Que se passe-t-il quand un studio spécialisé dans les jeux familiaux se lance dans le développement d’une production plus sérieuse et surtout beaucoup plus sombre ? Eh bien cela donne A Plague Tale: Innocence, un des jeux les plus attendus de ce début d’année. Jusqu’alors connu pour sa très bonne adaptation de Wall-E ou encore de Ratatouille, Asobo Studio a surpris tout le monde en 2017 lors de l’annonce de son jeu qui était alors connu sous le nom The Plague.
Le studio français a alors montré tout son savoir-faire au travers d’images et de trailers présentant les qualités supposées de leur futur jeu. L’effet ne s’est pas fait attendre et la curiosité des intéressés autour du jeu n’a fait que croître. Face à un tel engouement, l’intérêt porté au jeu est-il justifié ? Ce dernier est-il le chef-d’œuvre tant attendu ou au contraire une déception qu’il ne reste plus qu’à jeter aux oubliettes ?
Les rats sont à nos portes !
Commençons tout d’abord par nous intéresser au scénario de A Plague Tale: Innocence. L’histoire se déroule en l’an de grâce 1348 dans le royaume de France. Alors que le pays est en plein cœur de la guerre de Cent Ans, un mal étrange et mortel commence à frapper la population. Loin des tracas de la populace, le joueur contrôle la jeune Amicia de Rune, fille d’un comte d’Aquitaine, Robert de Rune.
Âgée de 14 ans, l’adolescente est l’aînée d’un petit frère nommé Hugo, lui-même âgé de 5 ans. Malgré leur lien de sang, la relation entre les deux protagonistes n’est pas très développée puisque le jeune frère est atteint d’un mystérieux mal qui l’oblige à être veillé nuit et jour par sa mère.
La vie de nos deux jeunes nobliaux prend un tournant tragique lorsqu’au retour d’une chasse à la finalité inquiétante, Amicia découvre que l’inquisition en a après la vie de son jeune frère. L’adolescente est alors obligée de fuir avec son ce dernier tandis que l’inquisition massacre toutes les personnes liées à son ancienne vie. Les deux orphelins vont alors devoir essayer de découvrir les raisons qui poussent le seigneur Nicholas et ses troupes à les poursuivre, tout en essayant de survivre aux hordes de rats qui déferlent sur le pays et qui dévorent tous les êtres vivants à leur portée.
Le scénario de A Plague Tale: Innocence arrive très rapidement à montrer tout son potentiel. Le joueur est très vite happé par une histoire prenante et aux multiples questions qu’elle soulève. Pourquoi Hugo est-il traqué ? D’où viennent ces horribles rats ? Quel est l’objectif de l’inquisition ? Autant d’interrogations qui vont pousser les joueurs à continuer l’aventure.
Si de prime abord le scénario peut sembler quelque peu simpliste, ce dernier se révèle au final plus complexe qu’il n’y paraît sans pour autant être difficile à comprendre. On ne peut donc qu’applaudir la qualité d’écriture et la plume derrière celle-ci.
Il en va de même pour l’univers enrobant ce récit épique et sombre. Il est toujours difficile dans un jeu de mélanger les genres tout en gardant le gardant cohérent. A Plague Tale: Innocence a su parfaitement réussir cet exercice. Amicia peut se balader dans une forêt à la beauté naturelle et l’instant d’après sur un champ bataille où règnent la mort et la désolation, sans que cela choque outre mesure. Cet effet est en partie dû à un level design poussé, mis en avant par de très bons graphismes et des musiques somptueuses.
En ce qui concerne les personnages, tout comme pour l’histoire, ils nous ont agréablement surpris. Amicia et Hugo semblent avoir fait l’objet d’un traitement particulier puisqu’ils sont tous deux très bien développés. Le point fort de ces personnages étant que leurs personnalités ne sont pas lisses, ils sont sujets à des variations de comportement, ce qui les rend tout simplement humains.
