Si comme nous, vous êtes ce que l’on appelle des millenials (des vieux dans le langage courant), vous avez peut-être connu la bucolique série animée les Moomins (ou Moumines). Cette création japonaise-finlandaise date du début des années 90, et est adaptée de livres et bandes dessinées de deux auteurs finlandais : Tove Jansson et son frère Lars Jansson.
Après seulement deux saisons, la série s’arrête, mais reviendra à plusieurs occasions : à travers divers objets dérivés, des livres, ou encore plus récemment une série reboot (cauchemardesque) en 3D diffusée sur France 3. La licence s’est vue offrir une nouvelle vie en ce début d’année 2024 au travers d’un jeu indépendant intitulé Mumrik : La Mélodie de la Vallée des Moomins (Snufkin: Melody of Moominvalley dans sa version anglophone). Développé par Hyper Games et publié par Raw Fury, l’hommage à l’œuvre de Tove Jansson se veut « pensé pour tous les âges, sans être un jeu pour enfants ».
L’univers des Moomins, poétique et inimitable, est né au travers d’un premier livre en 1945. Dans une époque toujours plus agitée, est-ce que Mumrik : La Mélodie de la Vallée des Moomins saura nous apaiser ?
(Test de Mumrik : La Mélodie de la Vallée des Moomins sur PC réalisé à partir d’une copie dématérialisée fournie par l’éditeur)
Diffusée entre 1990 et 1992, la série est apparue en premier sur les petits écrans japonais. Pour l’anecdote, en pleine période de Guerre du Golfe, la majorité des chaînes de télévision passaient en « programmes d’urgence ». Seule la chaîne TV Tokyo continuait à diffuser les Moomins, ce qui leur apporta à l’époque un cinquième de l’audience nationale.
Si vous n’êtes pas familier avec l’univers des Moomins, c’est tout simplement une vallée imaginaire où trolls et autres créatures pacifiques y vivent en parfaite harmonie. Moomin, le troll principal, vit avec ses parents et ses amis dans une petite chaumière au bord d’une rivière. Les journées et les épisodes filent au gré de leurs aventures, dans une ambiance douce et bienveillante.
Le hasard faisant bien les choses, nous avons entamé le visionnage de la série télévisée en parallèle du test, ce qui en fait un point de comparaison certain, même s’il aurait été pertinent de pouvoir également consulter les livres originaux.
Une disparition au paradis
Mumrik, un petit humain qui revient à chaque printemps dans la vallée, s’étonne de ne pas trouver son ami Moomin à leur lieu de rendez-vous habituel. Bizarre, puisque celui-ci ne manquerait pour rien au monde ce rituel. À vous d’élucider ce mystère dans la peau de Mumrik, et résolvez au passage les petits tracas des habitants de la vallée.
Des amis vous prêteront main forte sur la route, mais c’est surtout votre affection pour Moomin qui vous portera jusqu’à lui. Vous pouvez courir et sauter, mais votre salut tiendra dans votre pouvoir musical : en cumulant des notes de musique, vous augmentez votre puissance et pouvez jouer dans de plus en plus d’endroits, et avec de plus en plus d’instruments.
Ce pouvoir vous sortira de bien des embûches, que ce soit des araignées effrayantes dans une grotte ou encore des abeilles qui vous pourchassent. Les interactions avec l’environnement se feront essentiellement au travers de la musique, et vous pourrez parfois utiliser des éléments du décor comme des pierres à soulever ou encore des troncs d’arbres à pousser/tirer. Un gameplay simple qui tient en quelques touches, et qui permet de se concentrer pleinement sur la direction artistique du jeu.
L’ennemi n’est pas celui que l’on croit
Mais qui retient Moomin en otage ? C’est évidemment le gardien du parc, qui représente ici (on l’imagine) la main de l’Homme en instaurant des règles, des panneaux et des gardes partout. Un autre gros pan du gameplay réside en la destruction de tous ces diktats et conventions, comme dirait Julia, mais surtout en rappelant au public à quel point la nature nous est précieuse, et que nos propres actions ont de graves répercussions sur notre environnement.
À nous maintenant de réparer les dégâts : si on détruit les panneaux et qu’on lève les interdictions, les gardes partiront et la nature reprendra ses droits. Il convient alors de se faufiler dans les différents parcs et jardins afin de rétablir les choses.
Si l’on appréhende le jeu comme une expérience relaxante, enfantine et propice à l’évasion, le propos derrière a pourtant toutes les raisons de nous garder les pieds sur terre. Si vrai et tellement d’actualité, il nous offre un joli rappel à l’ordre : non, la planète n’est pas jetable, et oui, nous en sommes responsables.
Retranscrire, adapter, embellir
Maintenant que notre moral est bien sapé, revenons tout de même à notre réflexion initiale. Dans l’exécution de Mumrik : La Mélodie de la Vallée des Moomins, peut-on retrouver la tendresse, la douceur de l’âme du livre pour enfants ?
Au travers de notre promenade de quatre heures, force est de constater que l’on n’a pas pu s’empêcher de s’émerveiller. Les cinématiques sont splendides, dignes d’une (potentielle ?) nouvelle série animée. L’effet aquarelle est des plus réussis et ne gêne jamais dans l’immersion. On vous fait même une petit confidence : on a pris plus de captures d’écran que d’habitude, tout simplement parce qu’elles feront parfaitement office de fond d’écran.
Cependant, une interrogation demeure : la localisation. Aucun problème de fautes d’orthographe, mais tous les noms français des personnages ont été changés ou presque, comme ceux de Jolie Mi, Chouca ou pire encore… Pipo qui devient Mumrik ?!
Après quelques recherches, il semblerait que les traductions françaises diffèrent entre la série télévisée et les livres, et la piste supposée pour le jeu serait celle de ces derniers. Pour nous qui ne connaissions que la série animée, la surprise était de mise. Rien de grave, mais quelque peu déstabilisant en début de partie. Les dialogues quant à eux restent efficaces, drôles et authentiques.
Désenchantés
L’ambiance sonore est signée Sigur Rós. Le groupe islandais à l’ambiance post-rock atmosphérique nous a convaincus sur le papier, mais moins en jeu : autant les compositions sont excellentes et dignes de leur discographie, mais il doit y en avoir cinq qui tournent en boucle. Point bonus pour la chanson finale cependant, empreinte de beaucoup d’émotion et parfaitement adaptée selon nous à l’identité même des Moomins.
En revanche, on s’interroge toujours sur le rôle de la musique au sein du jeu. Alors qu’elle est présumée omniprésente (de par le titre et les instruments introduits), on se rend finalement compte que les autres fonctionnalités sont toutes aussi voire plus importantes que de faire un petit concert. Par exemple, on a l’impression d’avoir été plus transportés dans les phases d’infiltration dans les parcs que par les chansonnettes composées.
L’héritage de Tove Jansson n’a pas de souci à se faire avec Mumrik : La Mélodie de la Vallée des Moomins. L’ambiance de la vallée est retranscrite avec beaucoup de respect, reproduisant certains événements même de l’œuvre originale, et l’adaptant à un format actuel. Ces quatre à cinq heures de jeu nous laissent le temps de profiter du paysage, mais les quelques moments de réflexion/casse-tête sont enivrants (on a même eu un petit coup de stress dans la dernière ligne droite, c’est dire !). Une douce parenthèse, en somme.
À l’aube du printemps, nous vous conseillons vivement de renouer avec votre âme d’enfant et de vous perdre dans cette jolie vallée.