Ubisoft ne va pas fort, et ce n’est pas peu de le dire. Certains pensent même que la société française n’est pas loin de jouer sa survie, en tout cas au niveau d’ambition qui est le sien actuellement, c’est-à-dire celle de produire des hits mondiaux du calibre AAA à même de faire jeu égal avec les jeux des géants du secteur comme Rockstar ou EA.
Nous sommes de ceux qui n’hésitent pas à relayer les mauvaises nouvelles, les mauvaises décisions, et les mauvais comportements de la société, mais nous savons aussi apprécier ses œuvres : « Immersif, généreux, blindé de bonnes idées (…) Outlaws vaut largement le détour », avions-nous ainsi écrit à propos de Star Wars Outlaws, dernier sorti des fours Ubisoft et pas étranger aux troubles que la compagnie traverse.
Nous avions aussi beaucoup aimé Mario + Les Lapins Crétins – Sparks of Hope (« une suite brillante »), ou Assassin’s Creed Mirage (« la série peut enfin reprendre ses droits »), parmi d’autres (Far Cry 6, The Rogue Prince of Persia…), et nous serions vraiment peinés de voir la société disparaître. Autrement dit, oui, New Game Plus n’hésite pas à évoquer les problèmes que rencontre Ubisoft, mais, oui également, nous préférerions pouvoir évoquer ses succès !
Mais à ce sujet, on peut dire que le français n’est pas aidé… On a déjà pu écrire que l’un des gros problèmes de la crise que traverse le jeu vidéo ces derniers mois, c’est que les dirigeants des grandes structures n’y connaissent rien en jeu vidéo.
Une situation désastreuse illustrée à nouveau par ce qui se passe autour d’Ubisoft. Une société, actionnaire minoritaire d’Ubi, AJ Invest, a ainsi publié la semaine dernière une lettre ouverte exprimant une stratégie pour rétablir la situation économique de la société. Sans surprise, il y est fait peu de cas du jeu vidéo.
On remarque d’abord qu’ironiquement, la lettre en question semble être un produit Ubisoft : publiée un peu trop tôt, avec un peu trop de bugs. On constate en effet des changements de polices de caractère injustifiés, ou des coquilles un peu grossières (« Sprintel Cell », sic !). Mais au cœur de la lettre, il y a la volonté de sortir Yves Guillemot, et de revendre Ubisoft à un grand groupe financier (il est notamment fait mention de l’intérêt pour la société française des fonds de pension KKR et Blackstone).
Il est vrai que le rachat de studios par d’énormes structures financières est toujours un succès, comme peuvent en témoigner Arkane Austin ou Tango Gameworks, acquis par Microsoft, ou l’ensemble des structures possédées par Embracer, récemment démantelé après avoir acheté à tort et à travers.
Mais surtout, le plus inquiétant, c’est que ce même groupe d’investisseurs indique la stratégie que devrait, selon lui, suivre Ubisoft : se concentrer sur des licences porteuses et oublier un peu la diversité (et donc, c’est vrai, la prise de risque). Une position inquiétante parce que cette ligne directrice conduirait Ubi à ne sortir, en gros, que des Assassin’s Creed et des opus Just Dance…
Étendue à toute l’industrie (parce que, ne nous aveuglons pas, les investisseurs sont partout les mêmes…), cette stratégie empêcherait la sortie du futur Fable, développé par Playground Games (jusque là spécialisé dans la course auto), nous aurait privé de Kunitsu Gami Path of the Goddess, l’un des meilleurs jeux de la rentrée 2024 et pari plutôt osé de Capcom, aurait empêché la transformation du Yakuza beat’em all en Like A Dragon au tour par tour, avec le succès critique et commercial que l’on connait.
Une stratégie qui ferait disparaître l’annonce qui a fait le plus parler lors du State of Play : Ghost of Yotei. Son développeur, Sucker Punch, avait en effet trouvé le succès avec les 3D platformers mettant en scène Sly Raccoon avant de passer à l’open world des jeux inFamous. Une transition qui aura permis ensuite le développement de Ghost of Tsushima, qui, on l’aura compris, n’aurait jamais paru en suivant les « conseils » d’AJ Invest, qui aurait lui préféré voir un Sly Raccoon 8 ou 9…
Avatar Frontiers of Pandora ou Star Wars Outlaws ne sont pas parfaits, et on pestera probablement encore sur les bugs à la sortie d’Assassin’s Creed Shadows. Cependant, on reste persuadé qu’il vaut mieux un Ubisoft dirigé par un Yves Guillemot et ses nombreux défauts, mais qui est aussi un vétéran du jeu vidéo (et qui, idéalement, se mettrait à écouter ses équipes…), que par un fond de pension qui essorera les deux ou trois licences les plus lucratives de la société jusqu’à plus soif, avant de fermer cette dernière pour aller en ruiner une autre.
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Riku