Si le transfert de jeux consoles ou PC sur appareils mobiles est devenu monnaie courante, l’inverse est nettement plus inhabituel, et implique généralement une qualité suffisamment conséquente du matériau de base, tant en termes de réalisation que de gameplay, pour que développeurs et éditeurs souhaitent tenter d’atteindre un autre public que le gamer smartphone ou tablette exclusif. Une denrée rare, donc, et il semblerait que Hungry Shark World en fasse partie.
Vous l’aurez compris, notre propos aujourd’hui sera de déterminer comment un jeu conçu autour d’un maniement tactile aura su s’adapter à un gameplay composé de touches physiques. Et, même si la version évoquée ici est celle de la Nintendo Switch (appareil hybride qui peut lui aussi se jouer sans boutons, donc), votre Humble Narrateur ne l’aura pratiqué qu’au Joy-Con. Allez, c’est parti, on plonge dans le grand bain…
Hungry Shark World does what Sharknadon’t
Gang de requins
Dans Hungry Shark World, ne vous attendez pas à prendre les armes tel un Martin Brody aux prises avec des créatures marines belliqueuses. Non, là, concrètement, le prédateur, c’est vous. Le jeu vous propose d’incarner des requins de taille plus ou moins conséquente, avec toutes les variations en termes de vélocité et de puissance que cela implique. Tous ne seront pas disponibles d’entrée de jeu, et à vrai dire, au début vous n’aurez qu’un seul spécimen à disposition, les autres seront à débloquer au fil de votre progression dans le jeu. Une fois votre choix effectué (si tant est que vous en ayez acquis plusieurs), c’est parti pour une bonne session de massacre aquatique.
L’éventail de requins proposé est assez vaste, et la plupart sont de race existante ou ayant existé (Grand Blanc, bulldog, marteau, jusqu’au terrible et préhistorique Mégalodon…). En tout, une vingtaine de créatures à prendre en main, pour leur faire arpenter les fonds marins au fil des différents stages qui affichent eux aussi une belle diversité : 250 « missions » réparties en plusieurs environnements (océan arctique, îles pacifiques, etc.). De quoi s’en mettre plein le museau. D’ailleurs, il est temps d’entrer dans le détail. Si vous n’êtes pas trop jeune, Hungry Shark World risque de vous évoquer une antique série de jeux, sortis pour la plupart sur consoles SEGA : Ecco the Dolphin. Le titre qui nous intéresse aujourd’hui en reprend le concept de base, à savoir, de l’exploration de paysages sous-marins en 2D, mâtinée de combats sporadiques et de dépaysement aquatique fort à propos en ces temps de grosse chaleur. Mais gare aux apparences !
Size matters
Point ici de promenades détente perpétuelles au fil des vagues, il va s’agir de se nourrir constamment, d’affronter la faune locale, et de se défaire des humains ayant envahi votre océan chéri. Alors si ces derniers, en début de jeu, ne sont que quelques nageurs imprudents que vous savourerez sans aucune opposition de leur part (quitte à sauter sur la plage ou les pontons pour vous servir), par la suite vous aurez à vous colleter des gens nettement mieux équipés pour faire face à votre croisade nutritionnelle. Et les homo sapiens, pour une fois, seront loin de représenter votre principal souci. De fait, les mers que vous visiterez, au même titre que celles du monde réel, regorgent d’une vie sous-marine abondante et diverse, si bien que vous allez croiser une myriade de créatures qui vous serviront de repas, mais aussi un bon paquet de poissons et autres habitants des profondeurs belliqueux qui ne compteront pas se laisser damer sans réagir. Certains vous prendront même pour cible histoire de se taper un apéro pas cher.
Vous l’aurez compris, dans ce jeu comme dans certaines cassettes VHS de pépé, la taille compte. Les premiers petits requins auxquels vous avez accès seront incapables de s’en prendre à certains animaux plus massifs, telles les grosses tortues de mer, et se feront victimiser par tout un tas de créatures désireuses d’en découdre, soit pour manger soit pour se défendre de vos agressions. Vous allez décéder pas mal de fois au début, soyez-en certain, mais ne vous laissez pas gagner par la frustration, la progression se fait de façon juste et régulière, si tant est que vous appreniez à qui vous pouvez vous frotter, qui vous feriez mieux d’éviter pour l’instant, et que vous compreniez qu’il ne sert à rien de foncer tête baissée à travers les niveaux. Car au-delà des chasseurs humains et des prédateurs marins, les océans abritent bien d’autres périls, comme ces saletés de mines ou ces méduses électriques, pour n’en citer qu’un léger panel.
