En 2006, après la fin de Kingdom Hearts II, nous étions encore jeune et nous avions la naïveté de croire que nous verrions Kingdom Hearts III quelques années plus tard, comme cela avait été le cas entre le premier et le second opus. Grave erreur de notre part, puisque c’est pas moins de 13 années qu’il aura fallu à l’équipe de Tetsuya Nomura pour nous abreuver d’une suite conclusive à cette désormais grande saga du jeu vidéo.
Passant de supports en supports comme on ferait tourner un joint dans une soirée étudiante, la licence sera finalement passée par tous les états avant d’enfin revenir sur consoles de salon et cela se ressent à bien des égards au fil de l’aventure.
Nous allons donc voir que si Kingdom Hearts III est un très grand épisode pour la série de par le fait qu’il la conclut, il n’en est pas pour autant le chef-d’oeuvre que nous avons fantasmé toutes ces années. Nos âmes d’enfants se sont-elles envolées avec la fatale évanescence de nos années passées ?
Kingdom Hearts III – Que votre coeur soit la clef qui vous guide
Un maître de la Keyblade, un chien, et un canard sont dans un vaisseau Gummi
On insère la galette dans notre PlayStation 4, on retient notre souffle, et c’est les 13 dernières années qui défilent dans notre tête, tel un intense climax nostalgique avant de faire un pas vers la dernière étape d’un périple, qui, on le rappelle, aura été bien tumultueux.
L’opening démarre, la version intégrale cette fois, et c’est avec émotion, n’en déplaise à certains, que nous sommes transporté par une animation somptueuse (comme toujours) et la chanson Face My Fears ayant émergée de la collaboration entre Hikaru Utada et Skrillex. Clap de fin après près de 5 minutes de plaisir visuel et auditif, larme cristalline essuyée d’un revers de manche, il est temps de rentrer dans le vif du sujet.
Kingdom Hearts III se positionne en tant qu’épisode final visant à clôturer la série, et nous préférons vous prévenir dès à présent, ne vous lancez pas dans Kingdom Hearts III si vous n’avez pas joué aux jeux précédents, lu ou visionné des résumés, car vous aurez du mal à comprendre tous les tenants et les aboutissants.
Fort heureusement, des vidéos résumant l’histoire sont incluses dans le jeu afin de vous mettre « à niveau », mais elles ne font qu’effleurer la surface en vous donnant des bases de compréhension bien trop timides à notre goût. À la rigueur, cela peut convenir à qui aurait suivi la série, et dont les souvenirs seraient un peu flous. L’histoire de la série n’est pas compliquée à comprendre, mais il y a eu tellement d’ajout scénaristique au fil du temps, que ça l’a rendue tortueuse et complexe à qui ne sait pas par quel bout la prendre.
Nous débutons donc l’aventure là où la scène post-générique de Kingdom Hearts 0.2 Birth by Sleep nous avait laissé. Sans nouvelles de Ventus et Terra, nous allons devoir nous laisser guider par notre cœur afin de recouvrer tous nos pouvoirs, et nous « éveiller » pour aller extirper Aqua du domaine des ténèbres. Mais comme le disait Kairi dans sa lettre : « Qui sait ? L’aventure ne sera peut-être pas si périlleuse. »
Kingdom Hearts III possède une beauté parfois confondante
Issue d’une collaboration entre Square Enix et Disney, la série des Kingdom Hearts a toujours reçu un traitement très soigné, car il faut le dire, Disney n’aime pas trop que l’on égratigne ses licences. Les jeux ont donc toujours été aussi beaux qu’ils pouvaient l’être. Cependant, ne l’oublions pas, même si nous avons eu droit à des remasters HD, c’est le premier épisode à sortir sur consoles de salon depuis le second opus, alors autant vous dire que le gap graphique entre les remaster HD et Kingdom Hearts III est juste colossale.
Déjà c’est bien simple, si vous n’avez pas les films Disney et le jeu l’un à côté de l’autre, vous aurez l’impression de littéralement jouer dans un film. En termes graphiques, nous aurions donc difficilement pu rêver mieux tant le jeu s’efforce de se positionner en tant que simili Disney/Pixar, tant et si bien que cela le rend plus attaquable sur d’autres points que nous verrons un peu plus loin. On ne va pas vous faire une liste exhaustive de tout ce qui rend le jeu absolument somptueux, mais l’absence d’aliasing, la gestion parfaite de la lumière et des ambiances, ainsi que la perfection de la modélisation des personnages, y sont pour beaucoup dans notre ressenti globale.
Côté musique c’est bien entendu la talentueuse compositrice Yoko Shimomura qui officiait dans l’ombre, et qui nous délivre là une bande-son qui se trouve être, à notre goût, la meilleure que nous ayons eue jusqu’à présent. Cela est peut-être dû au fait que les musiques sonnent souvent plus matures, ce qui est finalement cohérent avec l’évolution de l’état des personnages qui ont eux aussi gagné en maturité sur pas mal de points.
