L’événement BD de ce mois d’octobre (voire de cette fin d’année), c’était évidemment le retour de Goldorak dans une aventure inédite et officielle, réalisée avec la bénédiction de Go Nagai, l’auteur original des aventures du robot géant, et faisant suite à la série télé de notre enfance (à nous, les vieux). Le volume est édité par Kana dans la collection Classics, qui a déjà édité les trois volumes des nouvelles aventures d’Albator, par Jérôme Alquié. Bien qu’entrevoyant le coup marketing qui vient tirer les ficelles, nous étions bien décidé à néanmoins laisser une chance à cette BD, tout de même réalisée à dix mains, de nous surprendre… Verdict ?
Actarus, Prince d’Euphrance
Goldorak est désormais officiellement français. Voilà un moment qu’il est déchiré entre sa patrie d’origine et son pays d’adoption, mais les choses sont maintenant claires : son drapeau est tricolore. Goldorak et son pilote Actarus sont en effet issus d’une grande famille narrative initiée par Go Nagai dont le patriarche n’est autre que Mazinger, premier grand robot de la famille, et de loin le plus populaire au Japon. Le pilote de Mazinger s’appelle Koji Kabuto, que l’on connaît mieux en français sous le patronyme… d’Alcor ! Le sidekick d’Actarus est en effet le vrai personnage principal du Mechaverse auquel appartiennent Mazinger et Goldorak, du moins, dans son pays d’origine.
Parce que la France, depuis toujours, n’a d’yeux que pour Goldorak (Grendizer, en V.O.), et l’arrivée à la télé française en 1989 de Mazinger (onze ans après Goldorak) n’aura rien changé. L’adoption est donc désormais officielle, et s’est faite avec l’accord du père même de la saga, puisque Go Nagai a donné son feu vert aux auteurs français pour poursuivre les aventures du Prince d’Euphor et de son « merveilleux robot de lumière et d’acier ».
Dream Team
Il faut dire qu’on n’a pas affaire au premier fan venu. Le scénario de Goldorak, mouture 2021, est signé Xavier Dorisson, à qui l’on doit l’excellent Troisième Testament (vraiment, on vous recommande), mais aussi la série Undertaker ou certains tomes de Thorgal, parmi une tonne d’autres trucs. À l’illustration, on retrouve Denis Bajram, (Universal War One, excusez du peu !), aux côtés d’Alexis Sentenac et Brice Coussu, avec Yoann Guillo à la couleur.
Malgré tout, s’il y a une critique à formuler envers ce Goldorak 2021, c’est peut-être du côté du scénario, qui cède à quelques facilités et autres clichés. Cependant, les personnages sont incroyablement respectés, et les auteurs ont insufflé un peu de matière (même si c’est parfois un peu gros) au milieu du fan service.
Mé-ta-mor-phose !
Parce que de ce côté-là, on est servi ! Mais en même temps, quel plaisir ! Quel plaisir de retrouver tous les gimmicks de notre robot préféré, des armes iconiques, Hastéro-haches, Cornofulgure, Rétro-lazer ou Fulguro-poing (tiens, fun fact : saviez-vous que le fait d’annoncer ses attaques systématiquement est un emprunt au catch, très populaire au Japon, et où les lutteurs annoncent les prises par lesquelles ils vont tenter de soumettre l’adversaire).
Quel plaisir de revoir le « Transfert » et son tour complet encore inexpliqué ! Quel plaisir de retrouver toute la famille, de la jolie Phenicia au fantasque Rigel, qui se voit ici doté d’un passé glorieux (le personnage le méritait !). La fameuse scène du dessin animé où Actarus rejoint Goldorak en passant par la trappe dans le mur (celle qui ressemble à un vide-ordures) est reproduite quasiment à l’identique, image par image.
Car le Goldorak 2021 est une prolongation non pas tant des mangas de Go Nagai que de la série télé arrivée sur Antenne 2 en 1978, tout comme le Nicky Larson de Philippe Lacheau était une adaptation du dessin animé du Club Dorothée, et non pas du manga City Hunter, de Tsukasa Hojo.
Alors oui, le public cible est le (ou la) quarantenaire nostalgique. Mais ce n’est pas pour autant que les plus jeunes, ou ceux qui étaient passés à côté du dessin animé à l’époque (est-ce seulement possible ?), n’apprécieront pas. La mise en scène dynamique et explosive, la vie insufflée dans les personnages et la grande aventure qui nous est contée ont tout pour séduire autant les vieux fans qu’un nouveau public. Et Goldorak n’a jamais été aussi classe ! Allez, on attend le jeu promis par Microids maintenant… Vite !
Évidemment, dans le pays qui voue un véritable culte à Goldorak (à qui on aura dédié, rien que cet automne, une exposition institutionnelle, une série de timbres très officiels et une soirée hommage live au Grand Rex, en plus de l’édition de cette BD), son retour en bande dessinée sous la houlette d’une équipe de frenchies était très attendu. Et c’est peu dire que l’attente valait le coup ! La BD est une vraie réussite, entre hommage appuyé au matériau d’origine et appropriation du mythe. La puissance de la licence a dû freiner quelque peu l’écriture, qui peut céder durant quelques pages à certaines facilités, mais le plaisir de retrouver ces personnages et cet univers qui nous accompagnent depuis tellement longtemps efface les petits défauts qu’on pourrait, en pinaillant, trouver à l’album.