C’est un fait aujourd’hui, la sortie d’un titre estampillé Pokémon est toujours, si on décide d’ignorer la certaine hype autour des différents Rangers ou Mystery Dungeon, un événement en soi. Plus de 20 bougies ont été soufflées depuis le premier lot de cartouches et les chiffres ne mentent toujours pas, la licence se porte très très bien et devrait continuer à grandir avec les efforts opérés pour être sûr que Pikachu et ses potes soient partout. Cependant, pour ce premier épisode sur Switch, on a assisté à un combat sans ampleur.
Et pourtant on a l’habitude, après tout, à chaque nouvel épisode, les critiques acerbes des fans démontent sans vergogne les nouveautés annoncées, les décisions prises par Nintendo, Game Freak et la Pokémon Company et surtout, les éléments qui disparaissent d’une génération à l’autre (renforçant l’impression que finalement, même les éditeurs ne savent plus quoi faire pour maintenir l’équilibre de cet univers aux règles évoluant au fil des ajouts). On a donc pu assister, pour ce premier épisode canon sur Switch, à un bras de fer entre les équipes comm’, nous noyant de trailers nostalgiques et feignant de ne pas entendre la clameur des fans et ces derniers, terrifiés par le changement, qui ont porté le combat sur la toile, équipés d’un bouclier de sarcasmes et du verbe tranchant de milliers d’individus.
Ajoutons à ça les journaleux qui en remettent une couche (et ces YouTubers navrants servant du titre putaclic pour grossir leurs propres réputations) et les leakers qui ont pu mettre la main sur l’intégralité des informations et le duo Pokémon Épée et Bouclier devrait être un vrai désastre, juste ? Bref, quelques temps après leur sortie, nous pouvons enfin faire le tri.
(test de Pokémon Épée et Bouclier a été réalisé avec une version du titre fournie par l’éditeur)
Tous dans la même Galar
Pokémon Épée et Bouclier démarrent sur des notes on ne peut plus classiques : une personne vous offre le choix entre 3 créatures comme compagnon et c’est parti pour votre aventure en mode « guide du routard » dans cette région inédite. Votre objectif, toujours le même, consiste à devenir le maître de la ligue de Galar, tâche que vous ne pourrez accomplir qu’après avoir mis en déroute les 8 champions de cette région dans leurs propres arènes. Comme d’habitude donc, vous allez partir de votre Bourg Palette pour tracer votre chemin vers le sommet, construisant votre équipe, votre compte en banque et votre look.
Et ce qu’on remarque très rapidement, c’est le charme de cette région inédite. Si on est loin d’Alola et de ses décors exotiques, Galar et ses points de vue tantôt verts, tantôt bruns, tantôt blancs, sont pourtant toujours teintés de couleurs. La faute déjà à sa faune plutôt généreuse qui, sans présenter le millier de monstres existant dans cette franchise tentaculaire, constitue un atout à cette génération mais également au soin apporté par les équipes de développement nous offrant ici une leçon de son savoir-faire sur les nombreuses routes et surtout les villes.
Effectivement, tout les atouts forts de la nation dont elle s’inspire brillent à Galar, les villes rurales vertes où se rencontrent moutons et cottages, les villes croisant les châteaux-forts et la technologie steam-punk (un rappel historique que c’est à l’Angleterre que nous devons le monde moderne) et les tours gigantesques et actuelles que l’on découvre vers la fin du jeu. Finalement, le décor est comme le jeu, au croisement entre modernité et tradition.
Seulement, il y a bien un aspect de la modernité que nous aurions apprécié moins présent. Alors, disclaimer : nous avons adoré le traitement des personnages et le voyage de Nabil, notre rival, et son traitement est limite touchant… Enfin, il l’aurait été un peu plus si ce charmant condensé de tutoriels ne nous suivait pas partout (ou plutôt « précédait ») pour nous indiquer le chemin. Oui parce qu’il va être autour de vous du début à la fin à vous indiquer où aller, comme si la map (disponible dans le menu) ne vous indiquait pas le chemin et avec un petit drapeau et des notes scénaristiques… L’aventure d’un Pokémon est déjà assez linéaire et dirigiste alors permettez-nous de nous perdre, bon sang !
