En 2016, la licence Hitman était revenue sur le devant de la scène avec un reboot développé par IO Interractive et édité par Square Enix. Un retour réussi pour l’Agent 47, après un épisode Absolution, certes bon, mais qui avait divisé les fans à cause d’un système de jeu jugé trop action. Une critique compréhensible lorsque l’on sait que Hitman a toujours été l’un des fleurons du genre infiltration.
Sans refaire tout l’historique de cette grande saga, et de son studio créateur toujours aux manettes 18 ans après le premier opus, il faut admettre que ce reboot était le bienvenu. Il a tout simplement réussi à dépoussiérer une licence qui en avait besoin, tout en restant très fidèle à ses principes de base.
Ce fut alors le retour de la grande infiltration comme on l’aime, dans des environnements graphiquement très riches, fourmillant de vie et de possibilités d’assassinats. Après ce retour réussi, on était en droit d’attendre une suite à la hauteur et c’est donc en cette fin 2018 que nous est proposé un Hitman 2 toujours développé par IO, mais édité cette fois-ci par Warner.
(Test de Hitman 2 réalisé sur PlayStation 4 avec une fournie par l’éditeur)
Il s’en est passé des choses entre la sortie du Hitman de 2016 et l’arrivée de ce deuxième épisode. Pour la faire courte, IO Interractive, qui était une branche de Square Enix, retrouva son indépendance suite à un rachat interne, parvint à garder sa licence phare et trouva ensuite un accord avec la Warner pour éditer Hitman 2. Autant dire qu’avec autant d’agitation, le développement aurait pu être chaotique et on avait peur de se retrouver face a un jeu décevant et souffrant de nombreux maux. Imaginez alors notre joie lorsque nous nous sommes aperçus qu’au contraire, cette suite est encore plus fine et réussie que son aîné.
L’effet Star Wars 7
S’il y a bien une chose qui nous avait laissés sur notre faim dans le reboot c’est le scénario. Souvenez-vous, une petite polémique avait entouré la sortie de Hitman parce qu’il était découpé en plusieurs épisodes à la manière d’une série télévisée pour former une saison complète. En toute honnêteté, pour nous l’écriture en avait énormément pâti et lorsque l’histoire commençait enfin a se sortir les doigts du fessier, la saison prenait fin. Autant dire que les bases scénaristiques pour ce Hitman 2 sont maigres et cela se ressent énormément.
Si les personnages principaux sont connus, tout le délire autour de l’organisation malfaisante secrète, de l’enfance de 47 et du passé de Diana, reste encore extrêmement flou lorsqu’on aborde Hitman 2. Ainsi, on a droit à un fourre-tout maladroit qui tente de rattraper le retard pris avec le premier épisode en nous offrant des révélations clichées dépassées aujourd’hui, des retournements de situations trop rapides et une écriture bien générique. Il ne suffit pas de s’inspirer de films ou livres d’espionnage, il faut aussi savoir mettre en place une histoire cohérente qui sait prendre son temps.
Les cinématiques ne font même plus l’effort d’être animées et proposent un rendu en motion-design qui donne un cachet assez élégant à la narration. Si ce n’est pas forcément ce que l’on attendait pour un jeu de la trempe de Hitman 2, on reconnait tout de même que cela colle parfaitement au genre et que ce n’est pas désagréable à regarder. Bien au contraire, c’est là presque le seul intérêt des cinématiques. Les briefings de mission, quant à eux sont exécutés avec le moteur du jeu, sont somme toute classiques, mais toujours aussi précis.
The world is yours
Passé ce constat plutôt déplorable concernant le scénario, Hitman 2 s’impose comme étant encore plus réussi que son prédécesseur sur le reste. Six nouvelles destinations sont au programme : Miami, la Colombie, l’Inde, la Nouvelle Zélande, ainsi qu’un patelin de banlieue quelque part aux États-Unis et une plage en mer du Nord. Autant de lieux dans lesquels mettre à l’épreuve nos talents d’assassin de l’ombre.
La force de ce nouvel épisode ne diffère pas de celle du précédent, à savoir proposer des environnements ouverts dans lesquels les possibilités d’approche et d’assassinats sont en grand nombre. Que l’on suive les opportunités scénarisées, permettant aussi de se familiariser avec une zone, ou que l’on cherche à improviser pour se frayer un chemin jusqu’au pauvre gus qui mourra de notre main, le total de possibilités offert est incroyable. À tel point que l’on s’y perd parfois.
Cela est dû non seulement à l’intelligence du level-design, à la qualité du game-design, mais aussi à la capacité qu’ont les développeurs de IO de mettre en place des set-up nous permettant de laisser libre cours à notre imagination. Bien entendu, 47 a à sa disposition tout un tas de gadgets nous aidant comme l’outil de crochetage ou encore sa fidèle corde de piano, et c’est sans compter tout ce que l’on peut trouver sur le terrain de jeu.
