Mordheim: City of the Damned est tiré du jeu de plateau éponyme sorti il y a une vingtaine d’année. Les jeux Games Workshop semblent d’ailleurs s’installer de plus en plus régulièrement sur PC, l’année 2015 ayant été très riche avec Blood Bowl II, Warhammer Quest et Warhammer: End Times – Vermintide.
Dernier-né de cette avalanche vidéo-ludique, Mordheim nous plonge dans une ville maudite, ravagée par la récente chute d’une comète à deux queues. Développé par Rogue Factor, jeune studio canadien, et édité par Focus Home Interactive, le titre consiste en un RPG tactique tout aussi impitoyable qu’addictif.
Damné
Alors que la cité de Mordheim n’est plus que la copie grotesque et miasmatique d’elle-même suite à la chute d’une comète à deux queues sur la ville, et que ses habitants sont ou morts ou en proie au désespoir, quatre troupes de mercenaires s’entredéchirent dans le but de s’enrichir sur le dos de cette ville maudite. En effet, les débris de la comète, la Wyrdstone, sont un matériau d’une valeur inégalée, étant donné son pouvoir à transformer la plus faible des âmes en monstre.
Dans cette course à la richesse, on retrouve quatre factions parmi les seize du jeu de plateau : les Skavens du Clan Eshin et le Culte des Possédés, affiliés au chaos, ainsi que les Mercenaires Humains et les Sœurs de Sigmar qui sont quant à eux affiliés à l’Ordre. Chaque faction bénéficie bien entendu de ses capacités spécifiques, de son arsenal propre et du scénario correspondant à ses motivations (qui sont principalement pécuniaires). Le jeu s’articule autour d’un gameplay semblable à XCOM. En mode campagne, les sessions de préparation précéderont toujours les escarmouches qui sont le seul moyen d’engranger monnaie et expérience.
Avant chaque mission, il est nécessaire de passer un peu de temps à gérer ses troupes, afin d’optimiser ses chances de survie lors de la prochaine sortie. En effet, à l’instar de son modèle, tout effet négatif est permanent et fait pencher la balance du côté de votre adversaire. Les meilleures récompenses sont évidemment tributaires d’une mission plus difficile que la moyenne, ce qui peut mener très rapidement votre groupe vers sa mort, ou en tout cas lui apporter un nombre de malus conséquent. Il suffit d’une blessure, d’une embuscade de l’ennemi ou d’un jet de dé malchanceux pour estropier définitivement une de vos unités. Cet état permanent force le joueur à réfléchir à la moindre de ses actions, ce qui est malheureusement rarement suffisant.
Essaye encore
La campagne de Mordheim possède donc des missions scénarisées en plus de missions secondaires, dont le seul but est d’améliorer votre équipe. Si généralement, il s’agit simplement de mettre en déroute la bande rivale, chaque mission possède son lot d’objectifs secondaires, plus ou moins compliqués à remplir, qui peuvent sensiblement augmenter vos gains une fois de retour au campement. L’expérience engrangée permet alors d’améliorer nos soldats, alors que la vente de Wyrdstone permet de recruter une unité pour remplacer celle tombée au combat quelques missions plus tôt, ou pour améliorer son équipement. Chaque membre de la bande perdu représente donc une perte considérable d’investissement, ce qui constitue une source de tension permanente. Mordheim est impitoyable de ce côté, une campagne qui se déroule plutôt bien peut vite se draper d’un destin funeste si on perd un membre clef de l’équipe.
Pour le néophyte, l’expérience peut se révéler particulièrement frustrante. Alors que les connaisseurs du jeu de plateau partent avec un avantage certain, les autres sont mis en face d’un jeu à la difficulté très relevée. Il est alors indispensable de passer par l’épais tutoriel qui vulgarise plutôt bien les caractéristiques du jeu. Cependant, le titre manque d’une courbe d’apprentissage et il est sûr que si vous débutez, votre campagne échouera au bout de quelques missions. Il est donc nécessaire de passer par le mode escarmouche pour se faire la main avant de se lancer en campagne puis en multijoueur. Le temps d’assimilation des subtilités du titre peut s’avérer vraiment décourageant, mais mener sa bande à la victoire s’avère terriblement satisfaisant, d’autant plus que le hasard est omniprésent en jeu.
Si Mordheim: City of the Damned est largement influencé par XCOM, les développeurs n’ont pas oublié de s’inspirer du jeu de plateau pour ce qui est du gameplay. Le hasard est réellement présent dans chacune de vos actions via des jets de dés invisibles. Il n’est pas rare de rater plusieurs fois de suite des actions à 85% des probabilité et voir votre adversaire enchainer les coups critiques. Même si le jet est ensuite confronté à des modificateurs ou à des caractéristiques propres à vos héros, le hasard semble parfois vraiment contre nous. Couplez cela avec l’état de mort permanente de vos unités et vous obtiendrez parfois des situations plus que frustrantes.
