Depuis Blade Runner notamment, l’univers cyberpunk fascine nombre de créateurs de films, de romans, mais aussi de jeux vidéo. On pensera sans tous les nommer aux très sympathiques Shadowrun, Deus Ex ou encore à Cyberpunk 2077 que tout le monde attend avec une belle impatience. Il faut dire que l’ambiance futuriste, dystopique, souvent désespérée, brillant de mille néons pour éclairer la nuit omniprésente des villes en déroute de ce genre, a de quoi séduire. Bien entendu, les petits développeurs indé ne sont pas en reste, en témoigne le Neon City Riders qui nous intéresse aujourd’hui.
Seulement, ce n’est pas parce que le cyber plait à beaucoup d’amoureux de SF que toutes les œuvres qui le représentent sont indispensables ; certaines même sont sans intérêt en dépit de leur setting. Il est donc temps pour nous de déterminer si notre titre, émanant d’un petit studio mexicain, rend hommage à ce genre très 80s dans l’esprit en dépit de son contexte futuriste, ou s’il fait partie des titres dédiés à éviter.
(Test de Neon City Riders réalisé sur Switch à partir d’un exemplaire fourni par l’éditeur)
Démarrage difficile dans Neon City Riders
Soyons honnête, les premières minutes de prise en mains sur Neon City Riders n’avaient rien de bien engageant pour le jeu, qui flairait bon le 5/10 maxi comme sentence finale si les choses continuaient à évoluer dans le même sens. Mais avant d’y revenir, voyons un peu le background proposé. Dans une ville futuriste autrefois utopique, aujourd’hui devenue chaotique et violente suite au soulèvement des androïdes, la violence règne de toutes parts et la cité est déchirée entre quatre gangs qui se font la guerre pour la suprématie de leur quartier sur les autres.
Chaque gang est contrôlé par un boss pourvu de hordes de robots, mutants et autres humains guerriers ; et au milieu de tout ce foutoir, il y a vous. Vous, c’est Rick, un vigilante, comme on dit là-bas, une sorte de justicier portant un masque de hockey accompagné d’un vieillard qui lui sert de guide, et bien décidé à parcourir les quartiers de la ville sus-mentionnés afin d’y débusquer les quatre boss et de leur mettre une peignée histoire de réunifier la ville. Et ce au seul moyen d’une barre de fonte. Vaste programme qui, on s’en doute, ne sera absolument pas de tout repos.
Bien, une fois ceci posé, revenons-en à notre propos d’origine. En débutant l’aventure, vous aurez les yeux agressés par des lumières clignotantes à faire crever d’épilepsie une statue aveugle, et les textes en deviennent même pénibles à lire. Ensuite, vos premiers pas seront marqués d’une très grande frustration, ce pour plusieurs raisons. La première, c’est que dès le premier combat, vous vous trouverez assailli par des ennemis en nombre et dotés d’une agressivité et d’une vivacité auxquelles vous n’étiez pas du tout préparé.
À chaque tableau (oui, le jeu est divisé en tableaux) vous en prenez plein le museau tout en vous mangeant aussi les pièges divers disposés sur votre route (piques, murs écraseurs, barrières électriques…) et ça ne fait même pas 5mn que vous avez allumé la console !
La difficulté réside dans le fait que votre portée d’attaque est très réduite avec votre tuyau, alors que la plupart des ennemis ont soit des attaques à distance, soit une portée bien plus grande que la vôtre. Qui plus est, ils ne s’arrêtent pas d’attaquer quand vous les frappez. Tout ceci s’avère d’entrée de jeu bien frustrant et donnerait même envie d’arrêter. Et puis, il y a le système de sauvegarde, qui semble complètement pété à première vue. Exemple : vous entrez dans un tableau, le jeu sauvegarde automatiquement.
Or, un ennemi vous attend dès l’entrée, et comme il ne vous restait qu’un point de vie, paf, game over. Vous réapparaissez donc au même endroit… avec un point de vie ! Paf, game over… Plus qu’à tout recommencer ; on se demande à ce rythme-là comment on va pouvoir avancer…
Dernière source de frustration : ne pas savoir où aller ou comment franchir un obstacle. On est littéralement paumé dès le début, et comme on se fait matraquer de toutes parts, pas facile de réfléchir à comment se tirer d’affaire. Franchement, les 10 premières minutes de jeu vous donnent envie de tout arrêter. Mais bon, on n’est pas des chochottes, pas vrai ? Allez, on y retourne pour la trentième fois…
Never back down
Votre Humble Narrateur avait rarement vu un jeu aussi punitif et agaçant en début de partie, mais qui soit capable de devenir un véritable plaisir en s’accrochant un peu. En persistant, vous vous apercevrez que chaque ennemi a un pattern d’attaque, qui le met KO quelques secondes s’il vous rate ; vous apprendrez donc petit à petit à retenir chaque attaque pour esquiver au bon moment et en profiter pour mettre quelques coups de tuyau sans rien risquer. Dès lors, les combats commencent à devenir intéressants et vous, vous commencez à avancer. Et à vous amuser.
