Depuis quelques semaines, bon nombre d’articles « RH » concernant les développeurs bourgeonnent. Secteur sinistré, l’industrie du jeu vidéo ne fait plus rêver. Quand les grands studios licencient à tour de bras, les plus petites boîtes, quant à elles, ferment tout simplement.
Chris Deering, l’ancien patron de Playsation Europe de 1995 à 2005, a récemment déclaré dans le podcast My Console qu’il conseillait aux développeurs licenciés de prendre une année sabbatique, de devenir chauffeur Uber ou bien d’aller à la plage. À ce stade, on ne sait pas s’il s’agit d’épicurisme aveugle ou d’une commotion malencontreuse.
En redevenant sérieux, l’homme d’affaires annonce clairement que le marché est totalement saturé et n’est pas dans un cycle de recrutement. Car pour lui, tout est affaire de cycle, si la crise survient, c’est qu’il s’agit d’une période peu amène. Il va même jusqu’à refuser les allégations (trop faciles) que l’on pourrait adresser à l’avarice des studios ou encore à une mauvaise gestion des dirigeants, comme, au hasard, Lars Wingefors par exemple.
Heureusement, certaines voix se dressent contre ces déclarations qui, dans l’hexagone, ont un écho assez familier. Mais si, vous l’avez sûrement, il s’agissait de traverser la rue pour trouver un travail ! Outre-Manche, c’est l’IGWB qui pousse à l’action :
Quoi qu’on puisse penser de l’arrogance de la déclaration de l’ancien président de Sony Europe, on vous recommande d’aller l’écouter car on ne relaye ici que la partie la plus soft, Aftermath a publié une enquête sur le phénomène de la poursuite professionnelle de nombreux développeurs remerciés et ceux-ci ne semblent pas avoir attendu la fameuse déclaration pour réfléchir à leur carrière.
En effet, entre différentes prises de parole qui donne le ton comme Anna Willoughby, ancienne employée en tant que chargé de l’expérience utilisateur chez Blizzard, elle déplore :
« L’industrie du jeu vidéo est un vrai désastre. Il y a beaucoup trop d’enthousiasme autour de l’IA générative émanant des dirigeants de ces entreprises. Les créateurs et les développeurs sont maltraités. La communauté est incroyable, mais la direction est épouvantable. Je suis également désillusionnée par la technologie en général en ce moment, et je ne sais pas trop quoi faire à partir de maintenant. »
On retient beaucoup de regrets dans les nombreuses interventions et tout de même de d’espoir quant à une syndicalisation plus forte du secteur. Même si certains arrivent à rebondir en changeant drastiquement de carrière, l’hyperspécialisation de certains domaines rend la reconversion très ardue, comme en témoigne Devon Wiersma, feu salarié de Beams, studio indé sous l’égide de Devolver Digital :
« De nombreux changements de carrière dans le développement de jeux vidéo sont en fait très difficiles, car plusieurs disciplines sont très spécialisées dans les jeux. La remarque que j’entends toujours de la part des programmeurs dans le domaine des jeux vidéo est que s’ils n’aimaient pas travailler dans le domaine des jeux, ils iraient simplement travailler dans une banque, car c’est un travail ennuyeux mais bien mieux payé, […].
Pour des disciplines comme Game ou Level Designer (ma spécialité), c’est vraiment difficile [de retrouver du travail] sans une reconversion importante, car nos compétences sont très spécialisées. Si les compétences générales sont utiles, certaines des similitudes les plus proches avec le Level Design en dehors des jeux, comme l’architecture ou l’urbanisme, nécessitent une formation très spécifique qui impliquerait de replonger dans l’enseignement supérieur. Je vois souvent le sentiment du type « Si vous n’aimez pas les jeux, alors travaillez ailleurs » et bien… pour certaines personnes dans ce secteur, c’est presque impossible à faire sans remodeler toute votre carrière. »
En conclusion, si l’on est inquiet pour des studios qui ferment, c’est bien évidemment pour le facteur humain. Des foyers se retrouvent devant l’imprévu et par humanité, on est touché. Mais dans un second temps, c’est aussi le facteur technique qui en prend un coup, quand les talents s’en vont, la qualité n’est plus au rendez-vous.
Même si l’on sait que le Blizzard d’il y a dix ans n’a plus rien à voir avec le Blizzard d’aujourd’hui en termes d’effectifs et de talents humains, le marketing de Blizzard repose toujours sur son image de marque, comme si rien n’avait changé. Quand les travailleurs en première ligne sont aussi invisibilisés, assurément, quelque chose cloche.
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