Et si on se mettait à la PAJ (la pile à jouer) ?!
Si vous n’avez jamais entendu parler de tsundoku, sachez d’abord que cela n’a rien à voir avec un jeu de chiffres à replacer dans une grille, du genre qu’on trouve sur la cartouche du Dr Kawashima… Non, le tsundoku, c’est cette mauvaise habitude qu’ont un peu tous les gros lecteurs d’empiler des livres pour plus tard… Sans jamais y revenir !
Tonkatsu ? Tanuki ?
Tsundoku, c’est un mot-valise formé sur les termes japonais tsumu et doku. Le premier signifie « empiler » (penser aux peluche Disney Tsum-Tsum – Et oui, ça vient de là !), et le second, « lire ». Ainsi, ces piles de livres qui grandissent avec le temps sont autant de symboles de notre bonne volonté et du manque de temps dont on souffre, le mal du siècle.
Si c’est un terme japonais qui vient décrire cette manie, c’est qu’elle est héritée d’une mode qui avait cours sous l’ère Meiji. À cette époque, il était de bon ton de vivre entouré de livres, une façon d’afficher sa soi-disant connaissance, même si la très grande majorité de ces ouvrages étaient des objets de déco et n’étaient jamais ouverts… On se demande d’ailleurs si chez certains instagrammeurs, on n’est pas revenu aux origines de cette pratique.
Des livres, le tsundoku s’est lentement propagé aux jeux vidéo ! Ainsi, combien d’entre nous ont de côté des jeux que nous nous sommes promis de faire plus tard… Sauf que dans un coin de notre conscience, on sait très bien que ce plus tard est souvent remis à encore plus tard… Un phénomène aussi amplifié par les nouvelles façons de consommer du jeu vidéo.
C’était mieux avant
Dans les années 80 et 90, les jeux étaient bien plus chers qu’aujourd’hui. Un Sonic The Hedgehog par exemple, sorti en 1991, coûtait 395 francs, soit l’équivalent de 60 de nos euros. Comme aujourd’hui me direz-vous ? Certes, mais en prenant en compte l’inflation (l’évolution du coût de la vie et des salaires), les 395 francs de 1991 vaudraient pas loin de 100 euros aujourd’hui ! Ainsi, on avait peut-être tendance à rester un peu plus longtemps sur sa cartouche.
Les circuits de distribution étaient plus restreints également, et on n’avait pas autant d’indés sur le marché qu’aujourd’hui. Avec un catalogue moins fourni, forcément, on accumulait moins. Aujourd’hui, les différentes soldes des plateformes de téléchargement nous proposent souvent des jeux à prix très (très) réduits. Difficile, pour nous joueurs, de résister à ces titres à l’excellente réputation proposés à l’occasion de ces soldes pour une poignée d’euros. C’est aussi une bonne opportunité d’enfin y jouer… (Spoiler : non, emporté par l’actualité, vous n’y jouerez jamais !).
Le marché de l’occasion joue à peu près le même rôle : vous n’avez jamais joué à un Yakuza, malgré les excellentes critiques que la série à reçu. Et voir un Yakuza 0 affiché à moins de 15 euros dans un bac d’occasion vous force un peu la main, et puis avec le week-end de trois jours qui s’annonce, vous allez avoir le temps de voir ce que ça donne… Spoiler – encore : non !
Achetez aujourd’hui, jouez demain jamais !
Un autre levier de l’accumulation dont nous sommes à la fois acteurs et victimes, c’est la prolifération d’éditions collector. Le concept de collector ressemble de plus en plus à un jeu de hasard, certaines éditions finissant soldées à -70% quand d’autres sont introuvables moins de 2 heures après leur mise sur le marché… En tous cas, nous sommes nombreux à ne pas vouloir rater le coche, et à acheter des jeux « Day One », même la veille d’un départ en vacances, ou en pleine période de révisions d’examens, voire en prévision pour dans quelques mois, quand j’aurai acheté la console…Résultats, c’est souvent autant de titres qui sont conservés dans leur blister, servant les dieux du tsundoku mais ne connaissant pas les honneurs d’être joués.
Un peu sur le même modèle, la mode du rétro qui n’en finit pas nous fait accumuler des titres auxquels on n’a aucune minute à accorder, l’espace que nous pouvons dédier aux jeux vidéo étant déjà bien trop pris par l’actualité. Cependant, un Tombi sur PlayStation à 20€ en braderie, on ne peut pas le laisser passer… ! Toujours la faute du rétro : nous sommes nombreux à avoir acheté ces mini-consoles. Mais combien d’entre-nous ont réellement fini les jeux qu’elles proposent ? Oui, on a redécouvert ces vieux titres pendant quelques heures, on a fait un peu le tour du catalogue à réception de la machine… Mais on en est très vite retourné à nos Fortnite et autres Overwatch !
Du jeu illimité pour un emploi du temps… limité
Enfin, le développement des formules par abonnement et autres cloud gaming nous laisse avec un accès illimité à des centaines de jeux ! Et la tentation sera grande de tous les essayer (surtout sur les formules cloud, où aucune installation n’est nécessaire et l’accès au jeu, immédiat), sans avoir le temps d’en finir aucun… Sans parler des rendez-vous réguliers avec les jeux gratuits sur l’Epic Games Store, dont le modèle commence à faire école chez GoG ou même Rockstar… L’expression est complètement clichée, mais cela ne veut pas dire qu’elle est fausse : trop de jeux vidéo tue le jeu vidéo ?! Alors certes, ici, on s’éloigne un peu du tsundoku, les jeux n’étant pas vraiment accumulés, empilés…
La démonstration par l’exemple ? L’auteur de ces lignes revient systématiquement chaque semaine sur l’Epic Games Store pour profiter des jeux gratuits, et ce depuis plusieurs mois. Parmi la liste des titres ainsi acquis (plus d’une dizaine), et malgré la qualité indubitable de la plupart d’entre-eux, seuls 2 ont vraiment été installés, et… 0 fini ! Ma bibliothèque Steam contient des dizaines de titres achetés en soldes et jamais testés, tels que Brütal Legend, que j’avais raté à l’époque de sa sortie PlayStation 3 ou Fear Effect Sedna, acheté par amour de l’épisode original, sans avoir jamais eu de temps à lui consacrer. Shadow Tactics, Digaea 5 ou Shadow of War étaient tous vendus trop peu chers pour que je puisse décemment les laisser dans leur bac d’occasion, sans pour autant avoir encore trouvé le temps de les glisser dans ma PlayStation 4. Et je ne parle même pas de ma passion pour la PlayStation Vita, pour laquelle j’accumule encore un maximum de jeux avant que les prix ne flambent (et il est déjà tard)…
Et parmi vous, il y a sûrement des accumulateurs compulsifs, pratiquant peut-être sans le savoir le tsundoku… Quels sont les titres probablement grandioses mais qui prennent néanmoins la poussière sur vos étagères ?