Il arrive que, malgré un calendrier chargé, un porte-feuille ou un compte en banque vide, on se permette tout de même une visite sur les boutiques de nos consoles et que, quitte à commettre une erreur que l’on ne manquera pas de regretter, on se décide à s’offrir un jeu dont on n’a jamais entendu parler. Et là, hélas, on se retrouve généralement face à deux cas de figure. Si certains jeux tels que Stardew Valley, Super Meat Boy, Crypt of the NecroDancer ont laissé une marque indélébile sur le jeu vidéo, donnant enfin ses lettres de noblesse à un genre jusqu’ici plutôt « underground », on peut tout autant tomber face à un jeu horrible jouissant de l’essor de ce mouvement, glitché à balle ou pire encore, plus fade qu’un dimanche après-midi passé devant France 2.
Bref, de quoi nous faire regretter d’avoir dépensé 2 balles… Donc, sur ce spectre pas forcément très large entre adoration et déception, où se situe Magic Scroll Tactics ? C’est ce qu’on va voir !
(Test de Magic Scroll Tactics a été réalisé sur Switch via un code acheté par nos soins)
2D, pixels et histoire plate
Comme un Zelda à l’ancienne, Magic Scroll Tactics démarre sur de l’exposition. Il y a de cela bien longtemps, un mage surpuissant convoitait le monde. Capable de l’usage d’une puissante magie noire, il faisait régner la terreur. Rien ne se dressait face à lui. Enfin jusqu’à ce qu’apparaisse la Prêtresse de la Lumière. Cette dernière n’avait qu’un recours pour éliminer la menace : la sceller sur une île lointaine et espérer que le sceau tienne.
Pendant des siècles, les descendants de cette héroïne antique se sont chargés de la sécurité et du maintien de ce sceau, sceau qui semble perdre en puissance. Tout aussi étrange, une secte de disciples de cet odieux sorcier est apparue et tente de précipiter son retour en faisant sauter le dernier sceau qui le retient captif. Enfin ça, c’est si Kako, descendante de la Prêtresse de Lumière, et Nash, invocatrice de son état, ne se dressent pas en rempart face à leurs sombres desseins.
« Clichés ! » vous dites ? Euphémisme, très chers lecteurs ! On ne va pas se mentir, ce n’est probablement pas pour son histoire qu’on va mener la guerre au Chaos Magus et à sa cohorte de disciples élémentaires… Vraiment pas… La profondeur est complètement aux abonnés absents. Comme il était coutume de le faire dans les jeux d’antan (ou les productions semi-indépendantes japonaises d’aujourd’hui – les RPGs de Kemco, de Nippon Ichi, ou même Game Freak (Little Town Hero et Giga Wrecker Alt.)), les dialogues sont exprimés au travers de fenêtres de texte avec les sprites des personnages de votre armée et les adversaires du moment soit un total de deux ou trois personnages au maximum.
Inutile de chercher plus loin, vous ne trouverez pas votre bonheur ici. D’autant que chacun des personnages est « écrit » avec les poncifs de ce genre. Quand on dit « poncifs », comprenez « personnages définit par un unique trait de personnalité », spécialité japonaise qu’on peut observer aussi bien dans les formats papier, animés ou jeux vidéo. À notre grande surprise en revanche, peu ou pas de lubricité, enfin, jusqu’à l’arrivée de Levy, une voleuse en quête d’artefacts, venue remplir le quota « tsundere waifu en maillot de bain ». Bref, check !
Vu d’ici, ça semble un peu plus profond !
Bon, l’histoire minimaliste, ça n’a pas empêché Into the Breach de fonctionner, hein ? Alors, comment se porte Magic Scroll Tactics en action ? Le titre fonctionne comme quasiment tous les tactical-RPG, grâce à un tableau de cases qui définit aussi bien vos déplacements que votre portée. La différence, c’est qu’ici, le jeu est en deux dimensions. Donc exit une bonne partie des possibilités offertes par un FF Tactics ou Tactic Ogre, puisqu’ici, la stratégie est réduite à sa plus simple expression. Pour prendre l’avantage sur les ennemis, pas de différence entre attaque de front ou de dos, pas de triangle d’arme…
Qu’est-ce que ça a de tactique alors ? Votre gestion de l’altitude vous rend plus efficace au combat. Être placé au-dessus de votre ennemi vous offre des avantages en termes de précision et de puissance brute. En revanche, vous subirez une perte d’avantage proportionnellement inverse si vous prenez le risque d’attaquer un ennemi par-dessous. À vous donc de vous placer en hauteur pour démonter vos opposants en notant que vous devenez par conséquent des cibles de choix pour les mages, qui eux, brisent la règle du combat vers le bas.
