Fin 1998, Grim Fandango faisait son apparition sur PC. Le titre avait été un échec à l’époque, tant il s’agissait avant tout d’un jeu très personnel pour Tim Schafer, mais possédant surtout un humour un poil plus raffiné, plus subtil que les précédents titres du célèbre développeur. Seuls les plus vieux et les plus chanceux d’entre nous ont pu avoir accès à ce chef d’oeuvre du jeu d’aventure, ses dernières versions commerciales datant des années 2000. Les esprits de ces derniers ont probablement été émus à l’idée d’une version remasterisée du titre, qui allait la remettre au goût du jour et surtout le dévoiler aux yeux du grand public.
Test de Grim Fandango Remastered sur PC
Le pays des morts
Avant de s’attaquer à la qualité de la remasterisation du titre, il est d’abord bon de critiquer le volet original. Si Grim Fandango a été un échec à l’époque, c’est qu’il s’agissait d’un titre qui avait finalement peu de choses à voir avec le catalogue aventure de LucasArts. Alors que les précédents jeux du studio étaient principalement centrés sur un humour gras, souvent facile, mais servi par une histoire et des personnages attachants, Grim Fandango prenait le parti pris d’offrir une aventure assez noire, dont l’humour était subtil, teinté de jeux de mots, et dont les personnages étaient bien plus complexes et denses que les héros de Day of the Tentacle ou Monkey Island.
Ici, on incarne Manny Cavalera, agent de voyage rattaché au Département des Morts. Son boulot consiste simplement à vendre des voyages de luxe aux âmes des défunts, tout en ponctionnant une jolie commission sur le prix dudit voyage. Malheureusement, son affaire a connu de meilleurs jours, tant un de ses concurrents, Domino, domine le marché et ne lui laisse plus que les clients les plus démunis. C’est l’apparition de la belle Mercedes Colomar qui lui met la puce à l’oreille : promise à un voyage en TGV super-luxe, elle finit par subir un périlleux trajet à pieds. Quelque chose ne va pas, et notre VRP de l’au-delà est bien décidé à découvrir ce qui cloche. Lancé à la recherche de sa cliente, accompagné d’un démon dont on découvrira la personnalité au fil de l’aventure, on découvrira un monde peuplé de personnages tout aussi atypiques qu’attachants, et tous dotés d’une véritable histoire. Ne vous inquiétez cependant pas : comme dans tous les jeux de Schafer, n’importe quelle phrase justifie une blague ou un mot d’humour qui rendront votre aventure inoubliable.
Une écriture loin d’être squelettique
Notre héros évoluera vers son objectif tout en écoutant et comprenant les motivations des autres protagonistes. Comme je l’ai précédemment évoqué, tous possèdent un background intéressant, profond et toujours un peu louche. Non content de s’associer à des individus peu recommandables, Manny se paiera le luxe de nous offrir de nombreux échanges verbeux avec ces derniers, toujours drôles et bien écrits. Les développeurs ont poussé le vice jusqu’à écrire une histoire d’amour loin des clichés, pudique et, je me répète, bénéficiant d’une jolie profondeur. Cette dernière correspond finalement à ce qu’on imaginerait d’une relation amoureuse dans l’au-delà.
Toute écriture, quelque soit sa qualité, se voit confrontée au périlleux exercice du doublage. Une histoire peut ainsi se retrouver sublimée, ou défigurée, par un doublage. Pas d’inquiétude à avoir dans le cas de Grim Fandango Remastered : le casting en devient révoltant tant il est talentueux, et ceci qu’il soit en version originale ou en version française. En effet, si bien peu de versions traduites peuvent se targuer de rendre honneur à la version originale, celle du titre fait indéniablement partie du haut du panier des adaptations de qualité. Aucune blague n’est omise, et chaque référence est brillamment adaptée à notre culture.
Une réédition de qualité, mais pas HD
Même si le sigle « HD » n’est pas présent dans le nom de Grim Fandango Remastered, on peut vite penser que la réédition du titre est également cosmétique. Il n’en est rien, et ce n’est pas vraiment un problème : la direction artistique n’a pas pris une ride et les tableaux restent très agréables à l’oeil. On a toutefois le droit à quelques retouches graphiques : les modèles 3D et les éclairages ont été modernisés, quelques jolis effets d’ombre ont été ajoutés et quelques tonnes d’aliasing ont été supprimées. Quel plaisir de retrouver Grim Fandango sous cette forme qui flatte un peu plus la rétine. Les contrôles de l’époque ont quant à eux été modifiés. Ces derniers étaient le principal défaut de Grim Fandango à l’époque de sa sortie. Etant donné qu’il s’agissait d’un des premiers jeux en 3D de LucasArts, le studio a pensé juste de troquer les contrôles point & click, classiques de ses jeux précédents, pour des contrôles à l’aide du clavier. Lourds et imprécis, ces contrôles avaient provoqué la grogne des joueurs et des critiques, mais les moddeurs avaient rapidement pris la main pour produire des contrôles plus adaptés. C’est du travail de ces derniers que les gars de Double Fine se sont inspirés pour le titre : on retrouve des contrôles en point & click mais aussi à la manette. Le clavier a lui aussi été rectifié, devenant enfin naturel.
Enfin, à propos de l’audio, le jeu se dote d’un commentaire des développeurs fort intéressant et complet, donnant une bonne raison aux vieux briscards ayant déjà touché au jeu de s’y remettre, mais surtout d’une refonte de la bande originale. S’il s’agissait déjà d’une des bande-sons les plus saluées de l’histoire du PC, celle-ci sera refondue à l’aide d’un orchestre symphonique, transcendant cet OST déjà excellent.
Conclusion de Grim Fandango Remastered
Grim Fandango Remastered nous offre un Grim Fandango à nouveau fringuant, enfin libéré d’un temps trop ancien. Faisant honneur au matériau original, en évitant de se livrer au périlleux risque de la refonte complète, Double Fine offre l’occasion à une nouvelle génération de joueurs de s’atteler à cet excellent titre. Pour à peine 12 euros, c’est l’occasion de découvrir l’un des monuments du jeu d’aventure, et plus largement du jeu vidéo.