Enfin, quitte à parler de se perdre, forcément, il est de temps de parler des Terres Sauvages. Cette zone de la carte est LA zone qui a fait rêver les fans de Pokémon devant les trailers. Il s’agit d’une zone ouverte et propre à l’exploration et qui s’ouvre toujours plus à mesure que vous débloquez des badges et des talents. Sur ces routes sujettes aux bouleversements climatiques, la faune, qui apparaît à l’écran d’ailleurs (oui, comme dans Pokémon Let’s Go!), changera en fonction des aléas du temps, ouvrant de nouvelles possibilités de créatures, de rencontres et de découvertes.
Ainsi, si une tempête de sable ravage les touffes d’herbe dans un coin de la map, préparez-vous à croiser des types Roche, Feu ou Sol arpentant les routes par exemple. Certaines zones de la map sous certaines conditions (temps, heure…) feront même apparaître des créatures plus rares, de quoi vous inviter à revenir plus tard (ou à changer la date sur votre console…).
La théorie de l’évolution
Forcément, on attaque ici le gros de la série et par conséquent ce qui a fait grincer les dents à de nombreux fans : les combats. Pokémon Épée et Bouclier sont bien les descendants directs de la série. On y retrouve tout (ou presque) ce qui fait le sel de cette licence sur ses 23+ années d’expériences. Bien entendu, avant de vous battre, il vous faut vous construire vos équipes et le choix à Galar est décemment varié. Effectivement, si le Pokédex ne comprend que 400 créatures, les limitations vous forcent à sortir de votre zone de confort et à planifier de nouvelles stratégies. D’autant que, vu que certaines créatures connues disposent de « nouvelles couleurs » ou même des évolutions inédites, Pokémon Épée et Bouclier en demeurent forcément plus agréables, de sorte qu’ils vous forcent par moment à changer de partenaires en court de jeu (même si ce n’est pas à cause du challenge).
Parce que Pokémon Épée et Bouclier sont en fait des jeux très simples. Les combats contre les dresseurs ne présentent que peu de difficulté et seules les créatures évoluées arpentant les Terres Sauvages et ayant bien 10 niveaux de plus que vous opposeront du challenge à votre équipe. Cependant, il est possible de s’offrir des limitations face aux champions d’arène qui n’hésiteront pas eux à utiliser la grosse feature de ce jeu : les formes Dynamax/Gigamax.
Largement abordées dans les trailers commerciaux, ces formes sont en fait bien plus gimmicks qu’importantes même malgré leur place dans le scénario. Il s’agit en fait de formes géantes de nos créatures, leur octroyant plus de points de vie et modifiant leurs capacités (les formes Gigamax sont un peu plus puissantes mais ça reste bénin). Curieusement, elles marchent relativement bien et apportent une plus-value considérable aux combats. Effectivement, associé avec le fait que les champions n’hésitent plus à parler, il en résulte des combats mémorables et ce n’est pas la musique au taquet et la foule en délire qui va nous contredire !
Enfin, bien entendu, il reste également les petits à-côté qui permettront aux joueurs de rester investis une fois l’histoire bouclée. Si on pensera forcément à remplir le Pokédex (ce qui ne devrait pas prendre trop de temps d’autant que pour la première fois depuis longtemps, de nouveaux Pokémon n’apparaissent pas à la suite de votre victoire…), un certain nombre de possibilités sont offertes aux fans en manque d’action. La tour de combat fait partie de ces options et constitue à tremplin intéressant pour découvrir la stratégie et tester votre équipe face aux aléas de l’aléatoire, vous pouvez aussi participer à des combats en ligne ou à des tournois ou simplement prendre part à des combats de raid.
Cette dernière option vous invite à combattre des créatures dynamaxées/gigamaxées avec des alliés (humains ou CPU) avec seulement 1 Pokémon. Si le combat est mené à terme, une chance vous est offerte de capturer le monstre, ces derniers ayant souvent des valeurs individuelles plus intéressantes que ceux croisés au gré des vents.
