On ne l’attendait pas ! Parmi toutes les licences en dormance à dépoussiérer chez Konami, et il y en a plus d’une, jamais nous n’aurions pensé à GetsuFumaDen. Le titre sorti sur Nes en 1987, avec ses airs de Castlevania, a pourtant bénéficié d’un joli succès, en étant parfois même qualifié de culte sur l’archipel. Mais de là à ressortir du chapeau cette relique du passé, complètement inconnue hors des frontières du Japon ? C’est pourtant ainsi que renaît de ses cendres GetsuFumaDen: Undying Moon, développé en collaboration avec les indépendants de chez GuruGuru, et édité par Konami, donc.
Annoncé lors de l’Indie World de Nintendo au mois d’avril dernier, le jeu a fait sensation, notamment grâce à une identité visuelle atypique, pour finalement arriver, après un passage en early access sur Steam, sur l’eShop de la Switch ce 10 février 2022. Une renaissance qui pourrait servir de symbole à Konami, empêtré dans des échecs et polémiques depuis bien trop longtemps maintenant. Et quoi de mieux qu’un Rogue-lite pour tout reprendre à zéro ? Est-ce que ce GetsuFumaDen: Undying Moon, un projet sans grande pression, ne pourrait pas être un premier pas vers un retour en grâce de l’éditeur ?
(Test de GetsuFumaDen: Undying Moon sur Switch réalisée via une copie du jeu fournie par l’éditeur)
L’enfer dans toute sa splendeur
La première chose qui marque lorsque l’on se lance dans l’aventure, c’est bien évidemment sa direction artistique. Inspirés d’estampes japonaises, les décors sont un véritable régal pour les yeux. Les arrières-plans sont superbes et explorer chaque zone nous permet de flatter chaque fois un peu plus notre rétine. Le rendu global est remarquable, bluffant même. On visite donc chaque lieu de ce Japon féodal onirique avec toujours le même plaisir de découvrir chaque biome, chaque ennemi, chaque boss se trouvant sur notre chemin. Car de nombreux affrontements jalonnent notre aventure, des dizaines et des dizaines de yokaïs tous horriblement magnifiques. Vraiment, techniquement et artistiquement, GetsuFumaDen: Undying Moon est une réussite.
En découle fatalement la question de la lisibilité, surtout dans l’action. Et sur ce point, malheureusement, on ne peut que constater les dégâts. L’action a beau être d’une fluidité sans faille malgré un grand nombre d’effets à l’écran, on perd également régulièrement le fil des événements, ce qui engendre un certain agacement lorsque notre héros se fait fesser sans que l’on ne s’en rende vraiment compte. Mais pourtant, on continue, on en redemande, on aime ça presque. Le flow de la boucle de gameplay a ce petit quelque chose d’addictif qui nous laisse après chaque run avec un petit goût de « reviens-y ».
C’est d’autant plus plaisant que les musiques qui accompagnent notre périple sont à la hauteur. Très variée, la bande originale se met au diapason de la direction artistique, avec de la musique traditionnelle japonaise laissant place à un style plus reggae pour ensuite partir sur un bon gros rock épique en guise de musique de boss. On pourrait imaginer que tant de disparités pourrait nuire à l’immersion. Pourtant, il n’en est rien. Bien au contraire même. Les compositions de GetsuFumaDen: Undying Moon nous font voyager en même temps que notre avatar dans ces environnements hostiles.
Un Dead Cells avec une moustache ?
Le jeu n’est pas vraiment une révolution, loin de là, et s’inspire très largement de ce qu’a proposé Dead Cells il y a quelques années déjà. On est poussé à explorer au maximum ces environnements générés semi-aléatoirement afin d’obtenir de quoi remplir nos deux slots d’armes principales et secondaires en tuant des ennemis évidemment, en fouillant des coffres disséminés ici et là et en découvrant les échoppes de chaque zone. Même dans les mouvements, GetsuFumaDen: Undying Moon tente la copie carbone de Dead Cells. Hélas, il échoue sur ce point, la faute à une rigidité et un manque de réactivité du personnage concernant les sauts et les roulades. De quoi crier à l’injustice, légitimement, lorsque le double saut ne répond pas correctement dans une phase demandant précision, ou que l’esquive refuse de se déclencher comme on l’espérait.
Là où il se différencie de son inspiration, c’est dans son système d’évolution. Basé sur l’accumulation de ressources, il se compose de deux grands versants : les améliorations permanentes et celles restreintes à une run spécifique. Ces dernières offrent un axe stratégique relativement faible puisqu’elles consistent uniquement à choisir plus ou moins librement si l’on souhaite augmenter sa puissance ou sa survivabilité pendant une partie.
Les améliorations permanentes, quant à elles, s’obtiennent grâce aux divers matériaux de monstres glanés au péril de nos vies. Il est ainsi possible, en parlant au marchand approprié, soit d’augmenter ses statistiques passives (points de vie, furtivité, débuter un cycle avec plus d’argent…), soit d’activer de nouvelles capacités, souvent offensives, aux armes (qu’il faudra préalablement acheter).
Avec tous ces systèmes, globalement simples à appréhender, on pourrait s’attendre à une personnalisation poussée, offrant une grande variété d’approche. Ce n’est que partiellement vrai. Effectivement, si on souhaite aller au bout du concept, on trouvera de quoi optimiser ses approches. Néanmoins, son équilibre nous semble à revoir. En effet, il faudra de longues heures pour enfin débloquer la moindre amélioration, au forceps, et on finira le plus souvent par se concentrer sur l’archétype de jeu nous correspondant le mieux, sans trop en dévier.
Car les débuts de GetsuFumaDen: Undying Moon sont âpres, et pas très enclins à nous faire le moindre cadeau. Il conviendra d’insister, pour s’acclimater peu à peu à l’hostilité ambiante pour, au prix de nombreuses morts, débloquer ses premières améliorations et capacités. Et quand le jeu finit par nous ouvrir ses portes, c’est là que toutes les belles surprises qu’il nous a cachées se dévoilent, chaque boss étant véritablement le climax de chacune des nombreuses zones. La montée en puissance devient alors beaucoup plus rapide, permettant de voir enfin de réelles avancées, où chaque pas vers l’inconnu est récompensé comme il se doit.
N’hésitant pas à s’inspirer allègrement d’un certain Dead Cells, GetsuFumaDen: Undying Moon n’en reste pas moins un titre avec sa propre personnalité. Avec sa direction artistique à tomber par terre et sa bande sonore de haute volée, il a tout pour instantanément happer le moindre amateur de Rogue-lite dans son univers. Pourtant, ce n’était pas gagné et les premières heures laissaient presque paraître un nouvel échec du côté de Konami, la faute notamment à un gameplay assez rigide et à une évolution bien trop lente, frustrant le joueur plus qu’elle ne le récompense. Quelle erreur nous aurions fait d’en rester à cet état des lieux. Bien au contraire, c’est au prix d’efforts, certes pas très agréables aux débuts, qu’enfin le jeu nous offre ses moments de grâce.
Et c’est finalement là que le parallèle avec Konami pourrait se faire. Ils sont depuis quelque temps dans une spirale très négative, à la recherche d’un renouveau, d’une seconde jeunesse comme lorsqu’ils nous faisaient rêver avec les Metal Gear Solid, Castlevania et autres PES. En nous ressortant cette licence d’outre-tombe pour un tel résultat, ils se montrent la voie à suivre vers la rédemption. Une voie difficile certes, mais qui, une fois les premières embûches traversées, représentent le premier pas vers un avenir radieux que l’on espère tous.