Ubisoft remet une pièce dans la machine de l’IA générative. Après les Neo NPC présentés en 2024, l’éditeur lance Teammates, un FPS expérimental pensé comme un laboratoire de recherche pour développer ce qu’il voit comme la prochaine grande avancée du jeu vidéo : des PNJ capables de comprendre le joueur et de s’adapter en temps réel. Selon Yves Guillemot, on assiste à une (r)évolution aussi importante pour l’industrie du jeu vidéo que le passage à la 3D !
Toujours plus d’immersion ?
Le prototype, toujours en phase de recherche et développement, met le joueur dans la peau d’un résistant chargé de retrouver ses camarades disparus dans une base ennemie. Rien de révolutionnaire côté scénario. Le cœur du projet, ce sont les trois personnages dopés à l’intelligence artificielle (ici, Google Gemini) : Pablo et Sofia, des coéquipiers virtuels censés réagir naturellement aux instructions, et Jaspar, l’assistant vocal. L’objectif d’Ubisoft est de transformer les PNJs en vrais « compagnons vivants ».
Avec Teammates, Ubisoft promet que les personnages seront capables d’interpréter le ton, le contexte, l’intention et le vocabulaire du joueur. Demander à Pablo ou à Sofia de faire telle ou telle action (se placer à un endroit, s’occuper d’un ennemi…) fonctionne sans formulations précises. Jaspar peut mettre le jeu en pause, ajuster les paramètres d’accessibilité, mettre des ennemis en surbrillance ou raconter le lore, le tout par commande vocale.
Virginie Mosser, directrice narrative, assure qu’elle écrit toujours les histoires et personnalités, créant des « barrières » qui permettent aux PNJ d’improviser dans un cadre défini. « Nous contrôlons ce qu’ils peuvent faire, mais la décision sur comment le faire est prise par l’IA en fonction de la situation, » explique Xavier Manzanares, directeur du gameplay GenAI.
Les fantômes dans la machine
Malgré tout, cela nous pose pas mal de questions… D’abord, la fiabilité technique : quels garde-fous empêcheront le modèle de langage d’halluciner (quand une IA donne des informations fausses ou imagine des choses), ce qui reste très fréquent fin 2025 ? Pourra-t-on faire dire tout et n’importe quoi à ces PNJ ? À partir de quand le personnage oubliera nos actions et dialogues, perdant alors toute sa cohérence ? Quand on voit la vitesse à laquelle cette technologie évolue, on peut se dire que ces problèmes seront un jour un non-sujet, mais tout de même.
Ensuite, on ne peut pas s’empêcher de penser à l’impact sur l’emploi. Ubisoft assure que l’objectif n’est pas de remplacer les créatifs, qui restent présents pour l’écriture. Pourtant, difficile de ne pas voir dans ces promesses qu’un coup de com’, quand plusieurs studios ont licencié en 2025 pour favoriser l’utilisation, moins chère, de l’IA. Si l’IA génère dialogues et réactions en temps réel, quel avenir pour les comédiens de doublage et les scénaristes ?
Les déclarations de Guillemot renforcent ces craintes : il confirme qu’Ubisoft veut devenir leader dans l’IA générative. 80 personnes travailleraient sur le projet, contre 25 sur les Neo NPC l’an dernier. L’historique d’Ubisoft avec l’utilisation des NFT (flop retentissant où l’éditeur a accusé les joueurs de « ne pas avoir compris ») invite à la prudence.
Une révolution pertinente ?
Certes, Teammates n’est aujourd’hui qu’un prototype (une centaine de personnes seulement on pu tester la bêta fermée). Sur le papier, l’idée aurait de quoi en faire rêver plus d’un. Imaginez un RPG immersif en VR où l’on discute naturellement avec des PNJ pilotés par LLM pour leur demander des informations ou simplement faire la causette. On aurait alors une immersion totale !
Mais dans les faits, comment assurer une vraie qualité d’écriture si tous les dialogues sont générés par IA ? Les personnages ne risquent-ils pas de tous sonner pareil ? Terminées les répliques cultes que toute la communauté partage, remplacées par des improvisation sans âmes ? Si vous avez déjà utilisé un LLM (ChatGPT ou Gemini par exemple), vous savez aussi que les IA génératives sont programmées pour être agréables et vous donner raison. Est-ce vraiment ce qu’on veut de la part d’un PNJ qui est censé avoir sa propre personnalité pour rester mémorable ?
Autant de questions qui semblent interroger la nature même du jeu vidéo en tant que médium créatif. La technologie évolue vite, mais ces sujets ne seront pas résolus par une mise à jour logicielle. Reste à savoir si Ubisoft saura apprendre de ses erreurs passées, ou si Teammates rejoindra le cimetière des grandes révolutions technologiques qui auront été, au mieux, une attraction amusante qui n’aura duré qu’un temps.

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