Le moteur graphique fait encore une fois merveille, affichant un nombre incroyable de détails et de PNJ au mètre carré, ainsi qu’un rendu des différents environnements très réussi, en un mot c’est beau et d’une grande richesse. Seuls les modèles de personnages ou quelques animations hachées trahissent ce constat.
On se sent libre d’évoluer comme on l’entend dans ce sandbox qui ne souffre quasiment d’aucun défaut, et on constate même à force d’écumer encore et toujours le même lieu que l’ennui et la répétitivité ne nous gagnent jamais. On découvre constamment de nouvelles opportunités, de nouveaux petits détails insoupçonnés qui font de chaque niveau une source presque intarissable de perspectives.
Lethal weapon
Comme de coutume, Hitman 2 offre la possibilité aux joueurs de décider de leur style de jeu. Cela passe par plusieurs choses. D’une part la difficulté choisie, jouant un grand rôle sur les outils que l’on peut ou non utiliser, comme la capacité de voir à travers les murs. Cela permet de se créer un jeu qui correspond à nos affinités. Tout comme l’on peut ne pas suivre les opportunités de meurtres scénarisés, elles ne sont là au final que pour guider le joueur lors de ses premiers pas dans une mission, pour qu’il puisse après avoir les outils pour se créer les siennes.
Ensuite, il en va de notre façon de jouer. Si vous aimez la furtivité et ne désirez pas accumuler les cadavres, cela est tout à fait possible. Au contraire, si tuer ne vous dérange pas et que vous aimez sortir de temps en temps une bonne pétoire, rien ne vous en empêche non plus. Les perfectionnistes recommenceront ainsi à chaque fois qu’ils sont découverts par l’ennemi, et les autres joueront à l’instinct, en prenant les situations les unes après les autres et en improvisant.
C’est là aussi que l’on voit que Hitman 2 est un jeu intelligent. Il n’y a pas une façon de jouer ou une qui est meilleure qu’une autre, il y a simplement celle que le joueur se fabrique. Il est toujours gratifiant de monter un plan de A à Z et de réussir à le mener à bien sans encombre, mais ça l’est tout autant de réussir à éliminer sa cible en improvisant au fur et à mesure. L’expérience est vôtre et le monde est votre arme.
La mécanique du tueur
Notre arme oui. Mais cela n’est vrai qu’en partie, parce que pour compléter cela, il nous faut aborder le gameplay. Vis-à-vis du reboot, Hitman 2 se montre en tout point presque similaire. Car si on peut maintenant se cacher dans la végétation, se camoufler dans un groupe de personnes ou encore se faire repérer via les miroirs, ce qui joue des tours lorsque l’on ne le sait pas, il n’y a rien de bien nouveau non plus.
Tout juste IO Interractive a-t-il peaufiné sa formule et apporté au gameplay un peu de fluidité. Les actions s’enchaînent mieux, tout va plus vite et on a enfin l’impression que 47 réagit au quart de tour. On regrette par contre toujours une ergonomie de l’inventaire qui reste à revoir, notamment pour sélectionner et ranger nos gadgets ou armes.
Mais le gameplay prend aussi en compte une composante qui n’est pas visible au premier coup d’œil. C’est tout le travail de planification. Si on peut déjà préparer notre sortie en amont via les choix du lieu de départ, de notre accoutrement ou bien même des objets que l’on souhaite embarquer avec nous, c’est bien sur place que tout se joue. Ainsi, on est encouragé à étudier notre environnement et tenter des choses en l’utilisant à notre avantage. Il n’y a jamais eu autant de possibilités de diversions, de routing différents et d’outil à notre disposition.
Le but est de réussir à anticiper les scripts et de mettre en place un plan d’action censé nous mener à notre proie en toute sécurité. C’est subtil, cela demande de la rigueur d’exécution, de nombreux essais parfois et c’est grisant d’y arriver. Le gameplay suit bien et permet aussi de faire face à l’imprévu, car si une situation se corse on peut toujours se défendre et rentrer en mode gun-fight. Malheureusement, là n’est pas la force de Hitman 2 est ces derniers sont particulièrement mous et amènent bien souvent à une mort rapide, et ce malgré la totale connerie de l’IA dans ce genre de situation.
Y-a-t-il une IA dans le cockpit ?
L’IA. Cela a toujours été un problème à prendre en compte dans les jeux d’infiltration. Elle est souvent synonyme de casse-tête pour les développeurs et de déception pour les joueurs. Que les choses soient claires, sans être parfaite, elle fait le boulot, même si quelques éternels soucis sont présents.
