Adapté un jeu vidéo en un autre média n’est jamais chose aisée. Si l’on prend l’exemple du cinéma, on voit que même les grosses productions parviennent à se planter, malgré, il faut l’avouer, de très bonnes intentions parfois. The Evil Within, jeu créé par le maître Shinji Mikami (Resident Evil) a connu deux adaptations littéraires. La première, et celle qui nous intéresse ici est un comics paru en 2014, alors que la seconde, The Interlude, est sortie elle en 2017.
Pour la petite histoire, ce recueil intégral du comics The Evil Within sort pour la première fois en français grâce à la maison d’édition Omaké Books. Alors si certains ont pu découvrir ce prélude aux aventures du détective Castellanos en anglais, d’autres ont dû attendre près de cinq ans pour voir débarquer l’oeuvre chez nous. En tant que grand fan de survival-horror et de Mikami, la rédaction ne pouvait passer à côté de cette lecture. En valait-elle la peine ?
Dana au pays des mochetés
Le comics The Evil Within se déroule quelque temps avant les événements narrés dans le jeu. On y suit le périple de Dana Robinson, une jeune étudiante qui se retrouve piégée dans un monde de cauchemars dans lequel se trouvent d’étranges créatures infernales et autres humains décharnés et monstrueux devenus mortellement dangereux. Elle fait très vite la connaissance d’autres personnes qui comme elle semblent enfermées dans cette prison des horreurs. Chacun ayant un rôle à jouer, une raison d’être ici et un passé torturé à revivre. Leur but est simple : s’échapper de cet enfer.
Les ingrédients sont là, mais…
Découpé en plusieurs parties, chacune accueillant le cauchemar d’un personnage, The Evil Within est plus un bel hommage rendu au jeu qu’autre chose. Il est tout ce que l’on attend d’une adaptation survival-horror en comics. Le ton est grave, c’est sanglant, voire gore, et les différents personnages sont souvent placés en situation d’urgence vitale.
En outre, l’univers du jeu est très bien retranscrit. L’ambiance est pesante et tendue, le bestiaire respecté à la lettre, certains lieux iconiques reconnaissables et le scénario fait corps avec l’oeuvre globale créée par Mikami. En cela, cet écrit spoile pleinement celle-ci, puisque quelques twists sont dévoilés. À éviter donc si l’on n’est pas au fait des événements narrés dans l’objet vidéoludique.
C’est aussi bien écrit, car c’est un vétéran qui est derrière sa plume pour faire parler nos avatars dessinés. En effet, on retrouve donc un certain Ian Edginton à l’écriture et au scénario. Il a notamment travaillé sur des comics tels que Blade, Wolverine ou encore Judge Dredd, ainsi que quelques Batman et les adaptations d’Alien ou Predator entre autres. Il a aussi officié sur le très bon Dead Space : Libération que nous ne pouvons que vous conseiller, ne serait-ce que pour son dessin.
Ian Edginton ne nous livre pas là son meilleur essai, on ne va pas vous le cacher. Probablement parce qu’il s’agit ici avant tout d’un travail de commande, mais même ainsi, le récit est bien rythmé, sans réel temps mort et encore une fois, le lien avec le jeu vidéo bien présent. Reste néanmoins que les personnages manquent de relief et de charisme, certains sont d’ailleurs assez clichés sur les bords, ils sont dénués d’épaisseur et cela va trop vite pour qu’on s’y attache un tant soit peu. Dommage, car le principe de visiter l’esprit torturé de chacun est une très bonne idée et apporte la touche déstabilisante qu’il fallait.
Cependant, ne boudons pas notre plaisir, c’est imparfait, mais positif dans l’ensemble. Les passages avec des personnages phares du jeu tels que Boxman, le Sadique ou encore la femme-araignée sont des régals. Par contre, leur présence manque de justification et c’est ça qui fait principalement défaut, on à l’impression qu’ils vivent ce qu’ils vivent uniquement parce qu’ils le doivent avec une fatalité déconcertante qui ne trouve écho nulle part. Pourquoi untel voit arriver le Sadique et un autre le Gardien ? Nous ne le saurons jamais là où dans le jeu tout est justifié.
Ainsi, cela manque un chouïa d’ambition et à l’image de ses personnages, le récit manque de profondeur et de clarté. Les profanes au jeu ne vont franchement rien y comprendre et il faut donc impérativement connaitre The Evil Within avant de se lancer dans la lecture du comics. Ce sont là les principaux reproches que l’on peut adresser à l’oeuvre qui sans cela se tient et nous propose une replongée convenable dans cet univers.
Enfin, c’est Alex Sanchez qui se charge du dessin. Un illustrateur dont on a pu voir le travail sur certains comics X-Men ou encore Star Wars: The Old Republic et autre Injustice, dans une moindre mesure pour le dernier. Il nous livre ici quelque chose d’assez singulier et de très épuré finalement.
Comme le récit, il va à l’essentiel et si certaines choses passent parfois assez mal, notamment avec des cases un peu vides ou un manque de détails sur certains personnages ici et là, son coup de crayon fait mouche. Il appuie très justement l’horreur des événements, particulièrement grâce à la palette de couleurs assez ternes utilisées ici. Finalement, seul le rouge ressort beaucoup en couleur vive, comme contrastant avec cet univers triste et morne dans lequel seul le sang est roi.
The Evil Within – Un univers qui sonne un peu creux
The Evil Within n’est pas un chef d’oeuvre, ni même un comics de premier ordre, mais il remplit justement son office de prequel aux aventures vécues durant le premier jeu. Il y a quelques soucis, au niveau du développement des personnages et du récit surtout. L’impression dominante veut que l’on reste en surface, et c’est bien dommage tant il y avait là matière à faire bien plus, surtout que la fidélité à la création de Mikami est là et que l’on retrouve les ingrédients qui en faisaient le sel.
Néanmoins, on ressort globalement convaincu de l’exercice, même si on reste sur notre faim, car cela aurait mérité approfondissement. Retourner dans cet univers est plaisant, tout comme revoir des personnages iconiques, revoir certains lieux et se retrouver coincé dans les horreurs que l’on a traversées manette en main. Le dessin, parfois un peu grossier, s’en sort tout de même très bien, et le style d’Alex Sanchez, reconnaissable entre mille, se marie vraiment bien avec la licence.
Finalement, le comics s’avère agréable à lire et saura ravir les fans du jeu qui retrouveront un univers qu’ils affectionnent. Quant aux autres, ils n’y trouveront certainement pas leur compte, même si pour le prix attractif de 13, 90 euros et la bonne qualité du produit, avec des pages en papier glacé et de superbes illustrations en galerie, cela peut aussi valoir le coup.
The Evil Within de Ian Edginton et Alex Sanchez
- Éditeur : Omaké Books
- Date de parution : 07/06/2018
- Prix conseillé : 13, 90€
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