Après un épisode 7 salué, renommé Like a Dragon, et qui rebootait doucement la saga, puis la ressortie de l’inédit Ishin!, spin-off qui transportait les gangsters de Kamurocho au Japon médiéval, Like a Dragon Gaiden: The Man Who Erased His Name revient aux sources de la série. Retour au game system axé sur la bagarre en temps réel, retour du héros mythique, Kiryu Kazuma, mais aussi retour dans les lieux qui ont accueilli la série depuis sa naissance en 2005.
Une compilation de ce qui nous accompagne depuis maintenant pas mal d’années, donc, mais les studios Ryu ga Gotoku ne renient pourtant pas le virage pris avec Like a Dragon, et propose ici plutôt une sorte de virgule, une carte postale de la première partie de la vie de la saga… Comme un au revoir ?
(Critique de Like a Dragon Gaiden: The Man Who Erased His Name sur Xbox Series X réalisée à partir d’une copie du jeu fournie par l’éditeur)
Précédemment, à Kamurocho…
Attention, il va falloir suivre. Si Like a Dragon Gaiden: The Man Who Erased His Name sort trois ans après le premier Like a Dragon, qui était lui le 7e Yakuza, il se passe pourtant en même temps que ce dernier, tout en étant la suite du 6, et offre une nouvelle aventure à son héros emblématique, remplacé depuis par Ichiban Kasuga.
On incarne en effet le mythique Kiryu Kazuma, héros iconique (et s’il est un peu trop à la mode ces derniers temps, on n’utilise pas ici l’adjectif à la légère) de la saga jusqu’à son récent renouvellement, avec la sortie du septième épisode rebaptisé pour l’occasion Like a Dragon (le titre original des jeux Yakuza en japonais) en Occident. Kiryu a en effet décidé à la fin du 6e épisode de disparaître, se faisant passer pour mort, afin de protéger ses proches, craignant que l’on ne s’en prenne à eux pour l’atteindre lui.
On l’a retrouvé par surprise alors qu’il faisait un caméo au milieu des aventures d’Ichiban Kasuga, dans le dernier jeu « canon » de la série. Privé de son costume blanc et de sa chemise rouge qui le caractérisent depuis le tout premier jeu, c’est dans l’uniforme sombre d’un agent de sécurité, derrière des lunettes de soleil – une technique de dissimulation de son identité empruntée à Superman/ Clark Kent –, qu’il est intervenu comme guest star dans Like a Dragon.
Que s’est-il passé entre sa disparition organisée et ce retour inattendu ? Mais plus encore, comment le légendaire 4e Patriarche du Clan Tojo a-t-il pu devenir un simple exécutant, tout en bas de l’échelle d’un clan mineur ? Et à intervenir à nouveau dans les histoires de yakuzas, ne risque-t-il pas d’être percé à jour ? C’est à ces questions que Like a Dragon Gaiden: The Man Who Erased His Name doit répondre…
Reader’s Digest
Ainsi, ce nouveau jeu n’est pas la suite directe du précédent jeu (il se déroule en parallèle), mais plutôt un spin-off. L’occasion d’un pas de côté (déjà) vis-à-vis de la nouvelle orientation de la série, qui a adopté un système au tour par tour. Ici, retour aux fondamentaux de la saga avec ce bon vieux beat em’all aux accents parfois presque muso, qui nous voit massacrer les boutons d’attaque de notre manette.
Petite originalité au moins sur le papier, Kiryu étant désormais un agent de sécurité, il dispose d’un mode de combat correspondant, lui permettant d’utiliser des gadgets : cigarettes explosives, drones offensifs… Amusant, mais pas « game changer ».
De toute façon, se souciant peu d’apporter des nouveautés, le titre est plus pensé comme une compilation des tropes de la série, conçue pour les fans acquis à la cause. C’est un « best of Yakuza » plus qu’un véritable épisode. L’écriture, d’habitude qualité première de la série, est ici un peu en retrait. Le scénario est presque anecdotique et cet opus repose essentiellement sur l’autre grande qualité des jeux Yakuza : les mini-jeux et activités secondaires. Une grande partie de la progression du scénario dépendra du nombre de missions secondaires (qui, par conséquent, deviennent principales…) dont on s’acquittera.
Outre les missions de combat, de livraison, ou celles plus délirantes, on retrouve ainsi les bornes d’arcade SEGA (Sonic the Fighters, Fighting Vipers 2…), mais aussi des jeux Master System sur lesquels il faut mettre la main au cours de l’aventure (parmi lesquels Alex Kidd, Fantasy Zone II ou Alien Syndrome…), et surtout les activités emblématiques des jeux Yakuzas : karaoké, bien sûr, mais aussi fléchettes, billard, mini-jeu de drague avec les hôtesses de clubs (en FMV !) et le retour du Pocket Circuit.
