Adapter une licence telle que Lodoss en 2021… Est-ce un tour de force ou un coup de folie ? Record of Lodoss War: Deedlit in Wonder Labyrinth est un objet vidéoludique étrange, qui semble être passé par une faille de temps et de l’espace pour venir jusqu’à nous.
Record of Lodoss War est une franchise qui n’avait pas vu le jour depuis un certain temps. Les fans d’animes dans la trentaine et la quarantaine diront immédiatement qu’il s’agit de l’un des piliers de la production japonaise des années 90 et du début des années 2000. Cependant, la licence a raté le coche du nouveau siècle et a disparu sans grande fanfare, loin des feux de la rampe.
Pour les non-initiés, Lodoss est une série de high fantasy de Ryo Mizuno, vaguement basée sur des campagnes de RPG sur table qu’il dirigeait ou dont il faisait partie. Le scénario met en scène un jeune chevalier nommé Parn qui part à la recherche de la sorcière noire Karla et débarrasse le monde du Mal. En chemin, il rencontre ses compagnons : Slayn le sorcier austère, Ghim le guerrier nain bourru, Etoh le prêtre affable, Woodchuck le voyou au grand cœur et l’elfe waïfu de toute une génération, Deedlit. La guerre de Lodoss ne se résume pas à cela bien sûr, mais allez plutôt vous jeter sur les livres (édités par Delcourt) ou les animes (disponibles chez Kaze) si vous voulez en faire le tour.
(Test de Record of Lodoss War: Deedlit in Wonder Labyrinth réalisé sur PC depuis une version commerciale du jeu)
Symphony of the Elf
Notre jeu en question est exclusivement (ou presque) centré sur Deedlit, comme son titre le mentionne.
Le titre, qui fait partie de l’événement médiatique du 30e anniversaire autour de Lodoss War, est produit par la Team Ladybug en collaboration avec Why so Serious?, deux équipes peu connues, mais très talentueuses. Ces studios sont principalement connus du fandom de Touhou pour la production de Touhou Luna Nights (2018) et, dans une moindre mesure, du fandom de Shin Megami Tensei pour Shin Megami Tensei: Synchronicity Prologue (2017).
La Team Ladybug n’en est encore qu’à ses débuts, mais leurs créations jusqu’à présent ont été des metroidvania 2D très efficaces. Nul besoin de suspense : Deedlit in Wonder Labyrinth reste dans la veine de ce que le studio japonais a l’habitude de fournir.
Le jeu se joue en grande partie comme un Symphony of the Night standard, la plateforme 2D et la gestion des statistiques étant de première importance. Vous sautez d’un endroit à l’autre en tuant des ennemis, en résolvant des énigmes et en faisant progresser l’histoire. En cours de route, vous obtiendrez diverses armes, certaines abandonnées par les ennemis que vous avez rossés, et d’autres obtenues d’alliés et d’autels. Deedlit répond au doigt et à l’œil, se déplace avec grâce à travers les tableaux, et le feedback des combats est assez punchy.
Vous rencontrerez également des esprits magiques comme les Sylphs, les Salamanders et Will O’ Wisps, qui augmentent tous les compétences de Deedlit. Sylph, par exemple, permet à Deedlit de sauter plus haut, de flotter au-dessus de l’eau et de devenir beaucoup plus légère. Pendant ce temps, Salamander vous donne le pouvoir de faire exploser des explosifs et de traverser des zones enflammées. Dans certains cas, vous devrez même basculer entre plusieurs esprits pour traverser des obstacles, tels que des chaînes élémentaires entrelacées qui vous obligent à échanger le vent contre le feu à la volée.
Après quelques temps de jeu, vous obtiendrez l’arc (et les flèches), ce qui va amener un nouveau mécanisme de résolution d’énigmes très intéressant. Agissant comme une arme secondaire, il peut bien sûr vous aider à frapper des ennemis volants, mais il joue également un rôle clé dans l’ouverture de passages.
Par exemple, certaines portes sont verrouillées par des poids ou des poulies, et une flèche bien placée peut couper les cordes. Dans de nombreux cas, vous devez faire ricocher la flèche contre des surfaces métalliques pour frapper une corde cachée derrière un obstacle, transformant le jeu en une partie de billard-archer. C’est un ajout bienvenu pour un metroidvania, puisque la plupart des mécaniques de ce type de jeu consistent généralement à détruire directement des objets bloquant des accès ou à appuyer sur des interrupteurs.
Du Lodoss, du Lodoss, toujours du Lodoss
Le très grand point fort du titre, c’est ses graphismes. Des sprites 2D magnifiquement animés sur des arrière-plans 2D superbement illustrés. Tout est net, propre et chaque animation est très détaillée. Deedlit glisse dans les niveaux en laissant des images rémanentes d’elle-même, alors que les effets des sorts et des projectiles illuminent les scènes de feux d’artifice, mais sans outrance.
