Suite à des WRC 6 et 7 de plutôt bonne facture, Big Ben et Kylotonn ont réussi il y a quelque mois a récupérer l’une des licences les plus cultes du jeu de course : V-Rally. Dans la foulée est lancé un V-Rally 4 dont personne n’osait il y a encore un an espérer un jour la venue, tant on pensait la licence morte et enterrée.
C’était sans compter sur le studio français bien décidé à la remettre au goût du jour en utilisant tout le savoir-faire accumulé sur WRC, mais pas que, puisqu’on y trouve des anciens d’Eden Games, boîte qui nous avait pondu les premiers V-Rally, mais aussi les deux Test Drive Unlimited. Il y a du savoir-faire derrière ce V-Rally 4, mais rappelons-nous aussi que la dernière licence que Kylotonn a tenté de ressusciter, à savoir Flatout, s’est soldée par un cuisant échec.
(Test de V-Rally 4 réalisé à partir d’une version PlayStation 4 fournie par l’éditeur)
Avis aux nostalgiques, V-Rally 4 n’a en commun réellement avec les anciens opus de la franchise que son nom. Et arbore aujourd’hui une modernité qui lui aurait fait défaut dans le cas contraire et est beaucoup plus que ce qu’il parait.
V-Rally 4 n’est donc pas qu’un simple jeu de rallye, il regroupe de nombreuses autres épreuves. On a droit à du rallycross, des courses de buggy, du Hillclimb – et Downhill aussi – et Gymkhana, que les aficionados de Ken Block connaissent bien. Ce n’est pas la première fois qu’un jeu de course de type rallye essaie de s’émanciper de son propre domaine et mélanger en un titre différentes disciplines. N
ous ne sommes donc pas réfractaires à l’idée, loin de là, mais est-ce franchement ce que l’on attend d’un jeu estampillé V-Rally, à l’heure où Dirt règne en maître et où Sébastien Loeb Rally Evo a fait son petit effet. Fallait-il vraiment tenter le diable et engendrer un tel bâtard ?
Comme un air de liberté
Eh bien oui. La nouvelle direction prise par la franchise ne nous dérange absolument pas, vivre dans la nostalgie n’est pas forcément une bonne chose, et si le jeu en vaut le coup, un changement peut lui être bénéfique. Cela s’est déjà vérifié avec d’autres licences, et pas forcément de sport automobile en plus.
On pourrait même dire la multitude d’épreuves que propose V-Rally 4 est l’un de ses gros points forts. Cela permet de varier les plaisirs certes, mais aussi de goûter à différents types de gameplay, tout en continuant à prendre son pied. Et même si certaines épreuves peinent à se renouveler au bout d’un certain temps, la faute à la singularité même de ces dernières, il faut saluer l’effort qu’ont fait les développeurs pour tenter d’apporter une touche d’originalité à leur jeu.
D’ailleurs, Big Ben n’étant plus détenteur du sésame donnant droit à la reproduction des épreuves du WRC, Kylotonn a dû se rabattre sur son savoir-faire pour imaginer ses courses.
En effet, en s’émancipant des tracés officiels, Kylotonn a pu laisser parler son imagination et son désir de voyager. Entre le Kenya, les États-Unis, la Russie, la Malaisie, la Roumanie ou encore la Chine, le Japon et la Bolivie, il y a du kilométrage à bouffer. Chaque région visitée est d’ailleurs marquée d’un cachet unique, d’une identité propre et d’un type d’épreuves ou de revêtement routier particulier. En terre sibérienne par exemple, attendez-vous à affronter des routes accidentées enneigées et sinueuses, alors qu’en Chine on s’en donne à cœur joie sur des épreuves de Hillclimb sur goudron.
V-Rally 4 se veut d’ailleurs étonnamment joli, certes imparfait, mais détaillé et vivant, le moteur de WRC 7 se montre ici sous son plus bel apparat. En témoignent ces champs de fleurs magnifiques au Japon ou encore les somptueuses forêts de Séquoias américaines. Alors oui, il y a quelques bugs de collisions ici et là, toutes les textures ne sont pas parfaites et certains tracés moins avantageux pour la rétine que d’autres, mais ça se pose là et ça vaut largement un DIRT 4.
Pour en venir aux pistes, commençons par l’épreuve reine, le rallye. Elle transpire le danger et la difficulté, grâce notamment au nombre hallucinant d’obstacles et de petits pièges qui bordent constamment des routes étriquées au possible. On nous montre là un bel exemple de ce qu’il faut faire pour obtenir des pistes de rallye aussi funs qu’exigeantes. Pour les autres modes de jeu, on est sur le même constat, même si c’est beaucoup plus classique.
