Un étrange objet identifié, sorte de film interactif horrifique, est arrivé sur notre bureau au-dessus duquel est fixé un poster de soucoupe volante parlant d’une vérité qui se trouverait ailleurs, on ne sait trop où. Cependant, en ce qui concerne Night Book, la vérité est bien ici et risque fort de ne pas plaire à tout le monde.
Film interactif développé par Good Gate Media sous le giron de Wales Interactive (The Complex, Maid of Skier, Five Dates), Night Book entend nous raconter une histoire qui fait peur comme celle que l’on se raconte au coin du feu entre amis lors de chaudes soirées d’été. Sauf qu’ici, l’histoire prend une tournure probablement non voulue par ses conteurs puisque très vite, elle devient plus ridicule qu’effrayante.
Et pourtant, tout commençait bien. Nous étions heureux de retrouver une actrice telle que Julie Dray (Avenue 5, Base, Crashing) et quelques visages connus des petits et grands écrans, comme un certain Colin Salmon (saga Resident Evil, Krypton, No Offence) ou encore l’acteur britannique Mark Wingett qui a notamment joué dans le classique Quadrophenia (1979) de Franc Roddam.
Un joli casting, en somme, qui aurait pu servir à merveille le récit. Malheureusement, ni l’écriture ni le jeu de certains ne suivent. On tombe très vite dans le cliché du film d’horreur bas de gamme qui n’a rien d’autre à offrir qu’un concept, déjà vu, dans lequel on se retrouve comme prisonnier par le non-jeu et l’attentisme.
(Test de Night Book réalisée à partir d’une version PC fournie par l’éditeur)
Réalisation et scénario, voici les principaux atouts sur lesquels un film interactif se doit de jouer, car quand le joueur est plus spectateur qu’acteur, il faut que l’œuvre que l’on visionne captive et entraîne rapidement dans son univers. Sans cela, il sera très difficile d’y trouver un quelconque intérêt tant la notion même de gameplay est « abstraite » dans ce genre de jeu.
Night Book, tourné en période de confinement, est un jeu en FMV reprenant le concept du « computer screen », qui nous place derrière un écran de PC virtuel via lequel on peut voir ce qui y est affiché en temps réel. Des films comme Unfriend ou encore plus récemment Host ont tenté de démocratiser ce concept plus ou moins propice à l’horreur. Sans être un found footage au sens strict du terme, ce procédé de réalisation s’en rapproche énormément, mais se montre plus statique et moins nerveux, tout en pouvant se montrer réellement terrifiant lorsque bien utilisé.
Nous voilà donc devenus l’écran de PC d’une jeune femme du nom de Loralyn qui travaille à domicile en tant qu’interprète, puisqu’elle propose ses services en direct sur internet en passant par une agence. Ce soir-là, deux jobs lui sont proposés, et peu importe celui que l’on choisit, elle va réveiller une ancienne malédiction païenne en lisant un passage d’un livre maudit. De dangereuses forces vont alors se réveiller, venir hanter son appartement et si elle ne joue pas le jeu, ses proches pourraient en pâtir.
Night Trap is in the Book
On ne va pas spoiler plus que nécessaire l’intrigue de Night Book, puisqu’en elle réside quasiment tout l’intérêt du « jeu ». Sachez juste que Loralyn est plus liée qu’il n’y paraît aux démons qui l’attaquent et que le scénario est plutôt bon, sans être à tomber par terre, et fait office de bonne série B du samedi soir. On n’y trouve rien d’inédit, de novateur et d’original, mais cette histoire horrifique sur fond d’écologie est plaisante à suivre, mais malheureusement, la mise en scène ou encore l’acting rendent la chose assez insipide, parfois même grotesque.
Si on excepte Julie Dray qui ne s’en sort pas trop mal, le reste du casting est dans le surjeu, mention spéciale au père de Loralyn et à la dame au chapeau (vous verrez par vous-même), donnant l’impression qu’ils ont récupéré un chèque facile sans trop se fouler. Côté mise en scène, ce n’est pas mieux d’ailleurs, puisque rien n’est inspiré, tout est téléphoné, statique, mal foutu parfois, comme ces effets cheapos à l’écran qui apparaissent pour tenter de nous faire peur, et quelques faux raccords qui s’invitent à la fête.
Il y a bien quelques tentatives pour dynamiser le tout, comme l’utilisation du système de surveillance pour nous montrer d’autres pièces, ou encore une séquence que l’on vit au travers d’un écran de téléphone, mais malheureusement, l’ennui ne tarde pas à pointer le bout de son nez. Le gameplay est quant à lui réduit à son strict minimum et ne se résume qu’à devoir faire des choix. Choix qui influent sur le déroulé et sur les informations que l’on récolte sur la malédiction, ce qui est un bon point, car offrant au titre une vraie rejouabilité pour le coup, d’autant plus que plusieurs fins sont au rendez-vous.
Ce parti pris du non-jeu qui s’inscrit dans la plus pure tradition de ce que nous offre Wales Interactive depuis des lustres, mais aussi dans ce qu’est le genre du film interactif, ne nous aurait pas dérangés outre mesure si Night Book se montrait plus ambitieux esthétiquement et narrativement. Il manque un élan certain à la mise en scène, et si une montée en pression est bel est bien présente, elle n’a lieu que sur les dix dernières minutes. En d’autres termes, on est sans arrêt dans l’attente que quelque chose se produise et quand c’est le cas, cela n’en valait vraiment pas le coup.
L’écriture est elle aussi franchement en dessous de ce à quoi l’on s’attendait, car si cette histoire d’esprits qui protègent la nature est plutôt bien vue et amenée, elle est plombée par des dialogues et des acteurs à la ramasse. En témoignent des personnages très caricaturaux d’un mauvais goût certain qui auraient leur place dans les plus mauvais films de genre. On frôle souvent le fou rire alors que le but recherché est tout autre.
Night Book est donc un film interactif à l’interactivité réduite au minimum, au postulat intéressant, mais à l’exécution tenant malheureusement plus du nanar fauché que du petit film horrifique indépendant qui casse la baraque sans que l’on s’y attende, plus proche de Night Trap que de The Bunker en résumé. Dommage, il n’aura pas su nous convaincre et on est d’autant plus peiné que les intentions sont là.
Night Book aurait pu être une petite perle du huis clos horrifique. Aurait pu, oui, car la déception est à la hauteur des attentes que l’on avait placées en lui. Ce film interactif est à l’image de bon nombre de ceux que Wales Interactive nous propose habituellement, sauf qu’ici, la mayonnaise ne prend pas, la faute à une mise en scène trop molle pour être efficace, un jeu d’acteur pas toujours inspiré, une écriture assez bâclée, et ce malgré une intrigue intéressante.
Finalement, on a plus baillé que sursauté, rigolé que crié, et nous en ressortons avec l’impression d’avoir perdu notre temps. Pourtant, l’idée du huis clos angoissant en pseudo found footage est bonne, mais le gameplay se montre bien trop minimaliste pour que l’on s’implique un tant soit peu. Alors oui, on parle là d’un film interactif, mais le souci, c’est qu’en nous plaçant du point de vue d’un écran de PC, il aurait été judicieux de nous laisser la main parfois sur ce que l’on peut voir et quand, car là, c’est d’un ennui à en faire bâiller les morts.