Impossible pour nous d’éviter le dernier State of Play en date de chez Sony qui vient de se finir il y a quelques minutes alors que nous écrivons ces lignes. Aussi parce que nous ne faisons pas partie des médias et autres privilégiés des hautes sphères ayant déjà reçu leur copie de The Last of Us Part II.
Nous venons donc de passer 25 minutes en compagnie de Neil Druckman et de son nouveau jeu et si on n’en ressort en rien déçu, certaines choses nous ont interpellés. Nous allons donc ensemble décortiquer un peu tout ce qui a été dit et montré, tout en vous exposant notre point de vue qui pourrait, il est vrai, sortir un peu du flot des traditionnelles félicitations.
The Last of Us Part II ne se montre-t-il pas trop feignant ?
Ce State of Play spécial The Last of Us Part II du 27 mai 2020 s’est donc conclu sur un gros air de déjà-vu. Bien évidemment, on ne parle pas là de tout l’aspect technique du jeu qui a franchi un énorme cap et qui affiche de prodigieuses choses. Les environnements sont criants de réalisme, les animations complètement folles, le souci du détail made by Naughty Dog est toujours présent et cela s’annonce tout simplement grandiose de ce point de vue. Rassurez-vous, on ne parle pas de ça, mais du reste.
Première chose, si on se doutait que la ville de Seattle jouait un rôle important dans l’aventure, ce que l’on ne savait pas, c’est qu’elle serait au cœur même du jeu et que l’on s’y promènerait un long moment. D’ailleurs, sans être un open-world, The Last of Us Part II s’annonce comme beaucoup plus ouvert et permissif en termes d’exploration, tout en continuant de scripter sa progression.
Pour en revenir à la cité d’émeraude, sachez qu’elle est le théâtre d’une guerre entre deux factions rivales, le WLF, pour Front de Libération de Washington, et les Scars, une secte religieuse de Séraphites. Et là commence notre premier grief quant à ce qui nous a été présenté.
Nous ne doutons pas un instant que tout ceci sera bien amené, que chaque faction aura une histoire bien à elle qui nous sera racontée d’une manière ou d’une autre. Le WLF est par exemple une force qui avait vocation à lutter contre l’occupation militaire de Seattle. Cependant, ce que nous avons apprécié dans le premier épisode, c’est que finalement, mis à part les militaires et les Lucioles, il n’y avait pas de factions à proprement parler, mais des personnes regroupées en communautés qui tentaient de survivre tant bien que mal.
Et c’était bien vu, car d’une part cela évitait les traditionnels écueils du post apocalyptique dans sa forme la plus classique, mais aussi parce qu’avec un but aussi simple que celui de simplement survivre, cela brouillait les cartes et la distinction du bien et du mal ne devenait qu’une question de point de vue.
Pourquoi alors vouloir revenir à un schéma plus classique avec des factions qui poursuivent sûrement un but précis et qui seront donc plus faciles à juger ? Dans The Last of Us (attention spoiler), David, qui était considéré comme le grand vilain du jeu, était cannibale non par méchanceté ou conviction, mais pour survivre. Il avait à charge une communauté qui mourait sûrement de faim et a dû prendre une terrible décision sur ce qu’il était prêt à faire pour la survie des siens.
Alors si forcément notre rapport avec Ellie (et le fait que le cannibalisme est tout de même un truc bien répugnant) nous faisait prendre parti pour nos héros, qu’en serait-il si l’on avait vécu l’aventure de l’autre côté ? C’est ce flou constant que maintient The Last of Us entre les notions de bien et de mal qui était, au-delà même de l’écriture quasi parfaite du titre, l’élément le plus marquant avec du recul.