Le rallycross et les courses de buggy n’offrent que des circuits en boucle fermée et rien d’autre, et si c’est plutôt cool, L’IA nuit quelque peu à nos folles courses. Alors que le Hillclimb et le Gymkhana sortent tout de même du lot de part la particularité de leur discipline, le premier demandant de monter ou de descendre des montagnes à toute allure et presque sans freinage ; et le deuxième de faire des tours de circuit le plus vite possible sur des routes très tortueuses et demandant de jouer du frein à main. D’ailleurs si on apprécie leur présence dans le jeu, ce sont peut-être les deux compétions qui nous ont le moins marqués, car se montrant trop redondantes à la longue.
Un jour je serai le meilleur pilote
Niveau modes de jeu par contre, on ne peut pas dire que ce soit la joie, car hormis un gros mode carrière assez fourni et des parties rapides en multijoueur ou en solo, V-Rally 4 ne propose pas grand chose. Bon il y a toujours le mode multi en local jusqu’à deux joueurs en splitté qui pose ses valoches là en 2018 comme si de rien n’était pour créer une bonne surprise, mais rien de plus.
Le mode carrière est lui somme toute assez classique, même s’il fait bien le taf. Complet dans son approche, il permet de se lancer dans une quête de gloire et de reconnaissance à travers le monde sur toutes les épreuves disponibles. Il va falloir gravir les échelons pour se payer de nouveaux bolides, une cinquantaine en tout, et débloquer de nouveaux championnats.
Les voitures sont d’ailleurs classées par épreuves et il y en a franchement pour tous les goûts. De la Renault Alpine à la Ford Focus en passant par la Mini Cooper, on a là un roster mécanique bien complet et modélisé, hormis certains cockpits non licenciés qui font taches dans l’ensemble. Il y a bien entendu une gestion de son staff présente, avec la possibilité de recruter des mécanos, du personnel R&D ou encore un agent nous apportant un bonus donné, comme le fait de pouvoir influer sur le prix d’achat des quatre roues.
Il est d’ailleurs permis de personnaliser son auto de A à Z en passant par un éditeur complet, mais franchement peu ergonomique, alors que faire des courses avec nous permet de débloquer nombre d’améliorations à appliquer contre achat dessus. Les sponsors sont aussi de la partie et permettent de se faire quelques biftons supplémentaires une fois certains objectifs remplis.
Nous vous le disions, c’est complet. Il ne manque que certaine petite chose qui aurait aidé à améliorer ce mode carrière. Comme une scénarisation, avec quelques cut-scènes en y incorporant des moments clés, ou encore la possibilité de courir pour des écuries, même fictives. Car c’est assez peu immersif et très mécanique, on accomplit sa petite semaine, on paie son staff, on achète ou améliore sa voiture, on vérifie si un renouvellement du staff est nécessaire, on fait un tour du côté des sponsors et on se fait du championnat.
Un cycle qui se répète en boucle et qui finit quelque peu par lasser. Heureusement alors que les courses elles sont sympas et que la possibilité de disputer des épreuves online au sein même du mode carrière pour asseoir sa réputation et se faire bien plus d’argent est là.
Terrain glissant
La grosse polémique viendra surement de la prise en main demandant quelques heures à n’importe qui pour être un tant soit peu maîtrisée et cela pour n’importe quel bolide ou type d’épreuve. Cela glisse tellement au départ, qu’on se demande si on n’est pas en train de se taper une Savonnette Simulator des familles en lieu et place d’un jeu de rallye. Le gameplay parait finalement assez imprécis et brouillon dans ses premières heures, les voitures ayant tendance à sur-virer de manière complètement folle.
Cependant, passé un gros apprentissage, la conduite parvient à être maîtrisé et c’est à partir de ce moment là qu’on a de bonnes sensations et qu’on a enfin loisir de s’éclater au volant. Parce que V-Rally 4 possède en réalité un gameplay fabuleux à mi-chemin entre arcade et simulation procurant des sensations fortes et de grosses sueurs froides. L’impression de vitesse fait le boulot et les différentes caméras offrent un confort de jeu indéniable, même si le FOV de la vue cockpit est assez étriqué.
Finalement, cette fusion de deux gameplay différents de jeu automobile ne dérange pas ce qui concerne la conduite, même si cela glisse un peu trop à notre goût et que la passage par la case réglage est obligatoire, tant ceux de base sont… moyens pour rester polit. Non, le soucis vient d’ailleurs.
Accessible sans l’être, V-Rally 4 est donc constamment ballotté entre son désir d’apporter une grosse dose d’adrénaline, quitte à virer dans l’arcade, et celui d’être un tant soit peut réaliste. En résulte un certain manque de cohérence, comme les pénalités parfois exagérées que l’on se tape en course, alors que l’on peut couper quasiment tous les virages sans en manger.
