C’est un dossier qui faisait débat : le Comité International Olympique (CIO) devait collaborer avec le Comité Olympique et Paralympique Saoudien pour organiser les premiers Jeux Olympiques d’Esport. Le CIO vient d’annoncer l’abandon de cette collaboration, qui devait durer une douzaine d’années, vraisemblablement à cause de dissensions sur la gestion de l’événement.
Une rupture amplement consommée, qui n’empêchera pas les deux partis d’organiser leurs propres tournois. Si les Jeux Olympiques d’Esport retournent à l’état de projet, l’Esport World Cup Foundation a déjà annoncé la mise en place de l’Esport Nations Cup, prévue dès l’année prochaine. Cet événement, qui reprend le concept d’un championnat se jouant sur plusieurs jeux opposant les différents pays du monde, dispose déjà du soutien de plusieurs éditeurs.
Des enjeux humains au coeur de la rupture
Bien que le CIO ne soit pas très loquace sur les raisons derrière cet abandon, certaines sources ont expliqué à James Fudge, journaliste pour The Esport Advocate, que le changement de président du CIO aurait largement participé aux dissensions qui ont mené à la rupture du contrat. Kirsty Coventry, qui a repris le rôle de Thomas Bach à la tête du CIO, pensait revoir l’accord passé avec le comité saoudien, qu’elle considérait trop permissif. Alors que l’événement devait être coordonné par l’un des organismes homologués, Thomas Bach pensait laisser l’Esport World Cup Foundation à la tête de l’événement.
C’était un problème, puisqu’il y aurait un soucis de démocratie : une institution saoudienne aurait eu un contrôle important sur ces Jeux Olympiques d’Esport. Or, cette même institution cherchait déjà, selon certaines sources, à écarter les femmes des postes d’importance et s’octroyer le droit de décider quels pays seraient autorisés à participer.
Finalement, ce sont donc bien les incohérences relevées par les plus critiques de cette association qui se sont révélées insurmontable. Si Thomas Bach promettait un événement qui ne compromettrait pas l’esprit des Jeux Olympiques, tout porte à croire que cela ne sera possible qu’en se détachant du Comité Olympique et Paralympique saoudien.
Un premier obstacle pour l’Arabie saoudite
En réalité, ce qui peut paraitre inquiétant, c’est que le CIO est bien le premier organisme majeur à refuser la collaboration avec les entreprises saoudiennes pour des raisons d’éthique. Cette année, le gouvernement saoudien a pu jouir d’une visibilité sans égale dans le milieu de l’esport.
Le plus voyant, c’était bien sûr l’Esport World Cup, qui prenait place une nouvelle fois à Riyadh cette année. Cet événement majeur fait venir sur invitation des équipes du monde entier pour se confronter sur 24 jeux différents.
Cependant, n’oublions pas non plus la place croissante prise par les institutions saoudiennes au sein-même des jeux. Que ce soit de manière très directe, avec le recrutement des meilleurs joueurs du monde, ou à travers le financement d’équipes très connues dans d’autres pays.
Lorsque le partenariat entre le CIO et les institutions saoudiennes avait été annoncé, peu de personnes avaient été surprises. Il faut dire que bien des considérations des personnes s’élevant contre l’utilisation de l’esport comme moyen de sportswashing par l’Arabie Saoudite se fracassent face aux dures réalités de la scène esport.
La réalité, c’est que si ce projet avait abouti, peu de personnes auraient été surprises de voir une scène très majoritairement masculine : c’est, encore maintenant, un domaine où les minorités, qu’elles soient derrière les manettes ou sur les bureaux de commentaires, restent encore minoritaires.
Évidemment, il y a déjà eu de grands progrès : des ligues, des programmes prévus pour permettre à des joueuses et joueurs marginalisés d’émerger existent, des personnalités influentes issues de ces minorités cherchent à faire évoluer la perception du public comme des acteurs du milieu. En réalité, pour la première fois, l’Esport World Cup Foundation, pensée pour chapeauter tous les projets liés à l’esport en Arabie saoudite, s’est retrouvée face à un interlocuteur pour qui les questions de droits humains ont primé sur l’avantage financier que représente un partenariat avec les saoudiens.
La conséquence directe est sans appel. Le CIO garde son éthique mais l’EWCF reste la première organisation à prendre en charge un tournoi des nations de l’esport. Pour ce qui est des Jeux Olympiques d’Esport, l’avenir reste incertain. Le CIO promet forcément que le projet reste dans les tuyaux, cependant, même avec les fonds de l’Arabie saoudite, le projet n’aurait pas pu voir le jour avant 2027.
Ces tournois sont onéreux : au-delà des infrastructures, il faut pouvoir s’assurer des jeux qui seront présents. Cela signifie être désormais en concurrence directe avec l’EWCF vis-à-vis des éditeurs. De par leur prestige, avoir des Jeux Olympiques d’Esport serait largement bénéfique pour la perception des disciplines esportives par le grand public. Pour autant, il sera difficile de faire face à un tel rival, auquel ces jeux seront forcément comparés. La réaction du CIO est bien entendue louable et preuve d’une réelle force de volonté, elle place cependant les Jeux Olympiques d’Esport dans une position complexe, dont on entendra probablement parler à nouveau dans un avenir proche.

League of Legends – Enfin, le lancement des Game Changers
DracoSH

Esport – Le dopage fait de nouveau grand bruit
New Game Plus

Esports World Cup – Team Vitality tire son épingle du jeu sur Rennsport
Duncan de Barros