On sait que Joel n’est pas un enfant de chœur et on massacre pendant le jeu près d’une centaine d’âmes tout de même, dont certaines ne cherchaient comme nous qu’à tenir un jour de plus dans un monde devenu cruel et meurtrier. On sacrifie même l’espoir de jours meilleurs et sans infectés pour une gamine, juste par égoïsme. Sanguinaire, sans scrupule et menteur, voilà qui est Joel, l’un des héros les plus appréciés et probablement humains du jeu vidéo aujourd’hui.
Attention tout de même, nous ne remettons pas en cause la construction de l’univers et l’immersion, cela a l’air dantesque et si bien fait que l’on pourrait se croire devant un film. Les conversations des ennemis, la vie qui suit son cours indépendamment de nous, tout ceci semble prodigieusement exécuté. Donc le souci ne vient pas de là, mais plus de ce qui nous est proposé de prime abord, car encore une fois cela reste un avis et des questions légitimes que l’on se pose sur ce que nous avons vu et savons du jeu.
Tout ça pour dire que cette histoire de faction qui se tire dans le lard pour du territoire et des ressources ne nous inspire rien du tout. Pour le moment, on ne trouve ça ni intéressant, ni même bien vu, et niveau originalité, on repassera. Une secte extrémiste qui se scarifie et bute des gens, c’est tellement déjà vu que même un jeu à l’histoire si peu inspirée que Days Gone propose cela. Quant au WLF, cela ressemble à s’y méprendre à ce que l’on avait avec les Lucioles qui pourraient avoir disparu vu qu’elles étaient déjà à l’agonie lors du premier opus.
Néanmoins, Naughty Dog étant Naughty Dog, on a tout de même du mal à imaginer que cela soit si simple et on espère que cette histoire de factions ne sera qu’un amuse-bouche et que tout ceci ira bien plus loin. Il est certain que la quête de vengeance d’Ellie, parce que c’en est une des dires de Druckman, ne tournera en rien autour de cette guerre et sera bien plus personnelle.
Et c’est ce que l’on attend de cette suite, qu’elle parvienne à rendre l’univers secondaire et que les personnages et leur histoire prennent le pas sur le reste. Que le monde qui entoure Ellie, avec ses factions, ses infectés, sa beauté et sa violence, ne soit finalement qu’une magnifique toile de fond servant de support à une histoire une nouvelle fois incroyable de justesse.
On attend de The Last of Us Part II non pas qu’il soit plus violent et froid que son prédécesseur, ça il le sera sans l’ombre d’un doute, mais bien encore plus pointu et savoureux dans son écriture. Qu’il nous fasse rire, pleurer et enrager pour des personnages qui nous auront touchés. Et en cela, on est très confiant.
Peut-on en dire autant pour le gameplay ? De ce que l’on en a vu, il est à peu de choses près similaire à celui du premier, mais en tout point supérieur tout de même. L’exploration, plus ouverte donc, nous offre l’opportunité d’expérimenter de nouvelles choses. On peut maintenant sauter pour rejoindre un point éloigné, se servir de cordes pour faire du rappel, d’une barque pour naviguer et toujours galoper à cheval. Ellie a aussi appris à nager, voilà une promesse que Joel a tenue.
Cependant, si on ne peut que reconnaître que tout est plus fluide, que les arènes ont l’air plus intéressantes en termes de level-design et que la nouvelle gestuelle d’Ellie lui permettant par exemple de se coucher, de ramper ou encore d’esquiver des attaques sont de bons ajouts, le reste est déjà vu.
L’IA reste égale à elle-même, c’est-à-dire assez bête au final, même si communiquant un peu plus pour dévoiler notre position. Il suffit de voir la séquence de gameplay en fin de conférence pour s’en rendre compte. Les chiens, quant à eux, s’ils apportent du sel aux rencontres, ils semblent surtout présents pour justement pallier les problèmes de l’IA qui nous perd de vue passées trois secondes hors champ de vision.
