En 2013, Harebrained Schemes ressuscitait la licence Shadowrun après une campagne Kickstarter ayant provoqué un engouement bien supérieur à ce qu’en attendaient les développeurs, et Shadowrun Returns voyait le jour. Il faut dire que, mis à part deux titres très réussis sur Super NES et MegaDrive, Shadowrun, univers majeur du jeu de rôle papier, n’avait guère connu d’adaptations vidéoludiques notables. Aujourd’hui, c’est au stand-alone issu d’un DLC de Shadowrun Returns que nous allons nous intéresser, avec Shadowrun : Dragonfall. Voyons si la cyber-magie opère toujours…
Test de Shadowrun : Dragonfall sur PC
Shadowrun, qu’est-ce que c’est ?
Avant de plonger dans le vif du sujet, il serait bon de resituer un peu le contexte, pour ceux n’ayant connu ni le jeu de rôle, ni les adaptations en découlant. Shadowrun, créé en 1989 en tant que RPG papier (c’est à dire, avec un narrateur, des livres de règles, des dés, des fiches de perso, etc.) plonge les joueurs dans un univers futuriste dystopique, glauque et violent, où le cyber côtoie au quotidien la fantasy. En effet, suite à un événement majeur appelé Éveil, la Magie ancestrale a refait son apparition au sein des immenses mégapoles, et avec elle, les anciennes races depuis longtemps oubliées : nains, dragons, elfes, orques, etc. Le tout, pour faire bref, offre un background fascinant, où magie, shamanisme et légendes cohabitent, à l’ombre des tours géantes, avec le meurtre, les complots, les armes à feu et les augmentations cybernétiques, dans un monde sordide écrasé par la toute-puissance des méga-corporations. Élément incontournable de ce paysage urbain décadent : le shadowrunner, sorte de mercenaire des temps modernes prêt à accepter toute mission pour tenter de survivre au sein d’une société à l’agonie. C’est un de ces runners que le joueur interprétait dans Shadowrun Returns (jeu bourré de clin d’oeil au titre paru sur Super NES). Et c’est également le cas dans ce Shadowrun : Dragonfall, qui, s’il constitue désormais un jeu à part entière (sous-titré Director’s Cut), n’était à la base qu’une simple extension de son aîné, la nouvelle version comportant des quêtes supplémentaires, des fins alternatives et quelques autres ajouts bienvenus.
Une création de personnage déterminante pour la suite
Comme dans l’opus précédent, et en hommage aux origines de la licence, vous commencez par créer votre personnage. Une création à la fois sommaire (race, quelques aspects physiques…) et déterminante pour l’aventure à venir. De fait, le profil « professionnel » (mage, shaman, street-samurai, hacker…) ainsi que l’attribution des points de karma dans un éventail assez complexe de caractéristiques, que vous ferez évoluer selon vos goûts au fil du jeu avec le karma acquis en mission, vous permettront de vous orienter vers tel ou tel gameplay. Vous êtes plutôt du genre bourrin ? Optez pour la vocation samurai et des compétences de corps-à-corps. Vous avez l’esprit spirituel ? Choisissez un shaman, capable d’invoquer des animaux pour combattre à ses côtés. Une personnalisation malléable et non-anodine, donc, et c’est déjà un bon point d’entrée. D’autant que ces choix initiaux auront une influence, minime certes, mais néanmoins présente, sur certains dialogues et actions proposés au fil du jeu. Par exemple, si vous avez développé votre charisme, vous aurez plus de facilité à convaincre les gens de vous aider ou un marchand de baisser ses prix. Tandis que si vous avez opté pour un hacker, vous aurez l’opportunité de pirater portes et autres ordinateurs, vous évitant parfois un détour dangereux. Shadowrun : Dragonfall se montre au final bien plus profond qu’il ne pourrait sembler de prime abord, une profondeur que l’on retrouve dans son scénario et dans ses nombreux dialogues.
