Steins;Gate premier du nom, visual novel issu des studios 5pb. et Nitroplus qui fait partie de la série Science Adventure (avec d’autres titres comme Chaos;Head ou Robotics;Notes) a su se faire une place dans le coeur des fans grâce notamment à son univers barré, qui mêle science, théorie du complot et culture d’Akihabara (le quartier électronique et otaku de Tokyo) et son ton qui oscille entre la légèreté et le tragique.
Dans ce premier jeu, on suivait les tribulations de Okabe Rintaro, surnommé Okarin, jeune homme qui se prend pour un savant fou et qui se retrouve mêlé à la construction d’une machine à voyager dans le temps. Bien entendu, on ne tripatouille pas avec le temps sans se manger un violent coup d’effet papillon, et on suivait la tragique histoire d’Okarin qui devait essayer d’empêcher les conséquences dramatiques de ses voyages temporels. Le jeu a été très populaire, aussi une suite était autant demandée qu’attendue au tournant. Steins;Gate 0 arrive-t-il à la cheville de son illustre prédécesseur ?
Hacking to the Gate !
Steins;Gate 0 est plus ou moins la suite de Steins;Gate. Pourquoi plus ou moins ? Car c’est la suite canonique d’une des fins alternatives du premier jeu. Ainsi, il faut voir l’intrigue comme étant une suite alternative, se passant dans un monde parallèle. Et vraiment navré, mais pour pouvoir situer l’intrigue du jeu, je vais devoir un peu spoiler la fin alternative en question. Si vous n’avez pas fait Steins;Gate premier du nom, je vous invite à passer ce paragraphe, ou à mettre ce test entre parenthèses et y revenir après avoir complété la trentaine d’heures nécessaire pour faire le premier. C’est fait ? Le jeu prend donc comme point de départ la fin dans laquelle [Spoil] Okarin, après avoir échoué à sauver Kurisu Makise, la femme qu’il aime, décide d’abandonner toute tentative. [Spoil]
Traumatisé, Okarin essaye donc de laisser derrière lui son labo d’objets futuristes et Hyouuin Kyouma, sa personnalité de savant fou. Il essaye de se ranger et rêve d’intégrer l’université Victor Chondria. Il approche alors le professeur Alexis Leskinen, scientifique spécialisé dans les sciences cérébrales et son assistante Maho Hiyajo qui ont créé Amadeus, une IA très développée conçue à partir de souvenirs humains et de la personnalité d’un individu. Okarin est désigné pour tester l’IA qui est calquée sur Kurisu. Pendant ce temps, Suzuha Amane, qui est venue du futur, essaye désespérément de convaincre Okarin de retourner dans le passé, afin d’éviter la 3ème Guerre Mondiale qui se profile à l’horizon.
Tutturu !
Steins;Gate 0 est un visual novel, genre que l’on peut traduire par roman visuel. On tient donc là plus un ouvrage qu’un véritable jeu. Que ceux qui ne connaissent pas le genre ne s’y trompent pas, il est très rare que les visual novels aient un quelconque intérêt purement ludique. L’interactivité y est d’ailleurs très souvent réduite à sa simple expression, avec des choix à faire qui orientent l’intrigue vers telle ou telle route.
Steins;Gate 0 est encore moins permissif à ce niveau-là, car le joueur/spectateur ne sera finalement sollicité que très rarement, ne pouvant agir que via le portable d’Okarin, lui permettant de répondre aux textos que lui enverront ses amis, ou de décrocher quand le programme Amadeus l’appelle (ce qui est le seul facteur qui permet de changer d’embranchement scénaristique). Mais en dehors de l’interface du téléphone, vous n’aurez aucun contrôle sur l’histoire. Et il faut bien avouer que c’est un peu frustrant de ne pas pouvoir répondre soi-même aux questions que les personnages nous posent. On est donc plus spectateur qu’acteur de cette histoire, ce qui est fort dommage.
Par ailleurs, même si les visuels sont très beaux, ils manquent un peu de vie, d’animation. Quand les personnages parlent, leur bouche est animée, mais cela reste très rudimentaire. Il est dommage de ne pas avoir pensé à quelques scènes animées qui auraient pu donner un peu plus de vie à ces jolis tableaux. Ce manque d’animation se fait cruellement ressentir lors des scènes d’action, bien narrées, certes, mais dont la mise en scène fait très cheap, avec ses travellings légers ou ses écrans noirs supposés simuler un mouvement. Enfin, dernier gros défaut du jeu, celui-ci est localisé en anglais. Il se ferme ainsi à ceux qui ont des lacunes dans la langue de James Bond, le jeu utilisant parfois des termes scientifiques un peu velus. Une traduction française aurait été la bienvenue pour ne pas se couper d’une partie des joueurs potentiels.
El Psy Congroo !
Mais comme je le disais plus haut, Steins;Gate 0 tient plus du roman que du jeu, et ce qui est le plus important dans un roman, c’est son intrigue, son scénario. Et le moins que je puisse dire, c’est que celui-ci est brillant ! C’est une des meilleures histoires de hard science-fiction que j’aie eu le plaisir de lire ces dernières années. On y trouve vraiment de tout, une histoire temporelle très bien ficelée (c’est un exercice pourtant très difficile), le concept de l’IA Amadeus est très bon, et il règne une atmosphère sombre et pré-apocalyptique vraiment très prenante. Par ailleurs, le scénario gère habilement ses tons, l’équilibre entre les événements tendus et les passages plus légers et humoristiques étant très bon.
Visuellement, si le jeu manque de vie, il n’en reste pas moins qu’il est très agréable à l’oeil. Le character design est très réussi, possédant une esthétique moe, mais non lisse, les personnages, bien qu’ayant de grands yeux et des poses mignonnes ont un aspect visuellement rugueux qui témoigne bien du ton sombre de l’intrigue. Les doublages japonais, très réussis, favorisent l’immersion du jeu. Les acteurs sonnent authentiques, bien que le voice acting soit imprégné d’un aspect anime qui pourra parfois sembler caricatural. Enfin, l’OST est une autre réussite du jeu, comportant de beaux morceaux, comme par exemple Messenger, le thème principal du jeu.
Il serait injuste de juger Steins;Gate 0 à l’aune des autres jeux. Bien entendu, le gameplay est au point mort, puisque globalement, il suffit d’appuyer sur le bouton X du pad PlayStation 4 ou de la PS Vita jusqu’à arriver à l’une des 6 fins disponibles. S’il faut juger Steins;Gate 0, c’est en tant qu’oeuvre narrative, en tant que visual novel, et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il se débrouille très bien. Steins;Gate 0 est le digne successeur de son illustre grand frère.
Avec son intrigue très intelligente et bien pensée, et son univers passionnant, il garantira aux fans de la première heure des moments inoubliables passés en compagnie de la bande à Okarin, ceux qui veulent de belles histoires aussi seront convaincus. En revanche, les non-anglophiles et ceux qui ne jurent que par l’expérience de jeu pure pourront passer leur chemin.