Après un Stories Untold aussi réussi qu’original, le petit studio écossais No Code nous revient avec un jeu ambitieux et intrigant répondant au doux nom d’Observation. Une sorte de thriller de science-fiction aux allures de 2001, L’Odyssée de L’Espace, quasiment tout rappelant le chef d’oeuvre du maître Stanley Kubrick. Mais ce serait réducteur que de réduire le jeu de No Code à cette simple comparaison, car il offre bien plus et part sur un tout autre chemin.
Édité par Devolver Digital, ce thriller a la particularité de ne pas nous faire incarner un personnage humain, mais bien une IA qui régit une station spatiale et obéit à son équipage. Un parti pris intéressant qui, on l’espère, se montrera à la hauteur durant tout le jeu et ne sera pas là que pour faire beau. Alors pari réussi pour No Code et Observation ?
Jamais sans mon SAM
Observation se déroule dans la station spatiale internationale du même nom en 2046. Alors en orbite terrestre, un accident inexpliqué se produit, voyant une partie de la station détruite, des pannes s’installer dans tous les secteurs ou quasiment, ainsi que la disparition d’une bonne partie de l’équipage. Composé d’astronautes américains, russes ou encore chinois, seule la docteur Emma Fisher semble avoir survécu, alors que des événements étranges se font de plus en plus présents sur la station.
On y incarne SAM pour Systems Administration & Maintenance, une IA qui gère Observation et qui va devoir tout faire pour aider notre jeune femme à la dérive dans sa mission de survie. Là où No Code réussit son coup, c’est que l’on parvient à s’attacher au destin d’Emma au travers du regard de SAM. Une sorte de relation s’installe avec cette survivante éprouvée par les épreuves, mais qui ne se laisse pas abattre pour autant. On admire son courage et sa détermination, là où SAM n’est finalement qu’une machine dont le sort nous importe peu, du moins au début.
SAM, un ami qui vous veut du bien
S’inspirant ouvertement de diverses œuvres de science-fiction, Observation n’en reste pas moins original, possédant sa propre identité, ainsi qu’une dramaturgie et des articulations narratives propres. Alors oui, Alien, Gravity, Moon, Rencontre du Troisième Type, Europa Report et surtout 2001, l’Odyssée de l’espace sont forcément des échos très présents en jeu.
Là où le jeu étonne, c’est qu’il parvient à ne pas s’égarer dans cet amoncellement d’œuvres témoins et tire son épingle en proposant une narration basée sur les deux protagonistes principaux et l’évolution de leur relation. Ainsi, on se surprend à percevoir quelques bribes de sentiments émaner de SAM, là où Emma semble aussi parfois s’inquiéter de son sort. On est loin du traitement très juste de HAL 9000 dans le film de Kubrick, le jeu n’allant pas aussi loin dans la psychologie de l’IA, mais on en est proche.
Le reste du scénario est dans la même tonalité. Observation étant un thriller avant d’être une oeuvre métaphysique, les questions les plus simples se posent quant à ce qui a mené nos deux naufragés spatiaux dans cette situation. Franchement surprenante, l’intrigue est menée d’une main de maître, le rythme est très bon et les différents twists bien sentis, même si la dernière partie du jeu et les grosses révélations perdent en simplicités et deviennent parfois un peu grotesques.
Néanmoins, tout le côté surnaturel est bien amené et ne détonne pas dans l’histoire, parvenant a devenir petit à petit le moteur de l’intrigue globale du jeu. Il ne devient à aucun moment un poids dans le déroulé des événements et parvient même à relancer la machine lorsque celle-ci commence à ronronner.
L’écriture est, comme on pouvait l’attendre avec No Code, l’une des forces du jeu, alors que la bande originale et l’ambiance si particulière oscillant entre le calme froid et implacable de l’espace et des situations d’urgences tendues sont particulièrement remarquables. Un excellent travail a aussi été effectué par les doubleurs pour donner corps au récit, en particulier ceux d’Emma et de SAM.
Alien : l’odyssée de Gravity
Artistiquement, Observation nous offre une partition solide en nous présentant une station spatiale des plus réalistes. Cela se voit que les développeurs ont bien potassé leur sujet et que toute la direction artistique en a bénéficié. Le jeu affiche des décors fouillés et crédibles nous installant instantanément dans une atmosphère de laquelle il est difficile de s’extirper. Une légère ambiance horreur s’installe même parfois, les couloirs étriqués du lieu se montrant assez anxiogènes et instillant un certain malaise grâce au silence qui y règne.
Là encore, on voit quelques inspirations surgir, notamment en ce qui concerne Alien dans la gestion des espaces confinés, No Code jouant avec l’image de la caméra, les sons et les lumières pour instiller la peur. Observation est ainsi parfois assez angoissant, voire effrayant par moment, s’appuyant sur la sensation d’isolement et de solitude de manière remarquable. Une autre influence provient de Gravity pour ce qui est des sorties extravéhiculaires. Durant ces dernières, la sensation de flotter dans un vide insondable est intense. On se rend alors compte de ce qu’est de se déplacer en gravité zéro sans attache et sans nos sens pour nous guider, c’est assez déstabilisant.
Chose que l’on retrouve aussi lors de notre exploration à l’intérieur d’Observation. Ce qu’il faut savoir c’est que très vite on se retrouve à pouvoir se déplacer à l’aide d’une sphère, on peut alors naviguer via de petites poussées d’O2 dans la station et donc en dehors aussi. La perte de repère spatial est alors aussi bien gérée en intérieur qu’en extérieur, on est bien souvent la tête en bas et a ne plus savoir distinguer le sol du plafond, si tant est qu’il soit une différence tant l’agencement semble fait uniquement pour y vivre en gravité zéro.
