Parler d’Iron Harvest, c’est forcément parler de l’univers 1920+. Une uchronie pleine de mechas dieselpunk ayant pris vie à partir de 2014 via les peintures de l’artiste Polonais Jakub Rózalski. Un univers qui s’est ensuite vu décliné en jeu de plateau lorsque Jamey Stegmaier prit contact avec le peintre pour la création de Scythe.
Nous sommes alors en 2016 et l’uchronie de 1920+ s’est désormais construit un véritable lore. À savoir, une version alternative de notre bonne vieille Europe du début du 20ème siècle où la première guerre mondiale s’est réglé à grands coups d’affrontements de mechas dieselpunk. Ainsi, l’on retrouvera une version divergente de notre véritable histoire, à la fois ressemblante et différente. Et c’est justement ça, tout le sel de 1920+. Donc mieux vaut vous laisser découvrir cette uchronie en personne.
Un univers qui en tout cas aura su séduire les Britishs de chez KING ART Games au point de se lancer dans la création d’une adaptation vidéoludique de Scythe. Ainsi, l’on a vu fleurir en 2018 une campagne participative sur la plateforme Kickstarter pour la création du jeu qui va nous intéresser aujourd’hui, Iron Harvest.
Sans surprise, la campagne de financement fut un succès et l’on peut enfin voir ce que donne l’univers initié par Jakub Rózalski transposé en un jeu de stratégie en temps réel. Surgissent alors deux constats. Premièrement, l’univers de 1920+ était fait pour le genre du STR et deuxièmement… Ça ressemble quand même beaucoup à Company of Heroes, non ?
(Test de Iron Harvest sur PC via une copie du jeu fournie par l’éditeur)
Un gameplay en bonne Company…
Tout le monde l’a vu, tout le monde le sait, tout le monde le dit, Iron Harvest partage de (très) nombreuses mécaniques de jeu avec la série des Company of Heroes. En effet, les joueurs et joueuses ayant mené moult campagnes sur la saga culte du jeu de stratégie en temps réel retrouveront, entre autres, le même système de gestion d’unités, de mise à couvert ou encore d’obtention de ressources via le contrôle de points sur la carte.
Ainsi donc, à l’instar de son glorieux aîné dont il s’inspire, Iron Harvest possède bon nombre d’éléments de gameplay qu’il faudra maîtriser. Cela tombe bien, car il est temps de partir en campagne.
Au nombre de trois, ces campagnes nous plongent au cœur du conflit entre la Saxonie (l’Allemagne) et les Rusviet (la Russie), auquel la Pologne Polonia tente de survivre, bien que prise entre deux feux. Sans être transcendantes, ces campagnes se suivent (littéralement) avec plaisir. Un plaisir dû bien plus à la présence des différents mechas et à l’univers 1920+, en général, qu’à la profondeur des personnages.
De même, si l’univers est original, le gameplay d’Iron Harvest est, quant à lui, très classique. Les objectifs à accomplir se cantonnent aux attaques de bases ennemies, à la défense de bases alliées et aux missions d’escorte et de sauvetage. Des poncifs du genre qui fonctionnent malgré tout. Mais voilà, un peu d’originalité en 2020 aurait fait plaisir.
De même concernant la macro-gestion qui reste assez simple avec la récolte des deux seules ressources (le fer et le pétrole) via la capture de points et la découverte de caches de ressources. La construction d’un camp viable se fait également sans encombre puisque qu’il suffira de se munir de la trinité quartier général/caserne/atelier, et vous voilà prêt.
On viendra ensuite seulement améliorer ces trois bâtiments pour profiter d’unités plus avancées. Une simplicité qui laisse du coup plus de neurones disponibles pour la micro-gestion.
Elle est en effet bien plus mise en avant que la macro avec, à l’instar de Company of Heroes, la possibilité de placer ses unités d’infanterie à couvert d’un muret ou carrément bien au chaud dans un bâtiment. Préserver ses unités d’infanterie est d’ailleurs encouragé. Celles-ci gagnent de l’expérience, les rendant plus efficaces sur le champ de bataille.
Ainsi, c’est dans une même veine que l’on se retrouve fréquemment à utiliser la fonction de repli, octroyant plus de vitesse et de défense à l’unité commandée, pour un retour à la base, histoire de se refaire une santé.