Et en avançant, vous trouverez quatre formes de pouvoir qui vous aideront bien au combat, et qui égaliseront un peu vos chances face aux hordes : un rush, une technique pour renvoyer les projectiles, une invincibilité temporaire et une amulette vous permettant de voir l’envers du décor afin de jouer avec le positionnement des objets marqués d’une couleur fluo. Tout ceci, c’est ce qui vous bloquait au début dans l’incompréhension, et là vous commencez vraiment à trouver le jeu fun.
Bon, manque de bol, comme souvent dans les jeux vidéo, à peine vos pouvoirs acquis à la fin de la grosse intro, un fumier de lapin apparaît et vous les confisque, vous envoyant commencer la véritable aventure avec de nouveau votre seule barre de fer…
Dès lors, vous vous retrouvez au milieu de la ville, sorte de hub d’où vous pourrez partir explorer chacun des quatre quartiers (aux thèmes habituels, avec des décharges, des lieux enneigés, des lieux ardents…). Et contrairement à l’intro, ce centre névralgique grouille de monde.
Et c’est là que Neon City Riders prend des allures de Zelda: A Link to the Past en mode cyberpunk des plus plaisants. Dans de très jolis et très détaillés décors 16-bit bourrés de néons et d’ordures diverses, vous aurez l’opportunité de parler avec tout un chacun, et certains vous confieront même une tripotée de quêtes annexes ! Un gus vous offrira même un monocle vous permettant de différencier les gens qui vous diront n’imp de ceux qui auront besoin de vous si vous n’avez pas envie de visiter tout le monde. Bien vu !
Neon City Riders, ou le jeu cyberzeldaesque (on prend le brevet)
Dès lors, beaucoup de choses vous rappelleront les premières aventures de Link, que ce soient les différents niveaux avec un boss à déglinguer à la fin pour récupérer vos attributs, le maniement du personnage, les énigmes de terrain à résoudre pour progresser, et même les herbes à trancher pour récupérer de l’or. En parlant d’or, sachez qu’il vous servira uniquement à acheter de la nourriture dans les divers points de vente de la ville, et croyez bien que vous allez en avoir besoin, car elle vous permet de récupérer votre énergie en cas de mort imminente.
Car le jeu est loin d’être facile. Chaque nouvelle zone apporte son nouveau lot d’ennemis et de pièges, et l’apprentissage repart de plus bel ; du coup, la jauge d’énergie chute à vitesse grand V, donc assurez-vous bien de faire le plein de boustifaille avant de partir, car même avec ça, croyez bien que le die and retry sera souvent de mise.
Neon City Riders, en dépit de ses graphismes et animations gentillets, est un jeu plutôt ardu, ne comptez pas voir le générique de fin au premier run. Ni au second, ni au quarantième. Il nécessite pas mal de volonté, mais après tout, c’est ce qu’on aimait dans les jeux de l’époque dont il s’inspire, pas vrai ? Reste à voir si vous avez encore la flamme ou si la casualisation vous a gagné…
Préparez-vous aussi à un certain nombre d’allers et retours, soit pour le bien de vos quêtes annexes, soit pour comprendre où il faut aller. Il y a bien une map accessible à tout instant, mais elle est plutôt énigmatique dans le sens où votre personnage n’apparaît pas dessus. On a presque envie, comme à la bonne époque, de prendre un papier et un crayon et tracer le plan nous-mêmes du parcours accompli. Ou de faire des screens, sinon, modernité oblige.
Terminons sur un mot de technique. On l’a dit, le jeu présente des graphismes 16-bit très détaillés, donc un conseil : mieux vaut y jouer sur grand écran ; en nomade, on peine à reconnaître ce que représentent tous ces détails visuels qui traînent au sol et sur les murs. Niveau sonore, on a droit à de jolies musiques en parfait accord avec l’ambiance du jeu, mais par contre, elles ont vite tendance à tourner en boucles de séquences très courtes.
Quant aux sons, ils sont globalement bons, mais entendre une barrière électrique crépiter pendant plusieurs minutes tandis que vous cherchez votre chemin aura vite tendance à vous taper sur les nerfs.
Neon City Riders est un cas particulier. La plupart des jeux vous offrent un début accrocheur pour vous inciter à poursuivre votre découverte et à déterminer si le plaisir demeure au fil du jeu. Neon City Riders, lui, vous offre une intro désagréable au possible, où vous vous sentez perdu, confronté à une difficulté injuste, agressé visuellement par les flash de lumière, bref, le genre de détails qui ne donnent pas vraiment envie d’en voir plus. Il laissera probablement nombre de joueurs sur le carreau dès les premières minutes.
Mais les plus acharnés iront quand même de l’avant et, en découvrant au fur et à mesure les mécaniques du jeu, en profiteront de plus en plus et commenceront à vraiment apprécier l’expérience. Ils découvriront alors un jeu qui leur rappellera un Zelda version cyberpunk, fun, corsé, long, doté de multiples quêtes annexes, plaisant à manier, et ils ne regretteront pas d’avoir laissé sa chance à ce titre atypique.