Créé pour servir
Mais si Observation réussit à convaincre pleinement sur sa direction artistique, son scénario et ses élans narratifs, le gameplay se doit lui aussi de convaincre et d’être en adéquation avec le reste. Et de ce côté-là, on reste un peu sur notre faim.
Pendant la majeure partie du temps, on doit obéir aux ordres d’Emma et ne jouer que la stupide IA exécutant bêtement les directives humaines. SAM ouvre cette porte, SAM remet en place tel système, SAM va voir par là-bas ou par ici, on se croirait presque réellement dans les circuits de HAL dans 2001, l’Odyssée de l’espace.
On a donc deux modes de navigation disponibles dans la station, en se déplaçant via les différentes caméras en place en s’aidant d’une carte pour naviguer, et plus aisément ou lorsque cela est possible via la fameuse sphère. On peut alors interagir avec divers objets dans Observation permettant de répondre aux demandes d’Emma ou tout simplement de débloquer la suite de l’histoire.
C’est là clairement une volonté de la part des développeurs et même si quelques passages nous offrent la possibilité de nous déplacer librement, histoire de récupérer quelques documents cachés nous en apprenant plus sur le background, on est le plus souvent sur une ligne droite à suivre un rail narratif invisible.
Cela est aussi pertinent que frustrant. Pertinent dans le sens ou c’est parfaitement raccord avec le fait que l’on joue une IA et aussi pour imposer un rythme assez solide au déroulé de l’histoire. Le problème c’est que parfois on aimerait aussi avoir notre propre libre arbitre et si cela arrive ponctuellement, le rail que l’on suit peut ennuyer et s’avérer contraignant à certains moments, surtout qu’il y aussi quelques problèmes liés à la progression.
Observation plus que réflexion
En effet, la progression s’effectue par étape avec la découverte de nouvelles parties de la station, de la remise en place de systèmes vitaux, on en passe et des meilleurs. Tout ceci s’effectue en actionnant la plupart du temps des boutons ou en résolvant des puzzles variés, mais d’un niveau très faible en termes de réflexion.
Le souci, hormis le fait que les mini-games ou les puzzles sont d’une facilité déconcertante et donc sans intérêt, c’est que ce qui nous est demandé manque souvent de clarté. Et c’est très paradoxal, car alors que l’on doit suivre un fil conducteur strict pour évoluer dans le jeu, on se retrouve la plupart du temps à errer dans les quelques salles de la station accessibles à la recherche de notre objectif.
On a bien la possibilité de demander à Emma de répéter, mais même ainsi rien n’est fait pour nous aiguiller plus, la jeune femme se contentant de nous repasser son texte en boucle. Alors oui, une fois certains concepts assimilés, nous n’avons pas forcément été freinés plus que cela, hormis à la toute fin, mais il y a clairement un manque d’informations transmises au joueur.
En outre, si on incarne une IA quasiment omnisciente, elle est incapable de savoir où se situe telle ou telle chose et de l’indiquer sur la map, alors qu’elle est censée tout connaitre d’Observation. Sans cela, l’upgrade de notre IA, avec l’ajout de nouvelles fonctions pour SAM et d’options pour résoudre les problèmes qui se posent, apporte continuellement un réel regain de vitalité au gameplay.
Finalement, notre expérience en tant que SAM, une IA et non un personnage humain fut plutôt bonne, même si parfois on peine à voir ce qui aurait été différent si l’on dirigeait un des membres de l’équipage. La lumière vient alors du scénario et de la narration, vivre les événements du point de vue de cette intelligence artificielle et pouvoir ainsi comprendre son évolution est le plus qu’amène l’incarnation de cette dernière.
L’organisme imparfait
Par ailleurs, on a aussi rencontré quelques problèmes liés à la réalisation technique. Car si Observation est beau, ne peinant que sur les animations des personnages humains, surtout au niveau des visages, on a aussi noté deux trois bugs bloquant notre progression, comme un script qui ne s’enclenche pas, ce qui nous a poussé à recharger notre partie. Il arrive aussi que les personnages se téléportent assez bizarrement d’un point à un autre lorsqu’ils naviguent dans la station ou que l’on se retrouve bloqué par un élément du décor. Quelques petits soucis qui nous sortent de l’ambiance terriblement efficace du jeu.
Cela manque aussi cruellement de challenge. Même lorsque le jeu nous place sous pression, elle n’est qu’artificielle et on nous laisse le temps de faire à notre rythme. Aussi, la durée de vie est assez faible, il faut environ six heures, mais pas plus de sept pour venir à bout du titre. Ceci est à mettre en parallèle avec une fin un peu rushée pour nous et qui aurait mérité un peu plus d’approfondissement.
Enfin, on regrette justement qu’Observation soit aussi ferme dans son déroulé. On aurait aimé avoir le choix de certains de nos actes, cela aurait servi le récit et surtout mis bien plus en avant tout le côté lié au fait de savoir si une IA peut avoir une conscience ou non et si elle peut se détacher des règles qui l’emprisonne.
Observation est une réelle bonne surprise. No Code est très clairement un studio à fort potentiel et après un Stories Untold des plus réjouissants, il parvient à nous proposer un jeu encore plus ambitieux et au concept original. Porté par une réalisation de choix et des influences justement utilisées, le titre est un véritable hommage à la science-fiction, voire à la hard fiction, même si c’est plus discutable, car restant bien plus abordable. Finalement, on arrive très bien à faire fi des défauts du titre et se plonger tête la première dans cette épopée spatiale si singulière.
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