Les plus anciens joueurs d’entre nous auront sans doute eu l’opportunité bénie de savourer les pépites de l’ère la plus glorieuse du genre point & click 2D, celle des œuvres de Lucasfilms / LucasArts, entre autres, telles que Maniac Mansion (1987), Monkey Island (1990), ou encore le bien connu Day of the Tentacle (1993), et ce, quel que soit le support concerné. Il s’agissait là d’aventures narratives au scénario à la fois étrange et bourré d’humour et de clins d’œil, qui faisaient la part belle à la réflexion et aux énigmes, tout en offrant des rebondissements inattendus. Le tout, jouable par le biais d’un certain nombre de verbes d’action parmi lesquels choisir à l’écran afin d’interagir avec son environnement et les différents protagonistes loufoques qui constituaient le background de ces jeux.
En 2014, un étrange projet était lancé sur la plateforme Kickstarter, afin de lever des fonds pour financer un titre baptisé Thimbleweed Park, qui nous promettait de nous replonger dans ce passé magique, avec des figures de proue de la grande époque à sa tête, et cela va sans dire, la campagne connut un franc succès. Ce qui aboutit à la parution dudit jeu sur diverses plateformes actuelles (iOS, PlayStation 4, PC, Switch…) en 2017. La version Android vient tout juste de naître, et puisque son gameplay ne diffère pas de celui du jeu iOS, vous avez affaire ici au test de Thimbleweed Park sur appareils mobiles.
Thimbleweed Park – Maniaque, mention très bien
Pixel power
On ne va pas se mentir, même si je ne suis guère adepte de point & click en général, Maniac Mansion constitue l’un de mes jeux favoris sur NES. J’aimais son côté « manoir déjanté » agrémenté d’une bonne dose de SF, la possibilité de switcher entre plusieurs personnages pour parvenir à résoudre les énigmes, ainsi que son esprit à la fois fun et inquiétant, et le jeu demeurera gravé dans ma mémoire comme une perle vidéoludique.
Aussi, ayant eu vent du projet Thimbleweed Park, lancé par les deux piliers sur lesquels reposait l’étrange et envoûtant Maniac Mansion datant de 87, à savoir, Ron Gilbert et Gary Winnick, j’ai directement su que l’alchimie opérerait à nouveau sur moi, et me replongerait dans l’univers décalé et nostalgique du jeu de ma jeunesse. Surtout en visionnant les premières vidéos et en contemplant les premiers screens.
De fait, Thimbleweed Park ne joue pas du tout la carte de la modernité. Il reprend parfaitement le style visuel qui faisait le charme de ses ancêtres, à savoir, du bon gros pixel bien retro en 2D, mais l’attrait du jeu ne s’arrête pas à son aspect extérieur. Voyons donc d’un peu plus près de quoi il retourne exactement.
True detectives
Le début du jeu vous laisse incarner deux agents du FBI, l’agent Ray et l’agent Reyes. La première est une enquêtrice expérimentée et un peu blasée de devoir se coltiner le second, débutant et super-enthousiaste de se retrouver sur une affaire de meurtre. Hé oui, on ne fait pas déplacer le Bureau pour une histoire de chat coincé dans un arbre.
Un cadavre a été retrouvé dans un ruisseau près de la mystérieuse petite ville de Thimbleweed Park, un endroit quasiment à l’abandon qui ne compte plus que quelques dizaines d’habitants. Le corps du défunt semblant indiquer que celui-ci ne serait pas mort de vieillesse, nos deux détectives vont alors avoir à cœur d’explorer l’étrange ville et d’interroger la faune locale, tous plus bizarres et barrés les uns que les autres.
C’est le début d’une investigation loufoque mais en même temps cohérente, au cours de laquelle il vous faudra faire preuve de réflexion et d’intuition, et qui vous amènera à visiter des lieux aussi lugubres qu’un cirque en perdition ou un hôtel abandonné. Vous y rencontrerez un tas de personnages hauts en couleurs et déjantés, à commencer par le shérif du coin, et il vous sera par moments possible d’en contrôler quelques uns.
Comme dans Maniac Mansion, la collaboration entre vos personnages sera de mise, que ce soit pour résoudre ensemble une intrigue en se rendant en plusieurs endroits simultanément, ou pour s’échanger des items glanés à droite à gauche histoire de réaliser la bonne combinaison.
