Sans être le blockbuster Halo Infinite attendu de pied ferme depuis plus de deux ans, on sentait Microsoft pousser discrètement derrière The Gunk, pour faire du jeu l’un des nombreux atouts du catalogue du Game Pass. Notre curiosité ainsi éveillée, qui s’ajoute à un titre cool et une affiche badass digne des meilleurs direct-to-video de l’époque lointaine des vidéo clubs, il n’en fallait pas plus pour nous pousser à essayer le jeu. Alors, nanar ou pépite ?
(Test de The Gunk sur Xbox Series X réalisée via la version commerciale du jeu)
2 girls 1 bot
C’est ainsi qu’est formé l’équipage du Bunny, petit vaisseau pas très en forme. Entre deux livraisons intergalactiques, le vaisseau semble détecter un pic d’énergie, et décide donc d’atterrir pour en savoir plus. Pendant que Becks profite de l’étape pour bricoler un peu la navette, Rani va, elle, partir en quête de ce pic d’énergie et des ressources nécessaires à leur redécollage. C’est sur cette base, somme toute classique, que le jeu démarre et nous propose, aux commandes de Rani, de partir explorer la planète. On découvrira très rapidement que celle-ci semble souffrir d’une étrange corruption, un organisme mi-blob, mi-hydrocarbure, proliférant et annihilant toute vie végétale.
Cette matière, c’est le Gunk du titre. Le gameplay s’organisera autour de cette pollution, puisqu’un « power glove » (il est vraiment décrit comme ça dans le jeu dans une référence évidente à l’accessoire culte pour NES) permettra à Rani d’aspirer l’étrange substance, tel Luigi dans un château hanté, afin de nettoyer zone par zone la planète. On notera que le gant en question n’est pas juste une arme ou on outil, mais une prothèse, l’héroïne ayant perdu sa main lors d’une aventure qui n’est qu’évoquée. C’est un détail, mais tout de même, une héroïne handicapée, ça ne court pas les rues et il fallait le souligner.
Captain Obvious
Dès les premières minutes de jeu, il y a quelque chose d’évident, et on est tout de suite séduit. Difficile de dire à quoi cela tient quand on n’est pas développeur, mais les contrôles sont souples, confortables, répondent parfaitement bien, et nous font nous sentir aux commandes.
De même pour la direction artistique, et notamment celle des deux personnages principaux. Peut-être est-ce leurs proportions, les textures qui leur sont appliquées ou quelque chose dans l’animation, mais on se sent face à un casting qui serait constitué de marionnettes, telles celles qui « jouent » dans des séries comme les Thunderbirds ou Bomber X.
Côté environnement, bien qu’on se trouve sur une planète inconnue, probablement à des années-lumière de la nôtre, le dépaysement n’est pas total. On est en effet sur une planète extraterrestre telle qu’on la voit régulièrement dans le jeu vidéo, avec ses fleurs géantes et ses couleurs néon, une planète comme No Man’s Sky ou The Outer Worlds nous en ont montrée encore récemment.
Par contre, au sein même de la planète, les environnements sont variés, des cavernes rocailleuses aux jardins luxuriants en passant par un désert où tout est mort et gris ou des installations minières high-tech… Certains paysages sont franchement magnifiques, et il serait étonnant qu’aucune capture d’écran ne soit déclenchée pendant votre partie !
Upcycling
Dès la première partie de cette critique, on a cité Nintendo à deux reprises. Des références, transparentes, données par le jeu lui-même (c’est l’un des personnages qui parle du gant de Rani comme d’un Power Glove). Durant toute la partie, on pourrait s’amuser à faire du name dropping tant le jeu doit à d’autres titres. Luigi’s Mansion pour la mécanique de l’aspirateur, Tomb Raider pour le jeu de façon générale (exploration, puzzles environnementaux…) ou encore Uncharted, avec cette façon de marquer les plateformes atteignables d’un trait de peinture, comme dans Kena: Bridges of Spirit, qui avait lui aussi piqué l’idée aux aventures de Nathan Drake.