La base de votre armée est composée d’un membre, Nash, votre avatar dans ce monde. Rassurez-vous, comme nous l’évoquions plus tôt, elle est invocatrice et fera appel à chaque combat à des créatures préalablement choisies (par vous ou l’ordinateur d’ailleurs). Chacun de ces pions peut être customisé afin de correspondre à vos désirs. Il existe cinq différentes races, chacune jouissant de deux ou trois métiers propres et donc d’un inventaire adapté. On compte parmi elles des unités aériennes souples mais sensibles aux projectiles et aux sorts électriques, des unités rapides et puissantes mais faibles au contact, des tanks et des spécialistes de la magie de soin ou offensives…
À vous de former votre bataillon à partir de ces possibilités en prenant en compte les difficultés des missions qui vous attendent. Rien de bien sorcier en soit puisque votre progression dans le monde de Magic Scroll Tactics se fait de région en région (comprenez forêt puis étendues glacées puis volcan…) et que chacune d’entre elles favorise une race d’unité et d’éléments. Forcément, c’est bien pour un néophyte, mais c’est également on ne peut plus linéaire.
Ajoutons enfin que chaque personnage et classe possède son propre arbre de compétences. Comme pour tout jeu de stratégie, il sert donc à prémunir les unités de nouveaux sorts, de bonus de statistiques, d’options stratégiques avancées comme l’utilisation d’objets de soin sans avoir à les équiper et permet par conséquent d’enrichir la gamme de possibilités. Il est également possible de changer de job à tout moment dans les menus et de profiter donc d’avantages issus d’un autre arbre de compétences, talents que vous aurez au préalable débloqué. Pour les débloquer, il vous suffit de dépenser les points de compétences acquis à la montée de niveau et d’attendre que la compétence soit disponibles après un certain nombre de missions réussies ou d’ennemis anéantis. Profitons pour ajouter que la montée de niveau n’augmente pas vos statistiques, ça, c’est le boulot de vos armes alors rendez-vous de temps en temps à la boutique.
De bonnes idées, mais un ensemble qui retombe comme un soufflé
Ça vous semble un peu léger pour un T-RPG ? C’est pas faux, mais curieusement, c’est une de ses forces. Si le challenge est relativement absent, les missions s’enchaînent avec une assez grande fluidité et comme autant de grilles de picross ou autre puzzle sauf qu’il s’agit bien ici d’un jeu de rôle. Il est assez grisant de voir la vitesse à laquelle les niveaux prennent fin et redémarrent. Une autre idée bien pensée de ce Magic Scroll Tactics est… eh bien les « Magic Scrolls » (« parchemins magiques », mais habituez-vous à l’anglais, car le titre n’est pas disponible en français) eux-mêmes.
Quand vous êtes dans une situation épineuse (plutôt légèrement inconfortable dans la plupart des cas), vous pouvez faire appel à un parchemin, à usage unique par mission, qui vous octroie un bonus temporaire mais bienvenu. Bouclier, régénération, accélération de la fréquence des tours d’attaque… Des idées bienvenues qui ici plantent le dernier clou dans bien des ennemis. Ainsi, les uns après les autres, on poursuit les défis, rencontre de nouveaux ennemis et obstacles qu’on franchit sans grande peine. Enfin, à quelque chose près…
Parce que si le jeu n’oppose en général pas de défi et ne force pas au grinding (80% du titre se traversant sans le moindre souci), ce n’est pas le cas de certains boss qui au contraire jouissent d’avantages simplement hallucinants. Bonheur d’un timing mal-branlé et des combats scriptés, l’ordre des tours généralement affiché en bas de l’écran évolue en fonction des dégâts infligés à ces derniers qui, en guise de vengeance, profitent de bonus.
Si on pensera notamment aux sorts qui nettoient une bonne partie de l’écran, on offrira quand même la palme à ce boss qui nous aura fait vivre un bon quart d’heure d’horreur (répété plusieurs fois ensuite) ou un ennemi qui attaque deux fois par tour et se voit accorder des tours bonus grâce au hasard des paliers scriptés portant à quatre son nombre de phases offensives par tour…
Bizarrement, le sel a coulé durant ce test, mais… Nous ne regrettons pas d’avoir mis nos billes dans Magic Scroll Tactics. S’il est loin d’être une réussite incontestable (histoire creuse, chara-design cheap, challenge inégal voire absent, linéarité), il constitue une assez bonne surprise. Si son expérience 2D gagnerait à proposer un peu plus, on ne va pas mentir, on a passé un bon moment dessus. Les combats s’enchaînent avec rapidité et le gameplay a assez de profondeur pour intéresser jusqu’au bout.
Il ne constitue en rien un indispensable mais s’avère un excellent titre d’introduction au genre du RPG stratégique, avec ses enjeux et ce que ça constitue de choix, tout en restant agréable pour un joueur ayant déjà fait ses armes avec les plus grandes licences. À considérer donc comme un titre « apéritif » et à savourer avec un débutant ou simplement pour se détendre entre deux titres gourmands ou séances de chasse sur Pokémon…