Pourtant, conserver ses unités créées pourrait poser des problèmes stratégiques, car on n’a pas toujours sous la main l’unité nécessaire pour gérer la situation. Fort heureusement, ces unités sont malléables et peuvent changer de classe à loisir. Chaque unité vaincue laisse derrière elle son arme, symbole de sa classe (grenadier, mitrailleur, canonnier, médic et ingénieur du génie), qu’il suffira de faire ramasser à une autre unité pour la transformer en ladite classe. Mais assez parlé des petits bonhommes, place aux machines.
Les mechas dieselpunk sont véritablement les stars de ce Iron Harvest. Passons rapidement sur l’évidence, leurs designs et animations, disons-le franchement, déchirent. Ils peuvent être fabriqués via l’atelier ou récupérés sur le champ de bataille. Ils se séparent globalement en deux catégories : ceux faits pour déglinguer l’infanterie ou ceux pour déglinguer les autres mechas. Capables de détruire un bâtiment bloquant leur avancée, leur seul faiblesse reste leur lenteur.
…et pourtant.
On l’a vu précédemment, Iron Harvest possède de nombreux outils, pour la plupart hérités de Company of Heroes, offrant un vaste éventail de choix tactiques. Hélas, tout ça est gâché par un souci d’équilibrage des unités. En résumé, les mechas sont beaucoup trop puissants.
Si bien que la meilleure stratégie est bien souvent de se forger une armée des deux mechas les plus puissants puis rouler sur l’armée adverse. Et c’est bien dommage étant donné tous les éléments de gameplay centrés sur les unités d’infanterie.
On se retrouve avec tous ces outils entre les mains qui se montrent au final inutiles. On nous encourage par exemple à placer nos unités, mais des problèmes de pathfinding et une IA parfois suicidaire viennent gâcher une stratégie réfléchie en amont.
Des problèmes qui n’aident pas dans un jeu à la difficulté plutôt relevée, même en campagne, même en facile ! Les unités ennemies ne suivent pas la logique des ressources de la carte et les fins de missions peuvent devenir un calvaire lorsque le jeu fait apparaître des vagues d’ennemis surprises, histoire « d’apporter de la tension ». Or, au vu de la longueur (exagérée) de certaines missions, l’échec à quelques clics de remplir l’objectif est fort désappointant.
Surtout si l’on prend en compte le manque de finitions du jeu avec par exemple un group control moins intuitif que dans d’autres titres du genre (oui, Starcraft, on parle de toi, là). On relèvera aussi le manque de mods et de maps pour les missions hors campagne. De même que l’absence du mode coop, promis lors de la campagne Kickstarter.
Des lacunes qui viennent noircir un jeu fait, on en est sûr, avec énormément de bonnes intentions et qui possède tout de même des bases solides. Un problème de finitions au final assez récurent chez les titres des petits studios ayant recours aux campagnes participatives.
Avant de conclure, il serait de bon ton d’évoquer la plastique du jeu. La direction artistique héritée de Scythe est excellente et se prête très bien au jeu de stratégie en temps réel. Les animations des unités additionnées aux différents effets de type explosions, destructions de bâtiments etc., apportent du dynamisme aux affrontements.
Sur l’aspect purement technique, sans être au niveau d’une production AAA, le rendu des unités in-game est satisfaisant, surtout dans un STR où l’on zoome au final rarement sur les modèles. D’ailleurs, ce sera seulement pendant les cinématiques qui ponctuent les missions de la campagne que l’on constatera les faiblesses visuelles du jeu de KING ART Games.
Si l’argument majeur de Iron Harvest est sans conteste l’univers uchronique qu’il dépeint, ce n’est pas son seul atout. Ses mécaniques de jeu, reprises majoritairement de Company of Heroes, sont, de fait, des mécaniques éprouvées et qui donc fonctionnent. Hélas, cela fait planer sur le jeu le spectre de la copie pouvant lui donner un air de DLC sur le tard de Company of Heroes. Reste que KING ART Games a su livrer un jeu solide.
De plus, le genre du STR se faisant bien rare ces temps-ci, il serait bête de faire la fine bouche lorsque des passionnés essaient de faire vivre le genre via un nouvel univers à exploiter. Alors certes, il reste pas mal de choses à peaufiner (IA, mechas trop puissants, group control, pathfinding, etc.), mais le suivi des retours depuis la sortie du titre et l’arrivée de différents patchs et mises à jour rassure concernant l’avenir du titre.