Quand Windjammers débarque en 1994 dans les salles d’arcade sentant la sueur et le tabac froid (voire même la bière tiède), personne ne s’attendait à ce qu’il ait une carrière éclair. Avec son concept hyper accrocheur, à savoir un match de frisbee sur un terrain rappelant autant le tennis que le beach-volley, le tout rehaussé d’une bonne dose de coups spéciaux façon Captain Tsubasa (ou NBA Jam, choisissez votre poison), le jeu de Data East a tout pour plaire.
Manque de bol pour lui, la concurrence est rude à cette époque dans les salles embrumées, et le titan Super Street Fighter 2 Turbo arrive la même année pour lui couper l’herbe sous le pied. Le versus fighting est alors à son âge d’or, et malheureusement, Windjammers en fait les frais, malgré ses matchs rapides, funs, et très nerveux. Sa sortie sur Neo-Geo un peu plus tard lui accordera une courte période de survie, mais jamais le titre n’atteindra la gloire de la reconnaissance internationale.
Cependant, à l’image d’un certain village de Gaulois bien connu, un groupe d’irréductibles continue contre vents et marées à louer les qualités du titre, et à organiser régulièrement des compétitions. Premier sursaut pour le jeu : en 2010 il arrive sur la console virtuelle Wii, puis en 2017 sur PS4 et Vita. Mais la consécration arrivera en 2018 lors de l’Evolution Championship Series, où lors de la finale de Windjammers, un portage sur Nintendo Switch est annoncé.
Dès lors, tout s’enchaîne : succès online, nouvelle jeunesse, et… l’annonce d’un Windjammers 2, développé par les orfèvres de Dotemu, Maîtres ès retour de franchises cultes 2D (Streets of Rage 4, Wonder Boy). La bête est enfin passée entre nos mains. Et sans aucun faux suspense, disons-le tout de go : c’est une brillante réussite.
Nostalgia, ULTRA
Le fait d’assurer un retour efficace d’une ancienne licence est bien plus complexe qu’il n’y paraît. La difficulté principale réside dans le fragile équilibre à trouver entre le respect du matériel d’origine, et la modernisation nécessaire du même matériel. Dans le cas de Windjammers 2, Dotemu a su non seulement rendre hommage au jeu Neo-Geo, tout en sublimant la formule.
Le pari fait par Dotemu a été celui de produire un titre immédiatement accessible, tant dans son concept que de sa prise en main, afin de reproduire au mieux ce feeling arcade si caractéristique des jeux Neo-Geo/MVS de l’âge d’or de l’arcade. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le studio français sait y faire dans ce domaine.
Pas de tutoriel de deux heures, pas besoin de douze doigts à chaque main pour jouer, le titre a su conserver l’héritage de l’hyper accessibilité. Et quel bonheur ! Après avoir mis une pièce dans la borne et appuyé sur start, le titre offre quelques options, dont un jeu en ligne (au code irréprochable, soulignons-le), un mode arcade, et un multijoueur en local. Un tuto est disponible, sous forme de slides dont le tour est fait en deux minutes chrono. Puis direction le fun.
Mais fun ne signifie pas absence de profondeur. Le studio Dotemu a agrémenté le gameplay classique de Windjammers de quelques nouveautés qui viennent rendre les affrontements bien plus subtils et stratégiques que dans sa version originale. Le simple fait de pouvoir sauter pour intercepter un lob change l’appréhension de l’espace, oblige à travailler le zoning, et à toujours plus anticiper les mouvements adverses. De même, l’instauration du « coup rapide » (ou « slapshot ») qui permet de renvoyer le frisbee d’un rapide revers de la main, peut renverser le cours d’un match en un instant, tant il peut surprendre l’adversaire.
Ces features supplémentaires contribuent à accroître la tension ressentie lors des affrontements. Et c’est ici que réside le cœur même de Windjammers : dans un déluge d’adrénaline, qui tient le joueur sur un fil tendu entre la satisfaction d’un fun immédiat, et la pression de matchs dont le cours peut être renversé à tout instant. La joie de la victoire n’en est alors que plus grande.
On n’est pas trop vieux pour ces conneries
Qu’on ne s’y trompe pas, Windjammers 2 n’est pas qu’un simple plaisir nostalgique. Il s’agit d’un jeu très accueillant pour les nouveaux venus, et qui fera des merveilles sur la scène e-sport. La courbe de progression des joueurs confine au grand art tant tout dans le jeu (difficulté, équilibre frustration/satisfaction) a été savamment dosé. Tout appelle à y revenir, à relancer une dernière partie de plus, même en cas de défaite.
Si Dotemu est parvenu à construire une ossature solide pour son titre, les frenchies ont également réalisé un jeu qui est un pur plaisir pour les yeux, et ce sans jamais céder aux sirènes du lissage 3D ou du pixel-art. Le choix d’une direction artistique volontairement outrancière contribue pleinement à ramener les joueurs dans les salles d’arcade des années 90.
Ces couleurs flashy, ce chara-design à la limite du too much (sans jamais franchir cette ligne), tout dans l’esthétique du titre a été fait non seulement pour affirmer la filiation du jeu avec Windjammers premier du nom, mais aussi pour rappeler la délicieuse époque où ceux qui sont aujourd’hui des vieux croûtons dilapidaient leur maigre argent de poche dans des machines au son réglé toujours trop fort.
Plaisir pour les yeux et pour les manettes, Windjammers 2 l’est aussi pour les oreilles, et l’habillage sonore est d’une incroyable énergie. Entre les musiques (nouvelles et remix d’anciennes compositions), les hurlements du public, les gueulantes des personnages (mention spéciale à la française S. Delys, qui joue sa vie à chaque cri), et la voix off de la commentatrice survoltée, l’ambiance de Windjammers 2 est digne de celle des plus beaux matchs de la Major League de baseball.
Ainsi, Windjammers 2 parvient à électriser les utilisateurs, et catapulte les joueurs dans un univers hors du temps, coloré, nerveux, punchy et hautement addictif. Rarement une résurrection n’aura été aussi splendide. Enfin, dans le cas de Dotemu, cela n’a rien de surprenant. C’est à se demander si ces gens-là ne seraient pas les Rois Midas du jeu vidéo old school.
Dotemu n’avait pas besoin de prouver son talent, nous savions déjà qu’il s’agissait d’une équipe d’esthètes. Et pourtant, une fois encore, ils transforment l’essai de la résurrection d’une ancienne licence chérie d’un groupe d’irréductibles pour en faire un joyau moderne, qui déborde de passion pour le médium vidéoludique.
Disponible depuis le 20 janvier 2022 sur PC, PS4, Xbox One, Switch et via le Xbox Game Pass, Windjammers 2 est une perle, une pépite qui ravivera les plus beaux souvenirs aux amateurs d’arcade, et plongera les nouveaux joueurs dans un monde où le Flow est le maître absolu. Ainsi, on enchaîne les matchs sans voir le temps passer, avec un plaisir de tous les instants. Assurément l’une des plus belles surprises de ce début d’année et un remède à toute forme de marasme, et on prédit déjà un magnifique avenir à W2 sur la scène e-sport internationale. Chapeau bas Dotemu.