Le temps est bon, comme le chantait Isabelle Pierre en 1969, pour les amateurs de néo-rétro. Sont sortis coup sur coup River City Girls, beat’em up dans la pure veine 16 bits très bien noté dans ces pages, puis Blasphemous, fascinant Souls-like en 2D comme sorti du passé qui n’était pas sans rappeler Shadow of the Beast, et aujourd’hui ce tonitruant Valfaris. Mix de run’n gun et de plateformes se présentant en majestueux pixels, Valfaris, signé des auteurs de Slain: Back from Hell, aura fort à faire pour sortir la tête de l’eau face à la concurrence. Mission accomplie ?
(Test de Valfaris réalisé sur PC à partir d’un version fournie par l’éditeur).
Branchez les guitares…
La première chose qui frappe quand on lance Valfaris, ce sont les guitares. Le titre est en effet placé sous le signe du bon gros heavy metal qui tache. Et pas seulement pour sa bande originale, comme on va le voir. Le jeu pourrait être ainsi vu comme le prolongement des univers baroques qu’on trouve dans l’imagerie métal, mélange entre futur apocalyptique, panthéon viking, et zombies…
Les héros lui-même aurait toute sa place à la batterie d’un bon vieux groupe de hard. C’est un peu un Sandor Clegane de Game of Thrones : longs cheveux, incarnation presque caricaturale de la virilité, violent, mais avec au final, un fond d’humanisme, et surtout un combattant presque invincible qui a des soucis originels à régler avec son grand frère (Montagne de son état). Ici, c’est à son père que notre héros, Therion (tiens ?!), va réclamer des comptes. Pour information, le nom du personnage fait probablement plus référence au Therion de l’album de Celtic Frost, To Mega Therion (1985) qu’au Thyrion de Georges R.R. Martin. Le compositeur de la musique de Valfaris est en effet Curt Victor Bryant, de… Celtic Frost !
To hell and back
Thérion retrouve sa planète-forteresse, Valfaris, alors que celle-ci avait aussi complètement que mystérieusement disparu. Cependant, ce qui fut jadis une sorte de Jardin d’Eden n’est plus aujourd’hui qu’une monstruosité où grouille la corruption. Thérion devra donc s’enfoncer au plus profond de cet univers dangereux et repoussant pour identifier la source du mal qui ronge Valfaris, et le renvoyer vers l’enfer dont il n’aurait jamais dû sortir.
Son parcours sera fait de rencontres inamicales plus ou moins résistantes. Le jeu enchaîne ainsi les sections de run’n gun, les “mini boss” et les boss tout court à un rythme très soutenu : celui des guitares saturées. Et pour se frayer un chemin parmi ces créatures, le héros du jeu dispose d’un bel arsenal : une arme de poing, peu puissante, mais qui a l’avantage de tirer des munitions illimitées, une arme plus puissante (fusil à pompe, lance flammes, missiles….), et une arme blanche. À cet arsenal offensif, il faut ajouter un bouclier qui a la capacité de renvoyer les tirs ennemis d’où ils viennent pour peu qu’il soit employé au bon tempo (il faut l’activer juste avant l’impact).
It’s (not) only rock’n roll
L’air de rien, cette multiplicité de l’armement donne au titre a-priori 100% bourrin une composante stratégique qui se révélera essentielle. Choisir la bonne arme selon l’ennemi sera l’une des clés pour avancer dans le jeu.
D’autant que l’arme secondaire, la plus puissante, et le bouclier, consomment une barre d’énergie qu’ils ont en commun. Ainsi, non seulement il faudra se décider entre attitude agressive ou défensive, mais en plus, on sera de toute façon limité dans l’une ou l’autre posture. Pour récupérer un peu de cette énergie, il va falloir taillader du monstre à coups d’épée. Les ennemis éliminés de cette façon libèrent en effet des sphères capables de recharger la barre d’énergie. Nous voilà donc contraint d’alterner les styles et les armes, laissant sur le bas-côté des premiers niveaux celui qui s’imaginait foncer dans le tas en courant droit devant façon “Taïaut !”.
C’est ainsi que derrière des atours bien premier degré, le jeu force à une certaine finesse celui qui compte en venir à bout. Ne lisez tout de même pas ce qu’on n’a pas écrit : on n’est pas non plus dans un Tactics Ogre…
Retour vers le futur
Aucun doute possible, on est bien face à un jeu néo-rétro. Certes, les bases du gameplay, le pixelart et la linéarité de la map nous ramènent aux action-platformers de la fin des années 80, comme Turrican ou Gryzor (Contra), avant même que le metroidvania ne viennent renouveler la recette.
Cependant, graphiquement, on est loin derrière les limites de ce que pouvaient afficher les Mega Drive et autres Amiga 500… Les décors, gluants et organiques, tels qu’on les aimait à l’époque, nous donnant l’impression d’évoluer au sein du système digestif d’un titan mi-animal, mi-végétal, sont très fournis en animations. Des animations qui, bien qu’en 2D, sont particulièrement soignées. Il faut voir le héros headbanger à chaque fois qu’il met les mains sur une nouvelle arme !
Et il n’y a pas que graphiquement que le titre se révèle bien ancré dans son temps. On meurt beaucoup et souvent dans Valfaris, parfois même à seulement quelques secondes d’intervale. Mais on ne respawn jamais très loin. Nous ne sommes pas en 1991 où il s’agissait de refaire l’ensemble d’un niveau à chaque fois qu’un boss remportait le combat… Ici, des points de sauvegarde sont disséminés à chaque point clé, après chacune des grosses difficultés rencontrées dans le jeu.
Éléments de game desin intéressants, ces sauvegardes sont conditionnées par la possession d’idoles, des items qu’on ramasse au fur et à mesure du parcours. Ainsi, nous sommes sensés ne sauvegarder qu’à des moments que nous jugeons particulièrement opportuns, limités que nous sommes par le nombre de statuettes en notre possession. De plus, ces mêmes idoles nous sont réclamées pour ouvrir certains réceptacles renfermant de nouvelles armes. Le jeu veut nous mettre face au choix cornélien de conserver des ressources pour sauvegarder, ou de prendre le risque d’upgrader notre puissance de feu en sacrifiant un filet de sécurité.
Sur le papier du moins. Car en vérité, on est rarement à cours de statuettes… Les développeurs auront peut-être décidé au dernier moment que cela ajoutait une couche de difficulté supplémentaire inutile, et de semer plus d’idoles qu’initialement prévu dans les niveaux…
Le contra(t) est clair avec Valfaris : run, gun, et rock’n roll ! Avec une composante plateforme assez light, et un arsenal qui réclame de bien penser son utilisation, le jeu se révèle moins premier degré qu’il n’y parait. Le titre de Steel Mantis reste quand même une vraie machine à ragequit, mais, bien dans son époque, il saura limiter la frustration en multipliant les points de sauvegarde. Ainsi, Valfaris réussit peut-être à réunir le meilleur des deux mondes : un vrai feeling rétro couplé à un gameplay bien actuel. Du coup, on conseillera aussi bien Valfaris à ceux qui ont joué sur Amstrad CPC qu’à ceux qui ont commencé les jeux vidéo sur WiiU (et sont quand même restés).