Comme un poisson dans l’eau
Enfin, troisième élément à prendre en considération en abordant Hungry Shark World : la bouffe. L’aventure ne sera pas une promenade de santé, donc il vous faudra garder un oeil constant sur celle-ci. Parce qu’il faut savoir qu’outre les agressions et pièges divers, votre jauge de vie diminue de manière constante, et seule l’absorption de poissons et autres ressources naturelles pourra vous maintenir à flot (ha ha). Une grande partie de votre temps de jeu sera donc consacrée à la recherche de boustifaille, mais n’ayez crainte, les fonds marins grouillent de vie et vous serez rarement en manque de quelque chose à vous mettre sous la dent. Côté gameplay, vous évoluez librement au sein de zones plus ou moins vastes (il y a même une map des lieux comme dans un metroidvania, confirmant les velléités exploratrices emplies de liberté de ce petit jeu mobile classique en apparence, mais qui s’avère être finalement un titre solide et conséquent).
Sur Nintendo Switch, et donc, probablement, sur les autres consoles qui l’hébergent, vous déplacez votre squale tout simplement avec le stick gauche, et il absorbera tout ce qui est comestible automatiquement lorsque ça passera devant son museau. Vous avez également droit à une touche réservée à la morsure acharnée (on connait tous cet aspect des requins) ainsi qu’à un bouton très important, qui a pour but de charger avec vélocité, ce qui permet de rattraper des proies plutôt vives, mais aussi de prendre son élan afin de sauter hors de l’eau pour choper ce qui vole (même les hélicos, si vous avez une assez grosse bête !) ou atterrir sur les rochers et plages avant de consommer tout ce qui s’y trouve. Vraiment jouissif. Par contre, ces attaques vicieuses vident votre seconde jauge, celle du boost, donc vous ne pourrez pas en user et abuser, il faudra attendre qu’elle se remplisse à nouveau, ce qui se fait automatiquement et plutôt rapidement.
Sous l’océaaaaaan
Et puis, pour aborder le dernier aspect de cet excellent jeu bourré de passages cachés et de secrets et trésors à foison, parlons un peu évolution. Progresser dans le jeu sera dépendant d’un certain nombre d’objectifs fixés à chaque requin. Manger tant de personnes, parcourir telle distance, marquer tant de points en une run, trouver tant de coffres aux trésors… La liste est longue, et agréablement diversifiée. Une fois le niveau terminé (ou votre arrêt de mort signé, ce qui ne manquera pas d’abonder en début de jeu) vos performances seront évaluées en termes de points, de temps joué et autres critères, ce qui vous apportera de l’XP afin de renforcer votre requin, d’acheter des compétences propres pour lui, ou d’acquérir de nouveaux sélachimorphes. Il y a toujours quelque chose à faire dans Hungry Shark World, et son format issu du mobile permet des parties courtes et intenses tout autant que de longues sessions si le temps ne vous manque pas.
Croyez bien que vous aurez du mal à terminer ce jeu sans y avoir passé du temps, et c’est ce qu’on attend d’un jeu payant (une dizaine d’euros) plutôt que de la version mobile free to play. On en veut pour notre argent nom d’un petit marsouin ! Allez, on va finir sur un rapide survol technique. Le jeu s’avère coloré, délassant avec ses fonds marins envoûtants et sa multitude de créatures aquatiques diverses et variées ; le tout accompagné de requins au look comique mais parfaitement reconnaissable pour qui aime ces animaux, et de musiques tantôt pêchues, tantôt dépaysantes. Les décors de fond sont une véritable invitation à la plongée, alors aiguisez vos crocs et passez à table, vous ne le regretterez pas, d’autant que le maniement physique est impeccable, peut-être même encore plus que sur la version mobile originelle (donc tactile).
Conclusion Hungry Shark World
Jubilatoire, mignon à voir, bien plus profond qu’il n’en a l’air de par ses aspects progressifs ainsi que tout ce qu’il offre à débloquer, et surtout, doté d’un gameplay nickel sur console, Hungry Shark World est l’exemple type de ce que l’univers mobile peut apporter de plus qualitatif à nos appareils de salon, quand la tolérance entre ces deux univers vidéoludiques divise généralement les opinions. Une bien belle expérience riche en diversité et en dépaysement en ces temps de forte chaleur. Premium (10€) contrairement à son ancêtre mobile, le jeu vous demandera de transpirer des ailerons plutôt que de passer à la caisse pour évoluer, et ce n’est pas une mauvaise chose, la durée de vie s’en voit nettement améliorée, et le jeu conviendra tout aussi bien au pressé qui n’a que quelques minutes à lui consacrer, qu’au relax qui souhaiterait communier des heures durant avec le Grand Blanc Bleu.