Ces mêmes effets sont bien dosés, et animations et pyrotechnie s’équilibrent à merveille. Pour ceux qui ont joué à Touhou Luna Nights, vous reconnaîtrez immédiatement la patte de la Team Ladybug. Le jeu est agréable à regarder, et les développeurs ont réussi à saisir l’esthétique du Lodoss classique, pour le transformer en un magnifique rendu 2D. Le titre est un véritable témoignage de leur savoir-faire, et un régal pour tout fan de l’esthétique pixel art.
Mais loin d’un tableau idyllique, Record of Lodoss War: Deedlit in Wonder Labyrinth a également quelques défauts assez flagrants. La musique tout d’abord, bien qu’elle ne soit pas particulièrement convaincante, fait correctement son travail. Elle fonctionne plutôt bien dans son ensemble, tout en n’étant ni intrusive ni ennuyeuse. Elle correspond assez bien à l’esthétique globale du titre, et nous accompagne tout au long du voyage. Mais nous aurions aimé avoir des thèmes plus forts, ne serait-ce que pour nous galvaniser un peu lors des combats de boss…
Si le titre a un défaut majeur, il s’agit bien de son l’histoire très légère. Le jeu suit Deedlit se réveillant dans un labyrinthe (le fameux Wonder Labyrinth du titre) qui lui semble étrangement familier. En cours de route, elle rencontre Slayn et Ghim, qui semblent eux aussi en pleine confusion quant au lieu où ils se trouvent. Et… c’est à peu près tout. Si vous aurez bien quelques surprises concernant les apparitions de personnages cultes, sachez que le scénario n’ira pas bien loin.
La fin du premier chapitre/niveau vous confronte au dragon Abram, lui aussi très fidèle au matériau d’origine. Un boss qui fait plusieurs fois votre taille (il remplit presque l’écran), mais si le combat est impressionnant visuellement, le challenge n’est pas vraiment relevé. Ce qui constitue l’autre travers du titre : sa difficulté. Le jeu est d’une facilité déconcertante. Aucun boss, aucun ennemi, aucune énigme ne vous posera problème. Vous ne mourrez qu’une fois ou deux, et encore, parce que votre téléphone aura sonné et détourné votre attention (ça arrive même aux meilleurs)…
La durée de vie du soft s’en ressent donc fortement. Ajoutons à cela le fait que l’aventure soit courte, et il vous faudra moins de huit heures pour atteindre l’écran des crédits.
Ma vie, c’est d’être fan
La véritable question qui se pose lorsque l’on parcourt ce labyrinthe aux merveilles est la suivante : à qui s’adresse ce jeu ? L’un des buts d’un jeu vidéo, ou tout du moins d’un créateur de jeux vidéo, est de toucher le plus vaste public. Ne serait-ce que pour assurer un minimum de succès commercial et donc une potentielle survie au projet vidéoludique. Nous ne parlons pas d’une volonté de vendre des millions d’exemplaires d’un titre, mais simplement de rentrer dans ses frais.
Certains titres peuvent être qualifiés de « jeux de niche » et pourtant remporter un grand succès critique et/ou financier. Demon’s Souls, Okami, Bushido Blade, les exemples ne manquent pas. Mais pour se démarquer, il faut montrer une véritable personnalité. Et cela fait gravement défaut à Record of Lodoss War: Deedlit in Wonder Labyrinth. Le jeu ne se démarque en rien. Il est certes beau, mais pas autant qu’un Bloodstained 2. Son ambiance est séduisante, mais pas autant qu’un Blasphemous. Et sa durée de vie ne peut pas rivaliser avec celle d’un Hollow Knight…
Et pourtant. Le soft donne envie d’être aimé. Si vous avez connu Record of Lodoss War au sommet de sa gloire, à l’époque du prêt des OAV sur VHS, ou que vous avez déjà frissonné en pensant à Vagnard et Karla, ce jeu est fait pour vous. Il a ce « je-ne-sais-quoi » qui le rend séduisant, et malgré sa courte durée de vie, il se parcourt avec plaisir.
Si le jeu de la Team Ladybug était sorti sur PS1 à la fin des années 1990, à l’époque de Symphony of the Night, quand la licence Lodoss rayonnait encore, il aurait pu devenir un véritable incontournable, mais aujourd’hui, la concurrence est bien trop rude pour qu’il trouve sa place dans la ludothèque de quelqu’un qui ne soit pas fan de cet univers.
Record of Lodoss War: Deedlit in Wonder Labyrinth est tout sauf parfait. Impossible de le recommander si vous n’êtes pas fan de Lodoss. Mais si vous l’êtes (comme l’est le rédacteur de ce test) alors procurez-vous ce jeu au plus vite. Vous passerez un délicieux moment sur ce titre proposé à petit prix sur Steam (16,79 €), et recroiser des visages connus vous ravira.
Cependant, si vous n’êtes pas connaisseur de cet univers, passez votre chemin, votre bonheur ne se trouve pas ici. Son pixel-art charmant, ses musiques passe-partout, sa courte durée de vie et son absence de challenge ne lui permettent pas de se hisser au rang de grand jeu. Et ce, au grand dam de celui qui rédige ces lignes.