Le 31 mars prochain, Maximum Games publiera le hit Among Us en édition physique, en boîte, sous la forme de trois éditions collectors incluant plus ou moins de goodies (peluche, O.S.T., stickers…), selon le prix que vous voudrez bien y mettre (33€, 50€ ou 90€ pour le panier le plus garni). On connaît déjà Maximum Games pour être l’éditeur qui s’occupe des versions en boîte de Kena: Bridge of Spirit sur PlayStation 4 et 5.
Les éditeurs travaillant dans le champ de Maximum Games, c’est-à-dire spécialisés dans l’édition à petit tirage de jeux d’abord réservés à une distribution numérique, se sont multipliés ces dernières années. On pense d’abord bien sûr à Limited Run Games, mais aussi à la boutique d’import Play-Asia, qui a développé une activité d’éditeur dématérialisé et qui distribue des éditions physiques très limitées de son catalogue, ou encore à Strictly Limited Games, très inspiré par LRG.
Autant d’initiatives saluées par les joueurs, et spécialement par les pourfendeurs du tout-numérique. On sait que le « digital only » posera problème à terme du côté de la conservation du patrimoine vidéoludique. Il en pose déjà. Nous écrivons régulièrement à ce sujet sur New Game Plus (voir notre article sur la fermeture des serveurs Wii, ou nos inquiétudes quant au store de la PSVita…).
Mais les acquéreurs de ces éditions ultra-limitées souhaitent-ils vraiment pouvoir jouer à leurs jeux sans limite de temps, même après la fermeture des serveurs les hébergeant ? Le succès de Limited Run Games, qui épuise systématiquement ses stocks en quelques minutes, tient-il d’une horde de joueurs soucieux de sécuriser leur ludothèque ?
Malheureusement, on n’y croit pas. Entre les scalpers (ces professionnels de la revente qui accaparent tous les stocks pour les revendre « d’occasion » sur les sites dédiées avec une jolie marge) et les grandes fortunes qui ne savent plus comment dépenser leur argent, et confondent art et marketing (des cartouches « mint » de jeux Mario dépassent désormais le million de dollars dans les salles des ventes), ces éditions collectors et limitées intéressent autant, si ce n’est plus, les investisseurs que les joueurs.
Investissement à très court terme dans le cas des scalpers, qui réalisent 50 à 100% de marge dans les quelques jours qui suivent la mise en vente – certains jeux pas encore dispos ont même déjà leurs annonces sur eBay ! Mais pari sur un avenir plus lointain aussi. Les millions dépensés pour acquérir un Super Mario 64 ont donné des idées à certains, qui achètent des jeux rares (parce qu’en édition limitée) et les conservent précieusement sous blisters en espérant pouvoir en tirer une fortune dans trente ans… Il serait intéressant de faire une petite enquête pour connaître la part des acheteurs de jeu LRG qui « déblistent » leurs jeux pour effectivement y jouer ? (spoiler : vous êtes bien trop nombreux, ça ne marchera pas…)
Car si chacun fait bien ce qu’il veut de son argent, le souci est que cette pratique de mise sous cloche des jeux rétro et en édition limitée les vide en même temps de leur sens. On n’achète plus les jeux pour y jouer, et ce faisant, on empêche même les joueurs de jouer avec ! Parce qu’entre les bots qui raflent tout dès la mise en vente, et les prix démentiels des jeux rétro, le joueur lambda voulant juste tâter du joypad ne peut pas lutter. Sans compter le fait qu’une fois sorti de son emballage, le jeu ne « vaut » plus qu’une infime partie de sa valeur à la revente (Damn ! Ce serait donc la pellicule plastique qui vaut des centaines de milliers d’Euros, et non pas le génie du level design de Shigeru Miyamoto ?!).
On en revient à Among Us, dont les éditions physiques collectors posent question. Qu’il y ait un public pour les goodies, c’est normal. D’autant plus vu la popularité du jeu. Mais Among Us réclame-t-il une édition physique ? Veut-on vraiment (et surtout, peut-on) conserver des copies du jeu pour les générations suivantes ? On rappelle qu’il s’agit d’un jeu reprenant le principe du Loup-Garou, uniquement jouable en ligne. Alors, une fois ses serveurs coupés, quand le titre aura perdu de sa popularité au profit du prochain phénomène Twitch, il sera impossible d’y jouer, qu’on en possède la copie physique ou pas.
Si évidemment, on préfèrera toujours avoir la possibilité de choisir entre une édition en boîte (conservable, prêtable, échangeable, revendable…) et une édition dématérialisée (qui a aussi ses avantages : immédiateté de la disponibilité, la suppression du transport des marchandises et du déplacement des joueurs en boutique…), on a quand même l’impression que certaines initiatives ne sont pas toujours prises pour les bonnes raisons.
Il serait plus que temps qu’on en finisse avec cette bulle qui a fait grimper les prix des éditions limitées et autres jeux rétro (et qui a emmené dans son sillage les cartes Pokémon, aujourd’hui complètement inaccessibles à ceux à qui elles étaient destinées : les enfants !). Quelqu’un aurait-il une aiguille ?