Ces dernières semaines, le flot des sorties s’était apaisé peu de temps avant l’E3, faisant place à la hype des annonces de tous les éditeurs. Mais certains titres apparaissaient dans ce calendrier appauvri comme autant de clous sur la planche d’un ébéniste négligeant (ou d’un meuble Ikea mal bricolé). Parmi ceux-ci figurait The Lost Child, un jeu qui, dans notre rédaction, avait piqué la curiosité de quelques uns, dont celle de votre rédacteur. En effet, The Lost Child n’est pas vraiment un projet d’inconnus, il est le fruit de Takeyasu Sawaki, et se place dans la continuité d’El Shaddai, son oeuvre sortie sur la génération précédente de consoles et qui avait passionné autant que dérouté en son temps. Il fut jugé magnifique mais terne (aussi bien d’un point de vue rythmique que manette en main), le petit frère qui troque la formule du jeu d’action type hack’n’slash pour un format dungeon-crawler saura-t-il briller où son frère a échoué ? Cette oeuvre entre démons et anges montera-t-elle au firmament ou chutera-t-elle dans les abysses de l’oubli ?
Test – The Lost Child – Shin Megami Odyssey: Pocket Dungeon Monster Journey Redux
Hayato, Mystères et Compagnie
The Lost Child met en scène les aventures de Hayato Ibuki. Cet homme vit sa vie normale de journaliste spécialisé dans l’occulte jusqu’au jour où, en enquêtant dans la station de métro d’Akihabara sur une mystérieuse vague de suicides, un inconnu le pousse sur les rails d’un train alors que justement, l’un d’entre eux entrait dans la station. Sauvé in extremis par une inconnue, cette dernière profite de la surprise de notre héros pour lui remettre une mallette étrange en le suppliant de rester en vie avant de disparaître. À partir de là, la vie de notre héros va basculer. En effet, une demoiselle appelé Lua et qui se cosplay en mage noir de Final Fantasy se met à lui graviter autour, prétendant être un ange et lui disant qu’il est l’ « élu ». La mallette qui vous a d’ailleurs été donnée contient l’arme qui vous épaulera le long de cette aventure, un pistolet appelé Gangour et qui a la capacité de sceller et d’invoquer démons et anges. Votre périple au sein d’un combat opposant le royaume des cieux, celui des abysses et les anges déchus vient de commencer.
L’univers sonne dense et foisonnant. Une fois passé le postulat de base, on trouve pêle-mêle au sein de cette histoire de nombreuses références à des figures connues. Bien entendu, étant un jeu de Takeyasu Sawaki, il était évident que The Lost Child signerait le retour de Lucifel et d’autres visages familiers provenant d’El Shaddai. Mais même Lovecraft a droit à sa citation puisque Cthulhu et Hastur sont aussi de la partie, avec en plus un donjon sur ce thème à se mettre sous la dent. Mais The Lost Child propose également son lot de personnages originaux et intrigants (mention spéciale pour le prêtre). Le tout est élégamment souligné par une mise en scène inspirée des mangas et des films d’animation japonais. Effectivement, le titre est entrecoupé de belles phases d’animation et de nombreux dialogues au sein du jeu sont intégralement doublés. Beaucoup de soin a été apporté au soft sur sa partie scénaristique, ce qui a pour effet de rendre digeste son histoire très tendue.
Néanmoins, il est difficile de proposer un scénario « original » inspiré du manga sans tomber sur des écueils. Bien évidemment, autour de personnages hauts en couleur, nos héros en revanche sont strictement figés, cantonnés à la position de poupées de chiffon, ballotées d’un point à un autre par l’histoire et ses différents protagonistes. Hayato, l’élu, est le typique héros muet sans personnalité et avec des cheveux d’un gris bleu tellement fluo que même Fire Emblem n’en aurait pas voulu comme noble. Lua, elle, est juste tout le contraire. Elle n’arrête pas de jacasser tout en déblatérant toutes les japoniaiseries qu’on a entendues dans tout les animes japonais, tous les clichés y sont. Puis bon l’ « élu » quoi, côté originalité, ça se place là.
Il en tient une couche
L’aventure dans The Lost Child se dépeint en 3 phases distinctes. La première d’entre elles est la phase d’investigation. Prenant place dans le bureau de votre journal, elle consiste principalement, à l’instar de Digimon Story Cyber Sleuth, de remplir des petites quêtes servant de liants au scénario afin que vous n’enchaîniez pas les donjons bêtement. Elles vous permettent de rencontrer la panoplie de personnages étranges que le titre a à vous proposer mais également d’obtenir certains objets tout en comblant la phase tutorielle.