Une réalisation en dents de scie
Car oui, sachez-le d’avance : Shadowrun : Dragonfall n’est pas un jeu d’action pure et dure, sans réellement de scénarisation à avancer. Au contraire, l’histoire est approfondie, le caractère des personnages développé de manière détaillée, et les dialogues interactifs et autres descriptions sont extrêmement nombreux. Le tout apportant au joueur une immersion incomparable, que ne font que renforcer les graphismes très « néon », et les somptueuses musiques, ainsi que les sons d’ambiance, vous entraînent dans cet univers cyberpunk avec délice (il est conseillé de jouer au casque). Néanmoins, quelques petites précisions concernant la technique du jeu, qui, au final, n’est pas vraiment son point fort, du moins sur certains aspects. L’animation des personnages est très désuète, et même souvent saccadée, ce qui n’est pas vraiment un problème, puisque Shadowrun : Dragonfall est en fait une sorte de point & click stratégique plutôt qu’un TPS classique. La vue 3D isométrique adoptée rappelle le grand Shadowrun de la Super NES, même si, comme dans ce dernier, on aurait aimé voir des rues plus peuplées et animées. Enfin, sachez-le, le jeu n’est (pour l’heure) disponible qu’en anglais, et, du fait de sa profondeur évoquée ci-dessus, et de sa maturité globale, il nécessite un niveau plus que moyen dans cette langue, si l’on ne veut pas passer à côté de ce qui fait principalement tout son charme. Ce sont là les seuls petits « défauts » que l’on pourrait reprocher à ce titre, mais dans un souci d’objectivité, il fallait bien les évoquer.
Scénario et gameplay efficaces
Un scénario profond, donc, disions-nous. Le jeu se déroule à Berlin (au lieu du Seattle usuel pour la série), ville dans laquelle vous débarquez pour vous faire oublier quelques temps. Mais vous y retrouvez une ancienne camarade runner, Monika, qui va vous embarquer avec elle et son équipe dans une mission simple en apparence, mais dont on sent tout de suite qu’elle ne s’annonce pas bien du tout. Ce run sera le point de départ d’une aventure mature et intelligente, dans laquelle complots, doubles jeux, enquêtes et trahisons viendront rendre un superbe hommage à l’esprit du jeu de rôle papier. Le tout est servi par un gameplay simple et efficace : vous cliquez sur le lieu ou vous voulez aller, ou sur une personne ou un objet notable, et votre personnage agit de lui-même. Quant aux combats, un peu plus nombreux que dans le précédent volet, ils se déroulent au tour par tour, un peu à la manière d’un X-Com. Vous disposez de deux points d’action, qui vous serviront à vous déplacer et/ou attaquer. Vous avez la possibilité de vous dissimuler derrière des éléments du décor pour éviter d’être en ligne de mire, mais les ennemis feront de même, ce qui insuffle un aspect tactique simple mais agréable aux affrontements. Généralement, vous disposez d’une petite équipe de runners, à vous de les placer stratégiquement pour encercler l’ennemi tout en évitant d’être vous-même pris à revers. Seule la souris est utilisée dans ce jeu, donc, ce qui le rendra accessible même aux réfractaires du clavier. Encore un ultime point positif pour Shadowrun : Dragonfall…
Conclusion de Shadowrun: Dragonfall
Plus qu’une extension, Shadowrun: Dragonfall constitue un véritable jeu à part entière, qui nous replonge avec joie dans cet univers sombre et mature, où magie et cuberpunk se côtoient et s’entremêlent. En dépit de quelques aspects techniques un peu en retrait, il vous entraînera pendant plusieurs heures dans une histoire passionnante, certes linéaire, mais néanmoins profondément travaillée du point de vue de son background global. Les amoureux de Shadowrun le savoureront, les néophytes y découvriront peut-être un étonnant mélange de cyber-fantasy envoûtant, desservi par un gameplay tout simple pour ne rebuter personne. Merci Harebrained Schemes, les amateurs attendent désormais le lancement de votre prochaine campagne, qui semble annoncer un Shadowrun situé à Hong-Kong (et n’oublions pas ce projet, visible sur Steam, d’un moddeur fan ayant décidé de recréer le Shadowrun Super NES avec le moteur de Shadowrun Returns…).