La mécanique d’approche reste la même. On peut être furtif, agressif, voire les deux. Se servir de notre environnement comme arme et même laisser les infectés se battre contre les humains et finir ceux qui restent. On peut prendre en otage un mec lambda pour s’en servir comme bouclier, attirer des groupes d’ennemis en balançant des briques ou bouteilles à un endroit précis, et même contourner tout le monde pour éviter un affrontement. Et vous savez quoi ? On nous vend ça comme de l’inédit, mais on pouvait déjà faire tout ça dans The Last of Us.
Alors certes, cela a l’air largement plus poussé, aussi mieux exécuté et surtout moins scripté. Les possibilités d’approche sont plus nombreuses, et le fait que les zones soient plus vastes offre de nouvelles options de fuites, de diversions ou tout simplement de meurtres en silence. Chaque faction est aussi différente à combattre, les Scars étant par exemple plus furtifs, utilisant des armes silencieuses pour nous prendre par surprise. Il faudra forcément s’adapter en fonction de qui on affronte et surtout dans quelle configuration.
Mais là encore, malgré la fluidité de l’ensemble, le petit jeu de cache-cache présenté et le fait qu’Ellie puisse péter des vitres ou se glisser telle une anguille dans de petites ouvertures pour prendre à revers ses ennemis, l’impression de déjà-vu était encore présente. C’est aussi ce que l’on a ressenti lorsque l’on a eu un aperçu du craft. Le menu a certes changé, mais cela reste globalement la même chose. Il y a tout de même de nouvelles possibilités, comme celles de fabriquer des silencieux de fortune, mais le système même du craft ne change en rien.
Ce qui ne devrait pas être le cas de nos affrontements face aux infectés. On nous promet de la nouveauté de ce côté et on a même pu en apercevoir deux petits inédits. L’un qui se cache et attaque au moment opportun et l’autre qui gonfle et explose une fois proche de nous. Druckman a laissé planer le mystère quant aux autres, nous demandant de jouer au jeu pour croiser leur chemin. Les habituels coureurs, claqueurs et autres colosses sont toujours là et semblent plus énervés que jamais. De ce côté, on peut dire que Naughty Dog a visé juste.
Pour conclure, on ne peut pas nier que l’on a pris un pied pas possible à suivre ce State of Play, puisque The Last of Us Part II nous a donné l’eau à la bouche comme rarement un jeu ne l’a fait auparavant. Néanmoins, il est intéressant aussi de se poser certaines questions. Beaucoup de joueurs attendent ce jeu comme le messie, celui qui va redéfinir le genre TPS et frapper un grand coup dans la fourmilière du AAA. De notre côté, on leur conseille d’être mesurés dans leur attente, car si on ne doute pas qu’il se pourrait bien que l’on tombe encore une fois sur le meilleur jeu de la génération, on doute par contre qu’il soit aussi révolutionnaire que son aîné.
The Last of Us a redéfini l’approche que l’on a des AAA de par sa narration, son réalisme, sa maturité de ton et son exécution presque parfaite du reste. Sa suite ne pourra accomplir ce qui l’a déjà été, mais ça ne veut pas dire qu’elle ne sera pas meilleure, non. Cela veut juste dire qu’elle sera moins surprenante tant elle semble suivre de très près les pas de son prédécesseur. Plus fort, plus beau, plus immersif, plus incroyable, mais moins impactant sera sûrement et vraisemblablement The Last of Us Part II.
Ne voyez pas en ces lignes une critique même de la qualité du jeu, mais plutôt une réflexion sur ce qu’il pourrait être. On se pose des questions sur ce qu’il va vouloir véhiculer et sur ce qu’il va apporter au monde du jeu vidéo. Si la mise en scène, la technique et la direction artistique semblent au-dessus du lot, on attend de voir ce qu’il a à raconter et surtout ses mécaniques de jeu que l’on espère un brin plus ambitieuses que ce qui nous a déjà été donné de voir. Cependant, il ne fait nul doute que l’on est là face un chef-d’œuvre une nouvelle fois qui, on le souhaite, saura se réinventer.