Les compositions sont plus homogènes, souvent plus en symbiose avec les événements, et le résultat nous a transporté de bout en bout. On retrouve bien entendu pas mal de thèmes que l’on connait déjà, mais globalement, contrairement au reste du jeu, on ressent moins le côté « Disney » que dans les épisodes précédents en ce qui concerne la musique. Notre coeur se scinde ici en deux, pleurant nombre de thèmes des opus précédents d’un côté, mais embrassant pleinement les nouvelles compositions de l’autre.
La quintessence d’un gameplay peaufiné au fil du temps
Dans la droite lignée d’un Birth by Sleep, Kingdom Hearts III propose un gameplay complet et jouissif, représentant ce que la série à fait de mieux jusqu’à présent. Une espèce de réunion cathartique des éléments de gameplay, s’imbriquant alors sans accroche pour nous ravir d’une action décomplexée comme nous n’en avions encore jamais vu dans un épisode de la saga.
La monté en puissance suite à la perte de nos pouvoirs est grisante et distillée à un rythme parfaitement maîtrisé. Cependant, à vouloir nous éblouir en permanence, certains éléments, bien que jubilatoires à utiliser, rendent le jeu trop facile. Les Attractions, basées bien entendu sur les attractions que l’on peut retrouver à Disneyland, apportent un plus visuel indéniable et chaque utilisation nous en met plein la vue. Cependant, même en mode difficile, elles vous rendront la tâche si aisée, que vous en perdrez la sensation de plaisir et le sentiment d’exaltation après avoir vaincu un ennemi redoutable.
Plus là pour la frime que pour apporter une plus-value au gameplay, nous avons pendant la partie fait le choix de nous en passer, pour nous concentrer sur le cœur du jeu. Lorsque vous jouez sans les Attractions, vous entrez alors dans l’œil du cyclone, plus rien ne vient s’opposer au plaisir de jeu, et c’est à ce moment-là que vous allez commencer à réellement utiliser les contres et les décors pour vous sortir d’affrontements compliqués.
L’avantage c’est que, même si le mode difficile n’est pas assez ardu à votre goût, vous pouvez très bien moduler vous-même les choses et bloquer votre gain d’expérience, ou la récupération de votre jauge de MP. Cela fait une différence énorme et c’est rien de le dire. Malgré tout, nous pouvons regretter que de base, Kingdom Hearts III représente certainement le challenge le moins abrupte de la série, et qu’il faille jouer avec les compétences de notre personnage pour augmenter « artificiellement » la difficulté. Nous ne pouvons donc que vous conseiller de mettre dès le départ le jeu en difficile, faites-nous confiance, vous ne le regretterez pas.
Nous avions très peur de devoir nous coltiner à nouveau un Vaisseau Gummi aux allures de vaste blague, incarnant le parfait running gag de la série depuis ses débuts. Eh bien force est de constater que pour ce dernier opus, ils ont vu les choses en grand, nous offrant enfin quelque chose de très plaisant à nous mettre sous la dent.
Résultat des courses, la navigation dans l’espace est captivante, il y a une belle variété d’ennemis à affronter, des boss originaux nous donnant du fil à retordre, et le farming des matériaux pour améliorer nos Keyblades se fait avec un plaisir non dissimulé. Autant vous dire que nous avons plus d’une fois oublié la quête principale sur le chemin pour nous rendre au prochain monde, tant nous avions envie d’explorer pour augmenter le niveau de notre Vaisseau Gummi et de le faire évoluer.
Mais qu’est ce qu’il reste après toutes ces années d’attente ? Un jeu Kingdom Hearts qui a su évoluer pour vivre avec son temps en termes de gameplay afin d’aboutir à la quintessence de son style, mais se retrouvant bien souvent bridé par une difficulté trop faiblarde qu’il vous faudra vous-même moduler. Ici les vestiges du passé se ressentent dans la prolifération des murs invisibles ou dans la progression scénaristique assez hachée, comme cela pouvait être courant il y a plusieurs années. Mais même sous ses défauts synonymes d’un développement compliqué, il reste une histoire qui a réussi à raccrocher les morceaux tant bien que mal pour nous apporter une conclusion ne répondant malheureusement pas à toutes les questions, mais qui saura vous combler, à n’en point douter.
Il reste aussi un épisode éblouissant par sa beauté sur le plan graphique, artistique et musical. Mais surtout, il reste un jeu Kingdom Hearts, qui loin de nos rêves et fantasmes adolescents, arrive tout de même à nous surprendre, nous émouvoir, et à faire briller à nouveau la lumière dans notre cœur. Car notre âme d’enfant ne s’est pas envolée avec le temps, elle a juste appris à apprécier les choses différemment, à travers le prisme d’un regard plus mature.