Mention spéciale à Hugo qui retranscrit à merveille la personnalité d’un enfant de cinq ans, tantôt adorable, tantôt agaçant, comme quand ce dernier se décide à aller jouer à cache-cache pendant que l’Inquisition vous pourchasse.
On regrette seulement que les autres protagonistes n’aient pas été traités de la même façon. Bien que leur écriture reste plus que convenable, elle tombe plus facilement dans les clichés. Cela n’empêche pourtant pas d’apprécier les personnages ou au contraire de les détester. Vous l’aurez compris, si nous devons reprocher quelque chose à A Plague Tale: Innocence ce n’est certainement pas sur sa forme. Mais qu’en est-il de son fond ?
Vous êtes faits comme des rats
Rentrons maintenant dans le vif du sujet en nous intéressant à ce que vaut le jeu une fois la manette en main. S’il est sincèrement difficile d’émettre des critiques sur son scénario, A Plague Tale: Innocence n’est pas exempt de défauts en ce qui concerne son gameplay. Il se présente sous la forme d’un jeu d’infiltration parsemé d’énigmes et son fond de jeu reste principalement le même, quels que soient les chapitres : se frayer un chemin entre les gardes et/ou les rats. Les phases d’action et d’affrontement ne sont bien entendu pas absentes durant l’aventure, mais le titre reste avant tout basé sur la réflexion.
Une grande partie du gameplay va se jouer autour d’Amicia et de l’utilisation de sa fronde. Cette dernière va nous permettre de nous dégager des chemins, d’attirer l’attention de nos ennemis et le cas échéant à défendre notre vie si nous y sommes obligés. Chose intéressante, il est possible dans de nombreuses situations de choisir quelle approche on veut adopter afin de contourner certains obstacles.
Chaque zone propose ainsi plusieurs solutions, vous pouvez par exemple choisir d’attirer l’attention d’un ennemi en frappant sur un tas d’armures ou au contraire lui envoyer une puissante pierre sur le haut du crâne qui l’enverra dormir pour un très long moment.
C’est alors à vous de choisir l’approche qui vous convient le mieux, attention tout de même, la solution du passage en force est rarement la plus efficace. En effet, n’oublions pas qu’Amicia et Hugo sont encore des enfants et ils en ont donc les capacités. En cas de poursuite, n’espérez pas vous échapper longtemps, car les gardes courent plus vite que vous. Pareil pour le corps à corps, Amicia n’a aucun moyen de défense au début du jeu et si un garde la saisit, un seul coup suffira à mettre fin à votre aventure. Il vaut donc mieux privilégier la discrétion.
De plus, Hugo représente volontairement un handicap dans les moments de tension. Ce dernier ne peut pas se débrouiller tout seul, il va donc falloir l’aider à passer les obstacles ou veiller à ne pas le laisser esseulé trop longtemps au risque qu’il panique et ameute les gardes par ses cris. Il peut malgré tout être utile puisqu’il peut passer dans des passages inaccessibles à notre aventurière. Vos compagnons d’infortune ont d’ailleurs tous des actions spécifiques qui leur sont propres. Les rats représentent quant à eux une source de danger bien plus grande.
Ces hordes grouillantes de créatures ne se sentent absolument pas menacées par votre fronde, la lumière représente l’unique arme vous permettant de survivre si vous êtes encerclé. A Plague Tale: Innocence va d’ailleurs redoubler d’ingéniosité pour trouver de nouveaux moyens de créer de la lumière, tels que des miroirs ou encore des chariots enflammés. Les phases avec les rats représentent la principale source de tension du jeu, car elles ne laissent pas la place à l’erreur. Il n’est en effet pas rare que l’on vous oblige à traverser une zone infestée de rats avec une torche de fortune qui a la particularité de s’éteindre très rapidement.
