Ce qui permet à la licence Neptunia d’être encore là et de voir passer les générations de consoles, c’est à la fois le charme sympathique des ses quatre héroïnes, et la capacité de la saga à se réinventer. Deux ingrédients que l’on retrouve dans Neptunia Virtual Stars, qui s’écarte largement du chemin du J-RPG des origines. Et pour ce nouveau titre, Compile Heart s’empare du phénomène des YouTubeuses virtuelles, ces personnages fictifs aux traits d’héroïnes d’animes qui tiennent leur propre chaîne YouTube. Si les noms réellement célèbres de certains de ces personnages ont pu aider le jeu à faire parler de lui au Japon, le phénomène n’a pas la même résonance ici, et Neptunia Virtual Stars n’aura pu compter que sur ses qualités intrinsèques pour essayer de nous convaincre. Avec succès ? C’est ce qu’on va voir…
(Test de Neptunia Virtual Stars réalisé sur PlayStation 4 via une copie du jeu fournie par l’éditeur)
La guerre des consoles
Neptunia est une série qui fête avec Neptunia Virtual Stars ses dix ans ! Le premier épisode, Hyperdimension Neptunia, est en effet sorti en 2010 sur PlayStation 3. Mix de visual novel et de J-RPG, le jeu se déroule dans une dimension parallèle, Gameindustri, où des planètes représentant les différentes consoles se font la guerre.
Neptune, Noire, Vert, et Blanc (en français dans le texte !) sont ainsi les déesses respectives des planètes Planeptune (nommée d’après un projet avorté de SEGA), Lastation, Leanbox, et Lowee, dont les noms transparents ne nécessitent pas plus d’explications. Bien entendu, les quatre déesses devront s’allier pour faire face à un péril plus grand que leur rivalité… Avec des mécaniques de J-RPG classiques, Hyperdimension Neptunia et ses suites étaient sortis du lot par un ton résolument tourné vers l’humour référencé et la parodie.
Des caractéristiques que l’on retrouve avec satisfaction dans ce nouvel épisode, Neptunia Virtual Stars, et c’est d’ailleurs l’un des gros points positifs du jeu.
Dans cette nouvelle aventure, les quatre déesses vidéoludiques vont devoir travailler de concert (et c’est le cas de le dire) avec des Vtubeuses, des « créatrices de contenus » virtuelles, c’est-à-dire des YouTubeuses en dessin animé ! Un phénomène qui n’a pas encore atteint le YT Game francophone, mais qui est déjà très populaire au Japon, en Chine ou en Corée du Sud.
Un autre monde parallèle que Gameindustri est en danger, un univers numérique dans lequel les méchants Antis sont descendus en masse pour rendre ses Contenus obsolètes. (Le jeu de Compile Heart étant toujours très méta, Anti est aussi de l’argot japonais désignant un troll, ou un hater). La déesse de ce monde a fait appel aux cœurs purs de différents plans dimensionnels pour lui venir en aide face à ce problème très Tron-esque. C’est en répondant un peu malgré elles que les déesses numériques et les streameuses animées vont se retrouver engagées dans la même aventure.
On fera ainsi équipe avec MEWTRAL, un duo composé de Me et You (des patronymes qui promettent des dialogues savoureux !) , YouTubeuses stars dans leur propre monde. Si ce duo a été créé pour le jeu, tout au long de l’aventure, on croisera des « véritables » YouTubeuses virtuelles, qui viendront aussi animer les écrans de chargement. Malheureusement, tout le côté guest stars, invitées de luxe, nous passera un peu au-dessus de la tête à nous, Français, peu familiarisés avec le format.
Du neuf avec du vieux
En dix ans, la série Neptunia est passée par différentes expérimentations en termes de gameplay. Du J-RPG des origines, la licence a donné tour à tour un jeu de gestion de carrière (Producing Perfection), du shoot’em up (Neptunia Shooter), ou un RPG 2D (Super Neptunia RPG). Aujourd’hui, avec Neptunia Virtual Stars, Compile Heart donne dans le TPS/hack’n’slash.