La géographie du jeu est d’ailleurs organisée autour du Château d’Osaka, un casino flottant complètement over the top qui hébergera donc des tables de jeu, mais aussi un Colisée où se déroulent des combats clandestins – un classique de la saga ! Comme un aveu, le cœur du jeu est donc un « hub » de mini-jeux. Néanmoins, le titre retrouvera sa plume avec un numéro final qui rappelle que peu de jeux peuvent se montrer aussi émouvant que la série Like a Dragon.
On traversera aussi des lieux bien connus des aficionados de la série, à commencer par ceux qui ont accueilli les aventures d’Ichiba, Kasuga, à Osaka. On reverra aussi le Grand Cabaret, qui fut jadis dirigé par Goro Majima dans Yakuza 0. De Yakuza 0, on reconnaîtra d’ailleurs au détour d’une mission secondaire un visage un peu trop amical… Des personnages rencontrés dans les autres épisodes de la saga (y compris dans les spin-off Judgment) parsèment le titre, comme autant de clins d’œil à son histoire.
« Entre tradition et modernité »
C’est aussi la limite de cet épisode, qui pourrait être bien moins lisible par les joueurs les moins familiers des jeux Yakuza. Nous qui accompagnons Kiryu (puis Ichiban) dans ses pérégrinations depuis des années savons bien comme le jeu peut passer de la critique sociale la plus noire à une mission secondaire complètement absurde. Mais ici, avec ces phases enchaînées sous forme de missions secondaires sans toujours trop de liant, le ton du jeu peut être compliqué à appréhender.
Ce choix de reprendre, peut-être une dernière fois, et de manière compacte, resserrée (Like a Dragon Gaiden est moitié plus court que les jeux habituels de la série), les ingrédients qui faisaient les jeux Yakuzas est d’autant plus étonnant à un moment où, justement, le studio Ryu Ga Gotoku avait remis les choses à plat avec Yakuza 7, devenu pour l’occasion Like a Dragon, sans numérotation, et adoptant un système de jeu tout nouveau, inspiré du J-RPG. Ce Like a Dragon nouveau avait aussi vocation à faire venir à lui de nouveaux joueurs… qu’il ne s’agirait pas de faire fuir avec un jeu trop cryptique, basé sur des « private jokes » et des références pointues, et réservé aux abonnés de la saga (bon, ce sera un peu le cas quand même…).
Surtout qu’il se veut aussi une introduction au prochain Like a Dragon: Infinite Wealth, dont une démo est livrée avec ce Like a Dragon Gaiden.
On voit bien que le studio est un peu le cul entre deux chaises, entre une mythologie et un gameplay « héritage », qui ont fait le succès de la saga, et la volonté (peut-être la nécessité ?) de la renouveler. Personne n’a envie de voir le Yakuza historique disparaître, mais, et c’est un peu ce que nous montre cet épisode, on a peut-être fait le tour de l’arc narratif autour de Kiryu, et il est possible qu’il ne nous reste que des souvenirs, des flashbacks, à ressasser ?
Like a Dragon Gaiden: The Man Who Erased His Name n’est pas un épisode majeur. Il n’est d’ailleurs absolument pas vendu comme tel. Plus court, moins cher, moins ample et moins ambitieux, on a même une impression de petit coup de moins bien graphiquement – même si les environnements sont toujours incroyables, souvent presque photoréalistes.
Cela reste néanmoins un jeu super agréable et très jouissif à parcourir pour le peu qu’on ait une petite histoire avec la saga ; c’est même un épisode essentiel pour les fans du héros, qu’on verra dans les toutes dernières minutes du jeu comme on ne l’a jamais vu (préparez les mouchoirs, sérieusement !). On le conseillera plus difficilement aux joueurs qui voudraient découvrir la série avec ce titre.
Like a Dragon Gaiden: The Man Who Erased His Name est aussi le tout premier titre entièrement développé sans Toshihiro Nagoshi, créateur de la saga, des personnages, et de l’univers, qui a quitté le studio et SEGA, et dont, assez injustement, le nom n’apparaît pas au générique final. En ayant cela en tête, on relit aussi le titre autrement, et on se dit que la nouvelle équipe a peut-être un peu de mal à s’ajuster. Une nouvelle équipe qu’on ne jugera donc qu’à l’aune du véritable premier épisode « canon » dont elle a la charge, Like a Dragon: Infinite Wealth, que l’on attend pour le 26 janvier prochain.