Le jeu ne fait rien de très original, en vérité. Mais tout ce qu’il fait, il le fait bien. L’expérience est plaisante d’un bout à l’autre, d’autant qu’elle n’est pas très longue : comptez environ cinq heures pour en venir à bout. Alors oui, cela peut paraître chiche face aux 40 ou 60 heures que réclament des Assassin’s Creed et autres AAA en vogue, mais cela peut-être aussi vu comme une qualité. Un jeu qui ne demande pas un engagement sur le long terme, qui peut se boucler en un week-end, parce que nous sommes quelques-uns à avoir une vie en dehors des jeux vidéo !
C’est en ce sens un jeu typiquement fait pour le Game Pass, qui esquive de fait le débat récurrent (et pas exactement justifié) sur le ratio prix/temps de jeu. The Gunk nous montre aussi une réponse possible à la question de l’augmentation des coûts de développement soulevée au moment du passage du prix des jeux de 70 à 80€ (on en avait parlé ici même). En créant des jeux destinés au Game Pass, une équipe plus resserrée peut se concentrer sur un jeu qui n’aura pas à rougir, techniquement, mais qui se ramassera sur quelques heures seulement, au lieu des quinze ou vingt heures traditionnelles du jeu triple A.
Greenwashing
The Gunk nous a vraiment plu et, la durée de l’aventure assez courte aidant, nous l’avons bouclé quasiment d’une traite. Outre peut-être un certain manque d’inventivité, il faudra vraiment lui chercher des poux dans la tête pour lui trouver des défauts. Ceux-ci se rencontreront du côté du scénario. La fable se veut évidemment écologique. Si le jeu recycle des idées vues ailleurs, on pourrait le voir aussi comme une façon d’allier le discours et le gameplay. Il y est question de la folie industrielle des habitants de la planète, qui mène tout doucement à la mort de cette dernière. Une situation dont nos héroïnes prendront conscience avant de s’attacher à la lutte pour la survie de cette nature.
Le parallèle avec la situation de notre propre planète est évident, et ce n’est définitivement pas un hasard si le Gunk a des aspects pétrolifères. C’est le sujet du jeu au premier degré, il n’est ni question de métaphore ou de sous-texte, et le méchant de l’histoire viendra nous le rappeler haut et fort en s’adressant à l’héroïne : « Vous avez saccagé votre planète et vous venez maintenant me faire la leçon ? »
Le souci, c’est qu’ici, le méchant a raison. De quel droit, si ce n’est celui que s’arrognte en général les puissances colonialistes, ces deux humaines, échouées sur une planète qui n’est pas la leur, viennent-elles se mêler d’affaires extraterrestres ? Qu’est-ce qui les autorise à imposer leurs valeurs à cette planète qu’elles connaissent depuis deux heures ?
D’autant que le gameplay exige du joueur de moissonner toutes les ressources qu’il rencontrera sur son chemin. À peine le Gunk éliminé d’une zone, et juste quelques secondes après que les quelques fleurs auront recouvré la vie, nous, joueurs, les cueillons pour nous en servir comme ressource pour nos équipements. Faites ce que je dis, mais pas ce que je fais…
Il faudra vraiment aller chercher la petite bête pour trouver des défauts à The Gunk, une aventure extraterrestre vraiment agréable, portée par une D.A. réussie même si, à l’image du gameplay, manquant un peu d’originalité. De plus, le tout est porté par des acteurs talentueux qui donnent vie à ce petit équipage.
Certes, le jeu est court, mais on le voit comme une qualité, l’occasion d’une petite parenthèse qui n’exige pas trop d’engagement. Lancé un peu par hasard, on n’aura pas lâché le titre avant de l’avoir fini, et en cela, le jeu nous aura rappelé Death’s Door, l’excellente surprise indé de cet été. C’est exactement ce qu’est The Gunk : l’excellente surprise de cet hiver.