Douleur Fantôme, le polar polaire à emmener au soleil !
Ça y est, juin est arrivé, et avec lui, la promesse des grandes vacances… Alors ceux qui n’ont pas d’examen à réviser commencent déjà à préparer leur été, à penser aux jeux qu’on va emmener avec la Switch, à se disputer avec sa moitié ou ses parents sur le thème « tu ne vas quand même pas prendre tes jeux vidéo en vacances ?! »… Moins clivant mais tout aussi indispensable dans son sac, le bon gros bouquin de l’été. Et justement, là, on a 500 pages qui valent surement le coup de vous accompagner sur la plage, en avion, ou simplement en terrasse.
« Il penche la tête. Le bruit de pas est juste devant le chalet. Bordel ! D’une manière ou d’une autre, le type a découvert qu’un de ses amis possède une maison dans les environs. Il relâche sa respiration et attend. Une goutte de sueur dégouline de son front vers son t-shirt, il en profite pour sécher le manche du couteau avant de le reprendre d’une main ferme.
Puis il entend la porte.
Et le plancher qui craque.
(…) Des pas légers. Un souffle contrôlé. Il tente de se concentrer, se dit qu’il doit être prêt à frapper au bon moment sans crainte ni hésitation. »
– Douleur Fantôme, p.358
Le Colonel Moutarde
Douleur Fantôme est un pur thriller. Un roman policier à l’ancienne, qui nous emmène avec son personnage principal enquêter sur un meurtre. On n’est pas dans un polar ou un roman noir, au sens de Jean Patrick Manchette, qui, à travers son histoire, mettrait en exergue une société malade, mais dans une enquête à la Cluedo, plus proche des romans d’Agatha Christie.
Les personnages sont des archétypes du genre : le journaliste qui porte en lui les blessures de son passé (la Douleur Fantôme du titre), le mafieux reconverti dans un business légal mais trouble, le tueur à gage froid et taciturne ou le père de famille modèle embringué malgré lui dans une situation qui le dépasse… On le voit, sans contexte particulier, et avec des personnages réussis, mais sans vraie originalité, c’est sur l’histoire et les péripéties que va tenir le bouquin.
Enquête à Oslo
Dans Douleur Fantôme, on retrouve le personnage de Juul Henning, journaliste, qu’on avait pu rencontrer dans Mort Apparente, ou encore dans Cicatrices, le premier tome du cycle auquel appartient Douleur Fantôme. Pas de panique, Douleur Fantôme peut très bien se lire de façon autonome, même si quelques lignes, notamment à la toute fin de l’ouvrage, viennent lui donner un petit côté feuilletonnant et lier ces deux romans. Annoncer un troisième tome, aussi, puisque les dernières pages, à la manière d’une scène post-générique chez Marvel, sèment les graines d’une nouvelle intrigue à venir, sans aucun doute possible ! Le cycle complet comprend en effet cinq tomes, dont seuls deux ont été traduits pour le moment en français.
Juul a perdu son fils dans l’incendie de son appartement, et bien entendu, ce décès le hante. D’autant qu’il est persuadé que cet incendie n’était pas accidentel.
Tore Pulli, lui, est un ancien recouvreur de dettes (vous savez, ces mecs qui viennent vous briser un membre pour vous inciter à rembourser un peu plus vite le crédit que vous aviez demandé à la mauvaise personne…), adepte du body building et reconverti dans l’immobilier, où il a fait fortune. Tout lui souriait jusqu’au jour où il se retrouve accusé du meurtre d’un ancien ami, du temps où il sévissait comme petite frappe. En prison, Tore va demander l’aide de Juul. Et il convaincra facilement ce dernier de travailler sur son affaire en lui révélant qu’il a des informations sur l’incendie…
Pas (encore) vu à la télé
Évidemment, Juul va immédiatement accepter, et nous le suivrons, cinq cents pages durant, dans cette enquête qui visera à innocenter un criminel notoire. Comme dans Columbo, nous, lecteurs, connaîtrons le fin mot dès les premières pages du livre. Tore Pulli a été piégé. Tout l’intérêt de l’enquête consistera à découvrir qui l’a piégé, et pourquoi.
Le livre est rythmé, les chapitres sont très courts, passant d’un personnage à l’autre avec un tempo qui rend le livre difficile à lâcher. L’apanage des policiers réussis ! Des personnages justement qui sont suffisamment nombreux pour qu’on puisse jouer à trouver le coupable sans que la tâche nous soit facilitée. Un indice cependant : le coupable est bien là, dans la galerie des personnages que l’on croise ! Les lieux aussi se multiplient, tout comme les péripéties. Tout est possible dans Douleur Fantôme : à la manière de la saga de Geoge R.R. Martin, n’importe quel personnage peut mourir en route, y compris ceux qu’on considère comme « les personnages principaux » ! Le rythme s’accélère encore dans les cents dernières pages, le récit est maîtrisé.
Écrit un peu à la manière d’une série, on se demande si l’auteur n’avait pas une idée derrière la tête pendant la rédaction du livre… En tout cas, on ne serait pas étonné de voir débouler l’adaptation télé d’ici quelques mois…! Un conseil ? Lisez-le avant, ça fait toujours cool de pouvoir frimer un peu, lors d’un apéro chez des amis, façon : « Cette série ? Ouais, j’ai lu le bouquin y’a un moment… ».
Au nord, c’était les corons polars
Depuis le phénomène Stieg Larsson et la trilogie Millenium (devenue depuis quadrilogie, mais sans Larsson, décédé. Et un cinquième épisode devrait voir le jour), la Scandinavie est devenue LE théâtre du roman policier. D’ailleurs, le roman policier nordique est quasiment devenu un genre, avec ses stars : Jo Nesbo (Norvégien), Camilla Lackberg (Suedoise) ou Jussi Adler-Olsen (Danois). Et bien d’autres…
Bien entendu, Douleur Fantôme s’inscrit complètement dans cette veine. On regrette cependant que son décor n’en soit qu’un, et que le contexte ne soit pas plus exploité. Ne comptez pas en effet apprendre quoi que ce soit sur la Norvège, sa société, sa culture, ses habitudes… Nous esquisserons tout juste un sourire quand l’un des personnages avertit son mari : « Bon, si tu arrives après 17 heures, je te préviens qu’on mangera sans toi. ». Nous le disions plus haut, le roman de Thomas Enger n’est pas un roman noir, mais un pur thriller, ne s’attachant qu’à raconter son histoire.
Douleur Fantôme ne déçoit pas, et nous en donne pour notre argent. Amateurs de thrillers, de romans à suspense et d’aventures à rebondissements, voilà qui devrait vous plaire ! Un excellent bouquin de vacances ou de voyages, qui n’a pas d’autres prétentions que de distraire avec une histoire entraînante et bien construite. Petit bémol, la traduction a été réalisée depuis un texte en anglais, et non pas depuis le texte original norvégien. Un drôle de choix.
Alors certes, ce n’est pas un texte à prix littéraire, mais il remplit son contrat, à la manière de ces séries B au cinéma qu’on ne voit jamais dans les festivals, mais qui nous font souvent passer d’excellents moments, et qu’on revoit avec plaisir.
Douleur Fantôme, de Thomas Enger
523 pages, édité chez Bragelonne
Disponible en poche depuis le 10 avril, 7,90€.
(également disponible en grand format et en version électronique).