C’est la première chose qui vient à l’esprit en lançant Neptunia Virtual Stars (enfin, après le plutôt long, bien que marrant, tunnel narratif) : le jeu rappelle assez fortement Fate/Extella, en moins « musô ». La faute aux décors, qui, comme Fate/Extella, semblent tout droit revenir de 2016. Alors qu’on est en pleine transition vers les machines de la nouvelle génération, la pauvreté des décors est un peu anachronique… Mais c’est aussi la progression dans les niveaux qui rappellera Fate/Extella : des enchaînements d’arènes qu’il faudra vider de leurs ennemis avant d’avancer vers la suivante…
Un extrême classicisme dans le gameplay, qui jure un peu avec le ton méta et moqueur de la série et du jeu. On peut entendre les personnages se dire que la façon dont se déroulent les événements est quand même très cliché… Tout en cédant complètement au cliché en question. Puisque les développeurs avaient conscience de la chose, et nous le crient, pourquoi donc ne sont-ils pas allés casser ce schéma trop attendu ? Étrange…
Du son et des larmes
Ce qui sauvera un peu le titre, c’est d’abord ce ton, justement. Les dialogues sont pleins d’humour, relativement bien écrits, même si peut-être trop nombreux. Les temps de chargement sont habillés d’interventions de Vtubers, là encore assez rigolotes, même si de ce côté-ci du monde, on passe largement à côté en ne connaissant pas les personnages invoqués.
Il faut noter, sur cette partie narrative, que les voix japonaises originales ont été conservées, et sous-titrées en anglais. Pas de traduction française, par contre, ce qui fera peut-être grincer quelques dents.
L’autre feature qui tire un peu le titre de la torpeur du « déjà-vu », c’est la multiplicité des éléments de gameplay : les Déesses et les VTubers, entre lesquels on pourra switcher, ne se jouent pas exactement de la même façon, et au sein de chaque pool, les personnages ont des armes différentes, qui peuvent être de mêlée ou à distance. Des coups spéciaux viennent encore marquer ces différences, des coups chargés « super-spéciaux », qu’on déclenche après avoir rempli une barre d’énergie, viennent fugacement apporter encore un autre style de gameplay, et les boss possèdent eux une composante musicale en phase avec le thème du jeu.
Pour ces derniers, ce n’est pas à Fate/Extella auquel on fera appel pour la comparaison, mais à No Straight Roads, autre TPS, qui avait un peu déçu l’été dernier. En effet, dans Neptunia Virtual Stars, un combat de boss lance une chanson, et selon le moment de la chanson, divers bonus ou malus vont venir modifier les caractéristiques de l’affrontement.
Hélas, et là encore comme dans No Straight Roads, cette composante n’aura que peu d’influence sur notre façon d’appréhender le combat. Qu’il ait un bonus ou un malus, quand le boss attaquera, on essaiera d’esquiver tout pareil. Et à notre tour, même sans bonus, on placera quelques attaques dès que l’occasion se présentera. Dommage, c’est un peu là-dessus que le jeu avait basé sa communication… Reste que les morceaux sont plutôt réussis, et on les accueillera volontiers pour accompagner notre partie, pour le peu qu’on soit un minimum sensible au son des idols de la J-pop.
Neptunia Virtual Stars n’est pas un mauvais jeu, loin de là. Avec sa bande originale acidulée, il possède même sa part de fun, qui se trouvera renforcée auprès de ceux qui sont familiers de la licence et de ses personnages, dont on retrouve à chaque fois avec beaucoup de plaisir la moue boudeuse de Noire ou la candeur de Nep-Nep ! Cependant, il est probablement sorti deux ou trois ans trop tard… Ses décors sont datés, et son système de jeu hésite entre riche et désordonné.
Ce serait probablement un meilleur jeu sur machine portable, qu’on sortirait à l’occasion de sessions courtes, ou dans les transports. Mais dans l’état, sur consoles de salon, il n’est à conseiller qu’aux joueurs qui ont une petite faiblesse pour la saga, en attendant l’arrivée prévue dans le courant de l’année de Neptunia ReVerse, nouvelle version d’Hyperdimension Neptunia Re;Birth, lui-même remake du premier Hyperdimension Neptunia…!