La sortie de Black Myth: Wukong est imminente. D’ici une poignée d’heures, nous pourons jeter notre dévolu sur le jeu de Game Science. Ou pas. Sur New Game Plus, nous avons pris la décision de ne plus couvrir le titre, un choix délibéré survenu après une étude du studio en question et de ses méthodes de travail.
Mais avant de poursuivre, il est nécessaire de préciser que nous n’avons pas pour vocation de dicter ce qu’il faut faire ou ne pas faire. Réfléchir est ce à quoi nous aspirons. Posons donc nos manettes et claviers et prenons un temps de réflexion.
Le problème du singe chinois
Qu’est-ce qui se passe avec ce Black Myth: Wukong en tendance X depuis quelques jours ? Nous avons déjà publié un article sur le sujet, mais il convient de rappeler les faits de manière synthétique. Déjà, il faut savoir que le jeu est très attendu et emporte avec lui de sacrées attentes de la part du studio/éditeur. Il s’agit du premier AAA au budget vertigineux à sortir officiellement des frontières chinoises.
Mettons de côté le fait que le jeu ne soit manifestement pas optimisé sur console PlayStation 5 (aucun test à ce jour) et qu’une version physique existe, mais sans le jeu dedans (confirmation en attente), et intéressons-nous uniquement aux origines de la colère.
Avec des enjeux financiers (et politiques) aussi importants, l’éditeur Hero Games tente de contrôler un maximum la couverture du jeu, au risque de tomber dans la censure. Des codes ont été envoyés à certains médias et autres influenceurs, un code PC accompagné d’un document particulier.
Cette liste indique tous les sujets à éviter : pas de Covid-19, pas d’opinion sur la politique chinoise, pas de propos féministes (ou plus exactement pas de propagande féministe)… Il est normal de voir des restrictions dans le cadre des tests, respecter une date de publication, ne pas révéler tel événement du scénario ou telle mécanique de gameplay… Mais Hero Games dépasse tout ça et franchit une limite, celle de la liberté d’expression. Et le jeu vidéo devient politique.
Autre point que tout le monde semble avoir oublié (ça arrange bien certains médias au passage) : l’ambiance nauséabonde de Game Science. On ne va pas tout détailler (lien plus bas pour les plus impliqués) mais les cadres du studio ont tenu à plusieurs reprises des propos sexistes, notamment sur le site de blogging Weibo.
Le jeu vidéo, un simple divertissement ?
Acheter un jeu vidéo peut paraitre anodin, mais cette action dépasse le simple divertissement. Quand vous achetez, vous donnez de l’argent à des actionnaires, éditeurs et développeurs, à des hommes et des femmes ayant leurs visions, leurs idées et intentions. Comment expliquer que l’Arabie Saoudite investit en masse dans le média ces dernières années ? Le jeu vidéo est instrumentalisé pour se créer une auréole auprès du grand public.
Black Myth: Wukong a l’air d’être un excellent jeu, mais comme pour d’autres secteurs, nous nous devons d’établir des garde-fous à une industrie qui souffre, qui peine à se réinventer. Nous ne souhaitons pas que ce genre de pratique se démocratise, surtout que la Chine n’en est qu’à son balbutiement côté jeux vidéo à impact international. Il est anormal que des consignes (sauf celles qui risquent de casser l’expérience de jeu aux autres) soient transmises dans le cadre des tests.
« Pwah ! Ça va, faut se calmer aussi, c’est qu’un jeu vidéo ! » On entend ce discours pulluler sur les réseaux sociaux, et oui, on comprend tout à fait cette position. C’est vrai qu’il serait dommage de ne pas vous accorder ce plaisir, mais il faudrait peut-être commencer à réfléchir avant de consommer bêtement tout ce qu’il se présente à vous. Avec une IA qui menace des milliers d’emplois, des actionnaires peu scrupuleux, des conditions de travail loin d’être éthiques, des versions physiques en voie de disparition, il est temps de prendre ses responsabilités.
L’industrie JV de demain
Les contours de l’industrie du jeu vidéo de demain se dessinent dès maintenant. Ambiance de travail saine, respect des libertés, équité, C’est pourquoi, nous nous devons de réfléchir à deux fois avant de passer en caisse. Black Myth: Wukong n’est pas le mal incarné, et encore une fois, le jeu semble tout à fait prometteur. Néanmoins, le titre de Game Science est un énième avertissement d’un marché en constante mutation, et pas toujours pour le meilleur.
Jouer c’est bien, jouer avec un minimum de conscience et d’implication, c’est mieux. Le respect de l’art du jeu vidéo commence par ceux qui le façonnent, qui l’inventent. Ne limitons pas le média à un simple produit de grande consommation, on vaut et mérite mieux que ça. Prenons dès maintenant nos responsabilités, intéressons-nous un minimum au studio avant de passer à la caisse. Le jeu vidéo de demain nous remerciera.
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