentir quelques lacunes, les paysages qu’ils rencontrent sont pourvus d’un réalisme tranchant où la ville, la mer et les campagnes sont dessinées avec une exactitude mordante. Tous les honneurs reviennent à Kaori Ozaki qui a su retranscrire avec émotion les mouvements des vagues pourtant difficiles à retransmettre sur un imprimé papier. En parlant de vagues, existent-elles vraiment ? Même si comme cité précédemment Mermaid Prince constitue presque la moitié du roman avec ses 113 pages, il est un peu fâcheux que dans une histoire sensée porter autour des mers et des rivages, le lien avec l’univers aquatique soit peu appuyé, ou seulement en guise de conclusion lors du panorama avec la sirène, et le sauvetage d’un des personnages. Il aurait été d’autant plus émouvant de pouvoir plonger plus profondément au cœur des personnages dans des aventures aquatiques et non comme si la sirène devait seulement être l’achèvement logique de Mermaid Prince.
Mermaid Prince offre trois histoires apportant chacune sa façon de nous transporter au cœur d’un univers différent tout en y combinant une vision des changements rencontrés au coeur de notre vie : adolescents ou adultes. La narration est globalement agréable dans chaque histoire, mais comme précédemment énoncé elle sera relative au lecteur qui y trouvera ses préférences. La retranscription ne fait l’objet d’aucun défaut majeur grâce à une traduction de Patrick Honnoré (Un ciel radieux, Battle Royale, La photographe), ayant déjà fait ses preuves. Mermaid Prince vous laissera une touche de divertissement qui de temps à autres placera un surréalisme excessif que le lecteur pourra toutefois tamiser avec du recul.
- Mermaid Prince one-shot
- Date de parution : mai 2019
- Prix conseillé : 7,99€
- Nombre de pages : 224 pages
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