C’est ce genre de petites choses qui fâchent, parce qu’il est OK de mettre des dégâts mécaniques sur notre bolide, mais l’IA, pas maladroite pour un sou, ne semble pas en souffrir. Les temps sont calculés comme référents en fonction du mode de difficulté et cela complique les choses. Car si nos opposants virtuels ne fautent pas, ne font pas de sortie de route et n’ont pas de dégâts, cela devient dur pour le joueur.
Parce qu’avec un gameplay qui prône la vitesse et non la prudence sur des pistes souvent très accidentées, qui elles demandent de l’être, on ne sait plus trop sur quel pied danser et le chrono lui s’en fout royalement. On le ressent moins sur certaines épreuves, notamment les courses de buggy ou en rallycross, mais ce fait reste omniprésent pour le reste.
C’est dommage, car on à l’impression de se retrouver avec des chronos IA purement arcade, alors que le jeu ne l’est pas, il aurait fallu que Kylotonn polisse un peu la chose.
Néanmoins, il faut rendre au César du jeu de course ce qui lui appartient. Le gameplay et les tracés sont excellents et si V-Rally 4 ne manquait pas d’un peu de cohérence, il pourrait facilement viser plus haut. Parce qu’il faut aussi prendre en compte le fait que chaque type d’épreuves est accompagné par une catégorie de quatre roues défini qui demande chacune une conduite différente.
Les buggy sont des vrais ressors sur pattes, les voitures de rallye et rallycross se comportent plus ou moins de la même façon, quant aux fusées du Hillclimb, elle fuse et glisse, alors que les monstres du Gymkhana dérapent et patines comme de coutume.
De même que les bolides réunis dans une même catégorie ont eux aussi des spécificités propres à chacun. Il faut donc prendre tout ça en main et aussi faire avec la météo qui change drastiquement la conduite et le revêtement qui en fait de même. Tout un programme, qui demande cependant investissement et des nerfs bien calmes.
Y’a t’il une IA dans le co-pilote ?
Le co-pilote est aussi tout un programme. De base il est déjà assez inaudible, mais en plus il n’est parfois pas assez clair, oublie d’annoncer un obstacle ou encore le fait trop tard ou trop tôt. Me prévenir qu’un virage droit 3 sur saut arrive prochainement c’est cool, mais il faut l’indiquer au bon moment pas une fois dedans ou 20 secondes avant. De même que de me demander de ne pas prendre corde alors que c’est pire en extérieure, cela relève de l’incompétence ici.
Heureusement, il n’est présent qu’en mode rallye, mais dans les autres épreuves du type buggy ou ralllycross, c’est l’IA qui pose problème. Elle suit un rail peu importe ce que l’on fait et ne se détournera que trop peu souvent de sa route et si vous êtes sur son chemin, elle ne cherchera pas à vous éviter et bonjour les grosses collisions. Dur de trouver justification à cela en 2018.
Pour en finir sur un petit point technique, il faut avouer que les bolides ont une physique assez folle et se comportent de manière étrange, notamment au niveau des collisions. Déjà, ils semblent tous aussi léger qu’une plume passé les 50 km/h, ce qui va à l’encontre de tout réalisme, surtout dans le Hillclimb ou le Gymkhana. Le moindre caillou donne l’impression de pouvoir retourner notre quatre roues sur son cul après une série de quelques tonneaux, alors qu’un poteau stop de pacotille peut mettre violemment fin à notre course en nous projetant dans les airs.
Au dessus de la moyenne, V-Rally 4 se plante là où ça fait le plus mal. Non pas dans les orties de mémé, mais bien dans le décor au détour d’un virage sans danger, dans lequel une savonnette est venu s’encastrer. La conduite n’est pas mauvaise en soit, mais elle demande un temps d’adaptation assez long pour être maîtrisé, alors que le titre n’est pas une simulation pure. Il faut surtout apprendre à se battre contre le moteur physique et l’inertie des bagnoles sur la piste qui ont toutes tendances à sur-virer dangereusement.
Une fois cela accomplit, on découvre donc un jeu au gameplay riche et grisant au possible. V-Rally 4 apporte aussi son lot de bonnes idées, comme la multitude d’épreuves présentes ou encore un mode carrière qui, même si sommaire, n’en reste pas moins assez complet. On aurait juste aimé une dose de contenu en plus et peut-être aussi un game design plus cohérent dans l’ensemble. Mais ne boudons pas notre plaisir, sous ses airs assez repoussants durant les premières heures de pilotage, V-Rally 4 devient avec le temps un bon jeu de courses qui envoie la saga sur de nouveaux horizons qu’on espère à l’avenir encore meilleur.