Paru initialement en 1994 sur Super Nintendo, Live a Live est un RPG développé par Squaresoft qui n’a malheureusement jamais trouvé son chemin jusqu’à nos contrées. C’était du moins le cas jusqu’à présent puisqu’a été annoncé, durant le Nintendo Direct de février dernier, le retour du jeu sur Nintendo Switch dans une version remise au goût du jour, et en plus traduite dans la langue de Molière.
Sous ses plus beaux atours, grâce au moteur maison HD 2D de l’éditeur japonais, ce joyau de l’ère 32 bit peut enfin être découvert par le plus grand nombre. Mais n’est-il pas déjà trop tard ? Alors que cet été, la plupart des amateurs de RPG n’ont que le nom de Xenoblade Chronicles 3 sur le bout des lèvres, Live a Live dispose-t-il vraiment de suffisamment d’arguments pour se faire une place dans le cœur des joueurs ? N’aurait-il finalement pas mieux valu qu’il conserve son statut de mythique relique du passé afin que son éclat ne s’érode pas face aux exigences modernes du médium ?
(Test de Live a Live sur Nintendo Switch réalisée via une copie du jeu fournie par l’éditeur)
Vis ma vie de héros
Alors qu’il est sorti il y a 28 ans déjà, Live a Live repose toujours sur un concept singulier. Un jeu, huit héros pour autant d’histoires différentes. Assez peu de titres se sont réappropriés ce concept. On pense bien sûr à Saga Frontier par exemple, ou plus récemment à Octopath Travelers, mais cela reste très peu compte tenu du temps écoulé. Et pourtant, cette idée fonctionne encore admirablement bien.
Mieux encore, en décorrélant chacun de ces scénarios, les développeurs de Live a Live ont pu se permettre de bien plus grandes libertés dans les lieux proposés, les personnages rencontrés et l’écriture même de chaque histoire. Imaginez donc. Huit héros, huit époques, allant de la préhistoire jusqu’au futur lointain en passant par la chine impériale ou le Far West, chacune conçue par une équipe de développement différente, le tout sur une seule cartouche. Voilà de quoi faire rêver.
L’idée aurait pu être bancale. Pourtant, malgré la poignée d’heures que prendront au maximum les différentes intrigues, elles sont suffisamment bien ciselées pour qu’on se prenne immédiatement au jeu, et même que l’on s’attache aux personnages. La façon dont l’écriture arrive à autant nous porter en quelques minutes, à nous surprendre même lors de séquences dont nous n’imaginons pas l’intensité, est assez surprenante. Impossible d’ailleurs de ne pas évoquer les fantastiques compositions musicales de Yoko Shimomura (Kingdom Hearts, Xenoblade Chronicles…) qui permettent à chaque histoire d’atteindre une tout autre dimension.
Alors évidemment, avec autant de variétés, les qualités sont variables, bien qu’elles dépendent finalement de la sensibilité de chaque joueur. À notre sens, seul le scénario se déroulant dans le futur lointain nous a semblé en dessous des autres, moins impliquant émotionnellement. Pour le reste, Live a Live est un petit bijou d’écriture, chaque chapitre est une réussite et procure quelques heures de grand plaisir dès la première seconde jusqu’à sa conclusion. Les histoires ont beau être simples en apparence, elles recèlent bien plus de profondeurs et de clins d’œil que bon nombre de jeux à la durée de vie bien plus conséquente.
La sobriété pour l’efficacité
Avec un tel niveau d’écriture, on pourrait supposer que les autres strates du jeu seraient négligées, et pourtant, il n’en est rien. C’est même plutôt l’inverse. Puisque chaque héros bénéficie de sa propre histoire, il dispose aussi de ses propres spécificités. Par exemple, le Shinobi est capable de se fondre dans le décor afin d’échapper à ses ennemis, tandis que l’homme des cavernes pourra détecter son environnement grâce à son odorat. Rien n’est forcément très développé ou compliqué, mais l’intérêt est ailleurs.
Grâce à cela, le gameplay est sans cesse renouvelé et on a toujours envie d’avancer afin de découvrir les surprises que nous ont concoctées les équipes en charge du jeu. Et surtout, aucune de ces spécificités n’est là gratuitement. Au contraire, dans Live a Live, toutes les idées sont mises en place pour servir le scénario. Même les combats sont principalement présents pour accompagner l’histoire.
On ne peut pas dire que les affrontements soient inintéressants, bien au contraire, mais ils apparaissent plutôt comme un à-côté du jeu que comme le cœur battant de l’aventure. Ainsi, les batailles ont beau avoir une dimension tactique plutôt plaisante, avec une gestion du positionnement de nos troupes sur le damier et une variété de types d’attaque disponibles, ils restent globalement très simples à expédier. Du moins à quelques exceptions près et on ne peut d’ailleurs que regretter le manque d’équilibre de quelques combats, notamment sur la dernière partie du jeu, la rendant parfois presque pénible à parcourir.
Dans Live a Live, tout converge vers un seul point : la narration. Avec cet objectif en ligne de mire, les chapitres parcourus ne perdent pas de temps en fioritures et filent droit au but afin de nous faire vivre le plus efficacement possible les émotions prévues, et le gameplay n’est qu’un moyen supplémentaire d’y parvenir. De la même manière, le moteur HD 2D fait des merveilles pour faire ressortir le meilleur de chaque scène de Live a Live.
Typiquement, le ressort comique de la préhistoire a su franchir un nouveau cap en faisant encore mieux ressortir les mimiques des différents protagonistes que nous y rencontrons. Chaque rouage est au service d’un plus grand tout, faisant encore plus ressortir ses points forts, et ce coup de polish technique s’intègre parfaitement à cette philosophie.
En décorrélant ses différentes histoires, Live a Live évite l’écueil de certains de ces héritiers, cherchant à intégrer au forceps un liant auquel on ne croit pas. Au contraire, on tient là un petit bijou d’écriture ressorti dans un écrin HD 2D lui permettant d’être plus lumineux encore. Chaque histoire a beau être assez courte, certaines pouvant se boucler en moins d’une heure, toutes arrivent à véhiculer de puissantes émotions qui ne laissent pas indifférents.
Live a Live est un jeu solide sur tous les points. Doté de musiques somptueuses et d’un système de combat suffisamment tactique pour ne pas être ennuyeux, le jeu se laisse parcourir d’un bout à l’autre avec beaucoup de plaisir. Dommage cependant que le mauvais équilibre rende la dernière partie du jeu particulièrement compliquée, voire pénible, à aborder alors qu’elle est censée marquer un véritable climax scénaristique.
Avec Live a Live, on est comme face à un bon livre de nouvelles que l’on apporte sur la plage. On peut se plonger dans des histoires simples à aborder, qui cherchent à nous faire vivre les aventures les plus variées et plaisantes possible sans pour autant nous monopoliser pendant des heures. N’est-ce pas finalement la meilleure façon de décrire un jeu de l’été ?