La deuxième fait plutôt penser à Pokémon puisqu’il s’agit de la capture et des combats de monstres. En effet, dans votre équipe de base, vous n’avez que 2 membres, les 2 protagonistes. Et vous avez 3 slots à remplir, plus quelques emplacements annexes à l’instar d’une équipe de Pokémons. Pour les capturer, il suffit uniquement d’attendre que l’ennemi soit faible et de tirer avec le Gangour, le monstre est capturé automatiquement. En revanche, vous ne pouvez pas attaquer avec vos monstres quand vous tirez, donc à vous de planifier la situation en fonction pour ne pas avoir de mauvaises surprises. Les combats ne sont pas pour autant très difficiles mais la mort de votre héros signifie « écran titre » alors bon… Mieux vaut prévenir que guérir !
Enfin, la troisième phase est la fouille de donjons. Effectivement, une fois un certain nombre d’investigations terminées, vous ouvrirez des « layers », sorte de poches de mondes parallèles au sein de notre propre monde. Ces poches abritent en fait démons et anges qui peuvent aller et venir dans des donjons totalement invisibles à nos yeux. Il s’agit également de l’endroit où vous allez pouvoir chasser vos créatures, faire le plein de karma et avancer le scénario.
Le bien, le mal et tout ce qu’il y a au milieu
Bizarrement, et c’est là tout le paradoxe de The Lost Child, le jeu est très raccord avec son scénario mais vraiment pas par les bons éléments. Sur une trame de conflit entre le bien et le mal, traversée de personnages nuancés, le soft se dépeint de la même manière, présentant de nombreux éléments d’inspiration diverses et tous très moyennement réussis eux aussi. Tout d’abord, ce qui est l’option la plus aboutie : tirer avec le Gangour. Cette arme tire des balles d’énergie issues de vos créatures, ainsi les créatures qui forment votre équipe et leur type seront plus ou moins efficaces face à tel ou tel ennemi. Ça semble évident mais il fallait y penser.
En revanche, l’entraînement de créatures est laborieux. Pour renforcer vos créatures, il vous faut sacrifier des points de karma répartis en 3 couleurs représentant 3 valeurs (bon, neutre, mauvais). Chaque monstre a sa nature et donc préférera un karma adapté à son genre. Il est là le problème. Couvrir un donjon dans son intégralité ne vous apporte pas toujours les points nécessaires pour faire évoluer votre créature, il vous faudra donc grinder, ce qui, couplé avec le troisième point de cette section, est des plus déplaisant. Enfin, rien ne vous incite à faire évoluer vos bestioles si ce n’est votre curiosité mais nous vous déconseillons de céder.
Voici le pire point de The Lost Child. Jusque là, notre avis était mitigé autour de ce titre mais ce point-ci rend l’expérience des plus désagréables. La fouille des donjons est juste atroce. Un mélange déplaisant d’aller-retour d’un point à l’autre d’une carte fade pour trouver un interrupteur qui vous permettra d’ouvrir un nouveau chemin. « Ben oui quoi, c’est un dungeon-crawler ! ». Maintenant, regardez votre calendrier, on est en 2018 ! La PlayStation 4 vous donne l’impression de voir des humains à la télé quand vous jouez. Autant, d’accord, un dungeon-crawler, ça n’a jamais été trop fun, mais une présentation pareille, qui vous donne l’impression de parcourir l’écran de veille de Windows 95, c’est pas possible ! Hormis les effets en combat, le titre pourrait limite tourner sur PlayStation 2 !! Puis bon le rythme quoi… Ensuite, je suis peut-être mauvaise langue, mais après avoir fait Shin Megami Tensei: Strange Journey Redux, The Lost Child a clairement un train de retard…
Conclusion The Lost Child
The Lost Child est vraiment une bête curieuse et qui a mal choisi son moment pour sortir. Empruntant à de nombreux jeux avant lui comme les Shin Megami et la franchise Pokémon, il est en tous points plus pauvre que ces derniers. De plus, son rythme inégal, ses combats sans investissement (à l’exception des boss) et la pauvreté de ses donjons ternissent la valeur artistique de l’oeuvre, aussi bien dans la présentation que dans le visuel. The Lost Child est juste un jeu moyen qui saura en revanche satisfaire les fans de RPG en manque même si dans la même veine, on lui préférera un Shin Megami Tensei: Strange Journey Redux qui, sans être parfait, avait su faire l’impasse sur de nombreux écueils du titre présenté ici.