Courber l’échine
La gestion des troupes ainsi que le fonctionnement des combats ne sont pas les seules caractéristiques rendant Mordheim hermétique aux néophytes. En effet, chaque escarmouche a lieu sur une carte générée procéduralement (toutes possèdent cependant les mêmes morceaux de niveau, on finit donc par vite les assimiler). Le titre se joue en effet à la troisième personne, limitant drastiquement la visibilité et vos déplacements se feront à l’aide d’une boussole et d’une carte. L’absence de carte dynamique renforce grandement l’immersion dans le titre, au prix de laisser les nouveaux joueurs perdus dans un recoin. Fidèle à l’ambiance de la licence, où tout va constamment mal, chaque carte est parsemée de pièges qu’il faudra éviter pour votre survie, mais aussi de créatures neutres dont l’affrontement peut signifier la fin de votre partie tout autant que la découverte d’un loot très puissant.
Les missions scénarisées ont quant à elle des cartes fixes. Si l’écriture n’est pas folle, elle permet de donner un peu d’intérêt à la quête principale. Par ailleurs, une sorte de champion, le Dramatis Personae, vous rejoindra pendant ces quêtes. Sa présence est non negligeable, tant par ses statistiques supérieures à la moyenne mais aussi par ses sorts très puissants. Ces héros résument bien toutes les possibilités tactiques offertes par le titre : les sorts entraineront divers malus ou bonus à vos équipiers, influant souvent sur le pourcentage de chance des actions. Il s’agit, en effet, bien souvent, d’optimiser vos chances de frappes tout en minimisant celles de vos adversaires. Ainsi, un risque est toujours omniprésent : vaut-il mieux que je passe ma chance de touche à 95% au risque de perdre une action ou vaut-il mieux que je tente mon attaque à 70% au risque de la rater ? Si on joue généralement la prudence, une action audacieuse peut parfois payer.
Enfin, n’oublions surtout pas de parler de l’IA qui contribue assez largement à cette impression d’aléatoire injuste. En effet, alors qu’elle fait parfois preuve d’un esprit tactique remarquable, il arrive trop souvent qu’elle vous fonce bêtement dessus ou qu’une unité se bloque carrément dans un coin de la carte, attendant tranquillement sa mort. Si le fait qu’elle se suicide sur vos flèches semble faciliter le jeu d’un premier abord, il n’en est rien : ne pas remplir les objectifs secondaires diminue drastiquement vos récompenses en fin de mission et amenuise vos chances de remporter la prochaine.
Un labyrinthe de ruines
Pour finir sur un bref point technique, on remarque ce que les captures d’écran provenant de l’éditeur expliquent déjà très bien : la réalisation de Mordheim: City of the Damned est clairement en demi-teinte. Si la direction artistiques est un des points forts du jeu, de même que le design des équipements et des unités très réussi, le titre parait assez daté. La modélisation, les animations et les textures sont au mieux médiocres. Si un moteur graphique peu performant permet généralement de jouer dans de bonnes conditions sur n’importe quelle configuration, celle recommandée est clairement trop élevée pour un résultat pareil, d’autant plus que le titre se permet des temps de chargement dont la longueur incroyable est parfaitement injustifiée.
La physique est également très mal gérée, et il faut mouvoir ses unités avec soin pour éviter des embouteillages complètement inexplicables et parfois inextricables. Heureusement, la direction artistiques sauve tout cela mais ne sera certainement pas au goût de tout le monde. La grisaille et le brouillard ambiant ont pour mérite de coller à l’ambiance dramatique qui sied parfaitement au titre mais finit par ennuyer l’œil, d’autant plus qu’on finit par trop bien connaitre les cartes des escarmouches.
Parlons également de l’interface particulièrement chargée. Alors que celle-ci se justifie par la complexité du titre, elle reste particulièrement difficile à lire pendant les premières heures de jeu, d’autant plus que le tutoriel ne s’attarde quasiment pas dessus. C’est dommage, surtout qu’elle fait partie intégrante des subtilités du jeu à maîtriser pour bien l’appréhender.
Avec ses bases particulièrement hardcore et son interface surchargée, Mordheim fait partie de ces titres s’adressant à des joueurs patients, ayant du temps à offrir et capables de supporter un hasard omniprésent parfois très frustrant. Si vous correspondez à cette catégorie, le titre a vraiment énormément à offrir. Que ce soit par sa profondeur tactique ou par la tension permanente qu’il offre, le jeu est réellement addictif. On retiendra, dans tous les cas, sa réalisation en demi-teinte mais on compte sur les développeurs pour améliorer tout cela lors des prochains patchs.
Pour plus d’informations, n’hésitez pas à vous rendre sur le site officiel de Mordheim: City of the Damned ou sa page Steam où il est disponible pour 39,99€.