Éteignez la lumière et peu importe le nombre de gardes présents dans la pièce, seulement un viendra voir ce qu’il se passe. Reste plus qu’à le neutraliser et répéter l’opération pour nettoyer facilement une pièce. C’est ce genre de petites choses qui gâchent un peu l’expérience, et qui auraient mérité d’être repensées.
Ainsi, il est souvent aisé de prendre ponctuellement l’IA en défaut. Elle ne nous voit parfois pas lorsque l’on est accroupi à côté d’elle, elle peine à nous repérer à plus de cinq mètres et se montre outrageusement permissive dans certains cas. Alors qu’elle sait aussi être presque omnisciente et nous repérer d’un coup d’un seul.
Elle est capable de rentrer en phase de recherche assez vite – avant d’être en alerte – si elle repère quelque chose de suspect et devient vite agressive. Il faut alors toujours faire attention à ne pas traîner là où on n’a pas le droit, d’éviter une fouille alors que l’on est armé ou encore prendre soin de bien camoufler nos actions et ne pas laisser trace de notre passage. Notons aussi que finalement le plus gros ennemi n’est pas forcément le garde armé, mais le bien le simple badau qui promène son chien et qui donnera l’alerte à qui de droit au moindre écart de conduite.
C’est donc toute une composante environnementale à prendre en compte là aussi. Le moindre PNJ effectuera une routine scriptée qu’il faut considérer dans la planification de ses actions. Car si l’IA peut se montrer assez crédule, elle n’est pas abrutie pour autant et elle scrute sans que vous le sachiez chacun de vos faits et gestes. Et une fois repéré cela peut devenir compliqué.
Compliqué, mais pas insurmontable, la faute à des rixes armées dans lesquelles L’IA a tendance à se jeter dans la gueule du loup sans aucune intelligence. Heureusement qu’elle sait se montrer particulièrement meurtrière, surtout en groupe et qu’une fois repéré, à part nettoyer la zone, il est très difficile de s’en sortir. Oui, Hitman 2 n’est pas un jeu d’action, il peut le devenir, mais il faut alors être très bien préparé.
Hitmania
Côté contenu, on est vraiment gâté. Sachez déjà que si vous possédez la saison complète du reboot, vous pourrez la retrouver dans son intégralité avec des niveaux remastérisés dans Hitman 2. Ensuite, on voit le retour d’une feature aimée des joueurs, celle de pouvoir créer ses propres défis dans les différents environnements et de les proposer à la communauté via le système des contrats.
De plus, les différents niveaux du mode campagne proposent eux aussi de nombreux défis à remplir, un classement en ligne et un grand nombre de possibilités à débloquer. Plus on excellera dans un même endroit, plus on nous offrira de nouvelles opportunités pour planifier notre arrivée sur zone en amont. Il y a donc un véritable intérêt à faire et refaire une zone au-delà du simple challenge d’arriver à abattre ses cibles de différentes façons.
Par ailleurs, deux modes de jeux font leur apparition. Le premier était déjà connu avant la sortie du jeu et même jouable pour certains, le fameux mode Sniper Assassin. Ce dernier demande seul ou en coop d’éliminer des personnes avec un fusil à lunette sans se faire repérer sous peine que les cibles s’échappent. Le deuxième, appelé Ghost, est plus original et demande à deux joueurs de s’affronter chacun de leur côté sur un environnement donné. Il s’agit simplement de réussir à tuer plus vite que le joueur adverse. Une très bonne idée qui se montre prometteuse, alors qu’elle est toujours en bêta.
Enfin, IO Interractive a déjà commencé à apporter du contenu gratuit régulier au jeu, on parle ici de contrats spéciaux avant tout. On sait que le studio accorde un gros suivi au jeu et nul doute qu’il apportera encore et toujours de nouveaux défis que la communauté devra relever. Il est donc très dur d’évaluer la durée de vie, car si la campagne est assez courte, il y a tout de même de très longues heures de jeu en perspective en dehors de cela.
Il n’a pas été aisé pour nous de juger et surtout de noter Hitman 2. Tout simplement parce qu’il ne prend aucun risque et se repose avant tout de chose sur ses tranquilles lauriers. Il ne fait finalement que peaufiner quelque peu une formule qui a fait ses preuves il y a deux ans et apporte quelques modes de jeu dans sa besace. Cependant, nous ne pouvons nier avoir pris un pied monumental en jeu, on ne s’ennuie toujours pas, et ce malgré le fait que l’on a écumé des dizaines et dizaines de fois chaque environnement.
Hitman 2 est d’une richesse inouïe, bien plus que son aîné, et offre aux joueurs une liberté d’action et de choix extraordinaire. Il est l’un des meilleurs épisodes de la saga et retrouve aisément son trône et sa couronne de roi du genre infiltration. La bonne surprise de cette fin d’année.