Initialement sorti au Japon en 2019 et fraîchement arrivé en Europe au mois de mars dernier, Hell’s Paradise est le nouveau manga de Yuji Kaku, l’auteur de Phantasma, le tout est édité pas Kazé pour notre plus grand plaisir. L’oeuvre se veut être un shonen assez mature prenant ses inspirations dans Berserk (pour ne citer que lui), et nous propose ici une virée au Paradis, ou plutôt en Enfer. Sanglant et percutant tout en restant sensible, le propos du manga nous mènera à explorer la rédemption, la confiance en soi mais aussi la survie en milieu hostile.
Hell’s Paradise nous conte l’histoire de Gabimaru, un shinobi surpuissant condamné à mort surnommé « Le vide » et croupissant en prison. Malgré cela, aucun bourreau et aucune technique de mise à mort ne fonctionne sur lui. Immolation, écartèlement, décapitation et autres joyeusetés n’arrivent pas même à lui infliger la moindre égratignure.
Jusqu’au moment où celui-ci rencontre Sagiri, une exécutrice de la famille Aesemon, reconnue pour ôter la vie à n’importe qui quel que soit son pouvoir. Luttant alors pour ne pas être exécuté, Gabimaru reçoit une offre alléchante de la part de son exécutrice, être innocenté à une condition, se rendre sur la Terre des dieux, une île mystérieuse où se trouverait un élixir d’immortalité. Île dont personne n’est revenu vivant, les seuls corps retrouvés étant décomposés en fleurs.
Notre protagoniste participe alors à la sélection de condamnés à mort qui seront envoyés sur cette île accompagnés d’un bourreau attitré. Les enjeux sont donc posés, entre la quête de rédemption du héros voulant survivre pour retrouver sa bien-aimée et vivre une vie tranquille loin des meurtres, le combat intérieur de son exécutrice voulant surpasser ses démons et devenir meilleure et la survie des autres prisonniers tous plus dangereux les uns que les autres, voulant retrouver leur liberté ainsi que l’amnistie.
Hell’s Paradise prend le parti de nous livrer une histoire suivant un anti-héros, désinvolte et égoïste. Loin du stéréotype du héros qui prendra du grade au fil de l’aventure que peuvent nous proposer les Shonens classiques. Comme nous le montre le synopsis, on ressent une lassitude et une nonchalance dès les première pages qui se dégagent des personnages. Au fil du récit, on se rendra vite compte que cette part d’eux-mêmes n’est pas celle qu’ils voudraient être, transformant alors l’histoire en une quête de rédemption.
S’il y a bien un point inhabituel dans Hell’s Paradise c’est le fond des personnages, très rattachés au passé mais aussi à l’avenir, occultant totalement le présent. Au début, cette impression nous dérange en tant que lecteur car les événements qui se déroulent n’ont l’air d’avoir aucune incidence et surtout aucun intérêt dans le déroulement de l’histoire.
C’est ici une manœuvre de l’auteur pour nous permettre de nous concentrer davantage sur les personnages et leur façon de penser, souvent rattachée à un passé douloureux. Si bien que lorsque l’on avance dans les chapitres, on se rend vite compte que beaucoup de personnages auront leur importance et que l’on ne s’attachera pas seulement au héros principal.
Hell’s Paradise se dessine alors comme une aventure aux multiples lignes scénaristiques s’entre-croisant par moments. Chaque ligne représentant une paire de protagonistes souvent composée d’un prisonnier et de son bourreau. Les enjeux de chaque duo diffèrent et l’approche faite à l’intrigue par la même occasion, ce qui rend le tout agréable à suivre et jamais ennuyeux.
L’univers du manga n’est pas sans rappeler celui des enfers de Berserk, l’auteur ayant opté pour des créatures semi-humaines inspirées également de divinités, rendant alors la faune dérangeante visuellement, mettant donc le lecteur mal à l’aise. Cela contraste parfaitement avec l’image du paradis dont l’île tire son nom, mais qui au fur et à mesure du récit se transforme en enfer.
Hell’s Paradise nous offre une nouvelle vision du Paradis et de l’Enfer à travers les yeux de multiples anti-héros aux aptitudes particulières que nous suivrons de près. Chaque personnage possède son passé et un but bien précis qui parfois seront bien plus profonds que l’on pourrait penser aux premiers abords. Le dessin est agréable et retranscrit bien les états d’âmes et ressentiments de ces personnages pour nous proposer une aventure qui ne nous laissera pas indifférents. Malgré tout, cela reste un shonen classique dans sa présentation qui tentera tant bien que mal de sortir du chemin tracé par ses prédécesseurs.