Gameplay et interface parfaits
Sur mobile, l’alternance entre les protagonistes est parfaitement intuitive, puisqu’il suffit de toucher l’icône représentant les personnages, affichée en haut à droite de l’écran, pour incarner instantanément celui de votre choix.
Concrètement, vous l’aurez compris en lisant le titre de ce test, Thimbleweed Park, comme ses ancêtres, est un point & click à l’ancienne, dans lequel le bas de l’écran est dédié aux objets en votre possession, mais aussi et surtout, à une liste de verbes qui vous serviront à effectuer diverses actions afin de progresser toujours plus loin : prendre, ouvrir, pousser, utiliser, donner…
Tout y est, à vous d’observer chaque recoin des lieux que vous visitez (pour se déplacer, il suffit de toucher un endroit sur l’écran), afin d’obtenir une description de ce que vous voyez, et de réfléchir à comment en tirer parti. De l’aventure à l’état pur, qui demandera un minimum de patience et de réflexion, donc pas sûr que le joueur moderne y trouvera son compte, car le déroulement est assez lent de par la forme même du jeu, mais si une intrigue efficace compte plus pour vous qu’une action débridée, n’hésitez pas ; après tout, c’est un point & click, pas un (vulgaire) Call of.
Et puis autre point positif de Thimbleweed Park : si les dialogues (souvent bourrés d’humour) sont en anglais audio, la totalité de ceux-ci, ainsi que de l’interface (verbes d’action, descriptions diverses, carnets de route…) est traduite en français, les anglophobes devraient donc profiter du jeu sans aucun souci de compréhension. Et c’est une chance, car le jeu s’avère très bavard, entre les réflexions intérieures de chacun, les multiples conversations nécessaires à une enquête, et les divers choix de sujets de discussion à aborder qui vous seront offerts lors de chaque rencontre, vous aurez de la lecture.
Les références : tout le charme du jeu
Lecture qui n’est par ailleurs quasiment jamais rébarbative, puisque, soit elle fait progresser votre investigation, soit elle vous abreuve d’un humour décalé qui ne manquera pas de vous faire sourire plus d’une fois, même si certains PNJ peuvent parfois se montrer assez pénibles. Et puis, il y a les références.
Le jeu est parsemé de clins d’œil aux anciens jeux conçus par nos développeurs, comme Maniac Mansion, mais aussi et surtout, à la télévision et au cinéma. Comment ne pas penser à X-Files en voyant nos deux agents du FBI débarquer dans cette étrange localité ? Ou à Twin Peaks, avec cette mystérieuse histoire de meurtre et ces habitants qui semblent tous cacher un secret ? Ou à True Detective, avec cette enquête sinueuse qui ne cesse de vous envoyer sur de mauvais rails ? Et même, pourquoi pas, à Ça, avec ce clown agressif qui a subi une malédiction et qui ne pourra plus jamais ôter son déguisement et son maquillage ?
Bref, vous avez compris le topo : Thimbleweed Park est une mine de références pour qui aime à la fois le surnaturel et les enquêtes tortueuses, le tout alternant entre étrangeté et humour bien calibré. Succulent.
Conclusion de Thimbleweed Park
Déjà excellent sur console, Thimbleweed Park ne souffre aucunement de sa conversion mobile, bien au contraire. On y trouve notamment une jouabilité parfaitement intuitive, peut-être même encore plus que sur matériel de salon. Pour le reste, l’amoureux de point & click à l’ancienne type Maniac Mansion ne sera en aucun cas déçu par cette enquête farfelue mêlant étrangeté et humour décalé, bourrée de références diverses et de personnages singuliers et hauts en couleurs.
Petite précision cependant : le jeu étant largement composé de dialogues et textes en tous genres, nous vous déconseillons de vous y atteler sur un appareil trop petit, à moins d’avoir une vue parfaite, sans quoi vous risquez de plisser les yeux et de jouer à 5 cm de votre matos. Mis à part ça, c’est du velours, une pépite de nostalgie, qui vaut bien la dizaine d’euros demandée pour l’acquérir, même si ce tarif peut sembler un peu élevé en comparaison de la norme sur mobile. Enfilez vos costards et rallumez vos méninges : si la vérité est ailleurs, à vous de la trouver !