« Garçon ! Il y a une mouche dans mon thé ! »
Enfin, forcément, si notre test pour le moment se montre sympathique envers les nouvelles cartouches, elles ne manquent pas de défauts, certains étant plutôt navrants pour un jeu sorti en 2019. Si nous savons depuis un moment que le jeu ne brillerait pas sur le plan de la technique, c’est d’autant plus vrai une fois le jeu en main. Au-delà de l’absence d’animations dignes de ce nom (ne parlons même pas de capacités type « Double Pied » ou « Combo Griffe » absolument ridicule) ou même des modèles piqués aux versions 3DS, on évoquera plutôt le rendu et plus particulièrement dans les Terres Sauvages.
Que vous jouiez avec ou sans la connexion en marche (mais plus particulièrement quand votre console est connectée), Pokémon Épée et Bouclier souffrent de graves défauts visuels. Les textures bavent ou apparaissent brutalement, les personnages et les Pokémon en font de même, vos déplacements rament et le tout dans un aliasing qui ferait presque pitié à la PlayStation 2… Franchement navrant…
Puis bon, nous avions déjà eu de telles expériences sur 3DS mais alors, quitte à rendre l’interface plus agréable en laissant le joueur bidouiller le jeu dans les paramètres et quitte à employer le best-of des fonctionnalités des Pokémon 3DS et de Let’s Go!, pourquoi ne pas avoir gardé le GTS par exemple ? Pour rappel, le GTS est l’option d’échange introduite avec la 5ème génération. Elle consiste en une plateforme sur laquelle rechercher des Pokémon au travers d’un catalogue ou simplement de déposer les siens en réclamant des créatures spécifiques.
Maintenant, on est contraint de chercher les joueurs, à fouiller les forums à la recherche de partenaires d’échange, la faute à une absence totale de possibilité de communication, ce qui est une erreur d’autant plus grave que nous sommes à l’ère d’internet. Alors entre ça et prier pour obtenir ce qu’on veut avec l’option Échange Magique… Laissez-nous rire !
Et ne parlons même pas de la gestion des boîtes toujours inexistante. Bien entendu, s’il est désormais possible d’accéder aux PC depuis n’importe où (alléluia !), rien ne nous permet de gérer les boîtes de manière fluide ou de relâcher plusieurs bestioles inutiles à la fois, une véritable perte de temps pour tout les fans de stratégie ou de Pokémon shiny et qui passent leurs temps à couver des œufs à bicyclette. Nous savons que cette petite parenthèse ne concerne pas tout le monde mais elle devait être évoquée.
Pokémon Épée et Bouclier sont loin d’être le désastre qu’ils laissaient entrevoir. Paradoxalement, ils sont à la fois les épisodes les plus solides de la série, dressés tel un bouclier de tradition, tout en tranchant avec la rigidité d’antan, apportant du fait de la souplesse à une franchise parfois trop rigide. Toujours plus paradoxal, leur déroulement est bien plus rythmé que les épisodes précédents (même sans parler du tourbillon final d’événements qui met fin à la trame principale) mais également bien plus contemplatif, permettant à tout moment d’arrêter la marche folle du scénario pour de la chasse dans les Terres Sauvages, voire à des moments plus intimes aux côtés de votre équipe dans le campement.
Même s’ils nous ont blessé et blesseront probablement d’autres joueurs avec l’absence de nombreuses créatures que nous avons appris à aimer en plus de 20 ans, ces épisodes sont de belles bouffées d’air frais et d’aventure qui n’ont au final qu’un défaut majeur, celui d’avoir le cul entre 2 chaises, une chaise représentant la modernité et ce que Pokémon pourrait devenir, et une autre représentant les traditions et ce que la franchise a du mal à quitter. En bref, si nous devions comparer ces titres à un autre jeu, ce serait Monster Hunter World : du déjà-vu, quelques prouesses, de la souplesse mais moins de monstres… Enfin, à ça de près que MHW, lui, il prend des mises à jour de contenu…