Si The Chinese Room ne vous dit rien, peut-être que Everybody’s Gone to the Rapture, Amnesia: A Machine for Pigs ou encore Dear Esther vous disent eux un petit quelque chose. En effet, ce studio indépendant fondé en 2012 à Brighton en Angleterre est faiseur depuis lors d’une poignée de titres qui ont su faire parler d’eux, et qui ont pour la plupart rencontré un succès critique et commercial (certains ont même remporté quelques récompenses). Depuis des années, affairés au développement de Vampire: The Masquerade Bloodlines 2, The Chinese Room n’entend pas pour autant mettre de côtés d’autres projets incluant Still Wakes the Deep.
Jeu que l’on pourrait qualifier sans mal de walking simulator/aventure horreur, il s’inscrit dans la droite lignée de ce que nous offre ce genre ces dernières années et nous invite sur une plateforme pétrolière offshore perdue au beau milieu de l’océan sur laquelle va se produire de terribles et étranges événements. On l’attendait tout de même avec une grande curiosité ce Still Wakes the Deep, et le moins que l’on puisse dire c’est qu’il est assez déconcertant.
(Test de Still Wakes the Deep réalisé sur Xbox Series X à partir d’une version Game Pass)
Nous sommes donc dans les années 70 sur une plateforme pétrolière écossaise offshore sur laquelle nous incarnons un électricien du nom de Caz. En froid avec le directeur de l’exploitation, il se voit très vite renvoyé par ce dernier à cause d’une sombre histoire passée qui le voit placé sous le coup d’un mandat d’arrêt lancé par la justice de son pays. Sauf qu’au moment de s’envoler vers la terre ferme en hélicoptère, une violente explosion survient et l’endroit se retrouve alors plongé dans le chaos et la désolation.
Que s’est-il passé ? Quelle est cette gigantesque chose organique d’une couleur indescriptible (Lovecraft est partout) qui est apparue et qui semble envahir la station comme le lierre sur la devanture d’une vieille demeure ? Quels sont ces étranges créatures sorties tout droit des enfers qui nous menacent à chacun de nos pas ? Comment fuir et s’en sortir ? Autant de questions qui ne trouveront pas toujours réponses, mais la part de mystère que laisse en suspens Still Wakes the Deep est bienvenue, tant elle participe à l’ambiance pesante, voire angoissante, qui nous accompagne tout du long.
Car au-delà d’une narration trop classique, de dialogues, certes réussis, mais sans grand fond, ainsi que d’un scénario au global décevant, se dégage une atmosphère qui ne serait pas sans nous rappeler certaines réussites du genre horreur comme Dead Space, Alien Isolation ou encore, et quoi de plus normal pour The Chinese Room, la licence Amnesia. C’est poisseux, gore, repoussant et la direction artistique est tout bonnement la grande réussite du titre. Cette plateforme pétrolière s’affiche comme un terrain de jeu envoutant et effrayant qui trouve son meilleur écho dans un sound design horrifique digne des meilleurs titres du genre.
Reste une redite navrante au niveau des environnements visités, et même s’ils évoluent au fil de la contamination du lieu par ce corps étranger qui en prend possession, comme des âmes qui y résidaient, avec un tel gigantisme, on ne s’attendait pas à parcourir de nombreuses fois certaines mêmes zones. De même que la mise en scène fait parfois un peu « cheepos » sur les bords, alors que l’on observe quelques belles images, assez fascinantes même, car le jeu reste beau et utilise à merveille l’Unreal Engine 5, malgré quelques rares ratés.
Fore-moi ce gameplay
Malheureusement, toutes ces bonnes impressions sont totalement annihilées par un gameplay pauvre et surtout répétitif. Still Wakes the Deep est une ligne droite et si cela ne surprend pas vu le genre auquel il se rattache, il essaie tout de même de proposer quelques séquences de gameplay variées et inattendues. Un peu de grimpette, quelques petites énigmes, une poignée de séquences sous-marines, QTE (en nombre !), et c’est bien là tout ce qu’il y a à se mettre sous la dent. Le problème, c’est que sur quatre heures de jeu, ce qui est amplement suffisant d’ailleurs, cela fait trop peu et ce ne sont pas nos rencontres contre les membres transformés de la station qui viennent sauver cette redondance.
Et cela malgré un bestiaire très inspiré, car de manière générale, on a vraiment l’impression de se trouver face à un ersatz de The Thing, et visuellement, c’est très réussi. Les créatures sont d’ailleurs assez effrayantes dans un premier temps, avant que le soufflet ne retombe, tant nos parties de cache-cache contre elles sont d’une facilité déconcertante. On se cache, on envoie un objet pour faire diversion, on se faufile et c’est terminé. Rien n’est jamais réellement à la hauteur, même pas les quelques courses-poursuites que l’on mène tambour battant.
Enfin, et malgré un casting de personnages haut en couleurs, ainsi que particulièrement vulgaires, Still Wakes the Deep ne parvient jamais à les rendre ni attachant, ni même intéressant. Nos interactions avec eux ne se résumant qu’à recueillir nos instructions pour notre prochaine mission qui consiste souvent à devoir relancer une machine spécifique pour tenter de sauver ses miches.
Une nouvelle fois, c’est assez limité, et The Chinese Room aurait pu exploiter bien mieux cet équipage en perdition, car certaines bonnes idées narratives tombent à l’eau à cause de cela. En l’état, tout ceci est assez ennuyant, parfois soporifique, tant le rythme est mal maitrisé et que les événements s’enchainent sans surprise, se confondant dans un schéma de jeu répétitif.
Nous ressortons assez déçu de notre expérience sur Still Wakes the Deep, parce que tout était là pour en faire un bon jeu horrifique. Le lieu, la direction artistique, l’ambiance ou encore ce bel hommage rendu à des sagas telles qu’Alien ou The Thing, ne parviennent à sauver un scénario assez pauvre et surtout une proposition de gameplay proche du néant.
Certes, c’est le principe même du walking simulator que de se concentrer sur l’essentiel, mais les choses ont évolué depuis le déjà décevant Amnesia: A Machine for Pig, et pourtant, ce nouveau jeu en reprend les mêmes défauts, à ceci près qu’au moins le premier racontait une histoire passionnante. Un bel enrobage qui sonne assez creux en somme.