Ces moments de tension participent à rendre le gameplay intense, et les combats apportent la touche d’action nécessaire pour rythmer l’aventure. Un point vient par contre noircir le tableau, l’intelligence artificielle des ennemis. Comme pour beaucoup de jeux, l’IA n’est pas au point et cela se ressent encore plus dans ce monde semi-ouvert.
Tantôt complètement aveugles, tantôt omniscients, les gardes passent du ridicule à l’agaçant en un rien de temps. Si on apprécie le fait qu’ils réagissent aux bruits, notamment lorsque l’on court, il est par contre dérangeant d’en voir un perdre notre trace après avoir fait 5 fois le tour du tonneau en face de lui.
Dans l’ensemble l’expérience qui découle du gameplay reste agréable et efficace. Les défauts mis en avant n’entachent pas réellement la qualité globale du soft. De plus, l’environnement, l’ambiance, ainsi que les objectifs, minimiseront leur portée. Malgré tout, sur les 20 heures nécessaires à la conclusion de l’histoire, une certaine redondance finit par s’installer dans le gameplay, et le challenge, bien que convenable, ne suffit pas à nous faire oublier que nous faisons souvent la même chose.
Les vermines n’ont qu’à bien se tenir
Les phases de discrétion et de combat ne représentent évidemment pas la totalité du gameplay. L’exploration tient aussi une place importante dans l’aventure de A Plague Tale: Innocence, notamment la recherche de ressource. La fronde est un élément vital, mais son utilisation n’est pas illimitée. Il est donc important de fouiller minutieusement les zones afin d’obtenir des munitions. Heureusement, les pierres ne sont pas rare et sur plusieurs parties, nous ne sommes jamais tombés à court de ces précieuses munitions naturelles.
Aussi, afin de pouvoir fuir l’inquisition et les rats, Amicia va s’intéresser à l’alchimie très tôt dans l’aventure. Cela lui permet alors de crafter diverses décoctions aux effets plus ou moins dévastateurs. La substance Infernius par exemple lui permet d’enflammer à distance une source de chaleur récemment éteinte. L’exploration est donc nécessaire afin de récupérer les diverses ressources alchimiques.
Pareil pour votre équipement qui va pouvoir être amélioré sur des ateliers à l’aide de matériaux comme du cuir ou de la ficelle. Chaque amélioration offre alors de nouvelles compétences ou améliorations pour Amicia. Attention toutefois à économiser vos ressources qui, à la différence des pierres, s’utilisent rapidement, mais ne se trouvent pas aussi facilement. Employer trop souvent certaines potions, notamment celles qui vous permettent de survivre à une attaque, vous condamne à ne pas pouvoir améliorer complètement votre équipement par manque de ressources.
De plus, chaque chapitre contient plusieurs collectibles cachés que les plus curieux d’entre vous pourront s’amuser à chercher. Si ces objets peuvent donner l’impression d’être là pour le remplissage, il n’en est rien. Chaque objet collecté est l’occasion pour le joueur d’en apprendre un peu plus sur la société médiévale du XVe siècle. Une intention qui reste louable malgré son aspect facultatif.
À bien des égards les phases d’exploration de A Plague Tale: Innocence ne peuvent pas être considérées comme un simple simulateur de randonnée, mais leur intérêt reste limité. Tout comme le craft et l’amélioration d’équipement, ces parties du gameplay restent au final assez classiques et un sentiment de déjà-vu peut se faire sentir à certains moments.
A Plague Tale: Innocence tient sans aucun mal ses promesses. L’histoire et l’univers restent les points forts du jeu, qui devrait combler les amoureux de folle épopée. Son gameplay est quant à lui plus qu’acceptable malgré quelques défauts, les phases de discrétion et de réflexion restent maîtrisées et même si l’IA fait tache, le plaisir de jeu est présent. A Plague Tale: Innocence est donc une perle qu’il convient de découvrir et que nous vous recommandons chaudement d’essayer.