Pour son premier jeu d’envergure, Ritual Studios nous invite à un concert d’un nouveau genre nommé Fretless: The Wrath of Riffson. Cette aventure hybride accorde stratégie au tour par tour, la personnalisation du deck-building et le rythme de la musique. Un mélange audacieux qui promet de faire grand bruit, mais l’ensemble est-il à la hauteur de son potentiel ou la partition jouée sonne-t-elle faux ?
(Test de Fretless: The Wrath of Riffson réalisé sur PC à partir d’une version fournie par l’éditeur)
Un jour je serai le meilleur musicien
L’histoire commence au Bourg Palette du monde du Riff, où Rob, notre musicien en herbe, décide de s’inscrire au Battle of The Bands, une compétition regroupant les meilleurs musiciens et organisée par Rick Riffson, le tyrannique PDG de Super Metal Records. Pour obtenir son ticket d’entrée, Rob va devoir se mettre en route et affronter les divers monstres que la corporation a lâchés dans la nature pour voler les notes des autres artistes. Armé de ses instruments, il va devoir prouver sa valeur, et c’est là que la magie du gameplay opère.
Le cœur de Fretless réside dans ses combats au tour par tour, mais oubliez l’attente passive. Ici, le joueur doit rester dynamique : une pression bien sentie sur le rythme de la musique octroie un bonus de 50% de dégâts, et une parade effectuée dans le bon tempo réduit les dégâts subis de moitié. Le jeu ne se contente pas de parler de musique, il l’intègre intelligemment dans sa boucle de gameplay. Cette mécanique simple mais terriblement efficace transforme chaque affrontement en un mini-jeu de rythme dans lequel un joueur exigeant cherchera constamment le tempo parfait, rendant les combats bien plus engageants.
Jouer sa propre partition
Pour combattre, Rob disposera de plusieurs instruments. Chacun (guitare, basse, synthétiseur…) possède son propre set de capacités et sa mécanique unique : La basse, par exemple, demandera de monter sa jauge de « slap » pour déchaîner de puissantes attaques de zone, tandis que le synthétiseur se concentrera sur l’application d’altérations sur les ennemis, dont les attaques tireront partie ensuite. La guitare huit cordes, quant à elle, propose des riffs surpuissants qui consomment la propre vie de Rob, demandant une certaine gestion du risque.
Qui dit instruments de musique dit riffs, et ce sont eux qui constituent vos différentes capacités. Au fil de l’aventure, vous débloquerez de nouvelles cartes de riffs, ouvrant la voie à une mécanique de deck-building. Chaque instrument disposera d’un nombre de riffs maximum, et c’est au joueur de composer son inventaire de riffs utilisables en combat. En combat, vous disposez d’une « main » de six capacités, et pouvez en jouer jusqu’à trois par tour, qui seront ensuite remplacées. Cette personnalisation est plutôt bienvenue pour varier les approches.
Une symphonie audiovisuelle
Là où le jeu frappe un grand coup, c’est dans son ambiance. La direction artistique est charmante et, surtout, la bande-son est une pure réussite. Dynamique, elle s’adapte à l’instrument que vous équipez. Chaque biome traversé possède également sa propre identité visuelle et musicale, corrompue par l’influence de Super Metal Records. On parcourt ainsi des forêts jazz, un volcan où le métal est roi, ou une citadelle punk saturée de larsens. Les combats de boss, apothéoses musicales de chaque zone, sont de véritables moments de bravoure qui rendent les affrontements épiques.
Et cette qualité musicale n’est pas le fruit du hasard, puisque Ritual Studios a réuni un véritable casting cinq étoiles pour composer la bande-son. Aux côtés de Rob Scallon , dont l’univers rock et décalé sert de toile de fond à l’aventure, on retrouve une pléiade d’artistes issus des scènes metal, progressives et expérimentales, tel que Northlane, Cult of Luna, Mary Spender et bien d’autres. Cette bande-son est véritablement le moteur du jeu, et met en place un univers sonore extrêmement convaincant et cohérent. Cette richesse des collaborations fait de la bande-son bien plus qu’un simple accompagnement : c’est un véritable voyage à travers les multiples chapelles de la musique rock et expérimentale moderne.
Beaucoup de mécaniques pour un potentiel inexploité
C’est cependant dans ce mélange des mécaniques que le bât blesse. Fretless combine tour par tour, rythme et deck-building, mais ce mariage prometteur n’atteint jamais son plein potentiel. Toutes les mécaniques de profondeur s’avèrent finalement être de simples bonus optionnels. Le mini-jeu de rythme des attaques ultimes n’impacte pas leurs dégâts, et la partie deck-building reste si secondaire qu’il est possible de finir le jeu sans y toucher. On peut améliorer ses riffs, mais là encore, l’impact est trop minime. Le jeu suggère une profondeur tactique qu’il ne développe jamais pleinement, laissant le joueur avec une panoplie d’outils intéressants, mais rarement indispensables.
Cette même frustration se retrouve dans la progression. Pour améliorer ses instruments, Rob doit trouver des accessoires cachés dans des niveaux linéaires. Sans système d’expérience traditionnel et avec des améliorations aux effets trop discrets, le sentiment de montée en puissance est quasi-inexistant. On avance sans jamais vraiment sentir le besoin d’adapter ses riffs, ce qui laisse une routine s’installer un peu trop rapidement. Même le déblocage rapide de nouveaux instruments, s’il est plaisant, renforce ce sentiment de survol. Heureusement, la passion mise dans l’univers, la variation des biomes et la qualité de la bande-son compensent en partie ce manque.
Fretless: The Wrath of Riffson est un jeu au concept brillant mais qui souffre d’un paradoxe frustrant. D’un côté, son univers rock, sa direction artistique impeccable, sa bande-son exceptionnelle, et sa boucle de combat active sont une véritable réussite qui transpire la passion – jusqu’aux fleurs qui jouent de la musique lorsqu’on marche dessus. De l’autre, toutes les excellentes idées de profondeur – le deck-building, le jeu de rythme, la personnalisation – restent en surface, comme des bonus sympathiques plutôt que des systèmes de jeu essentiels.
Au final, Fretless est un RPG charmant, une excellente porte d’entrée au genre, et un jeu à mettre entre les mains de tous les fans de musique. Mais il laissera sur leur faim les joueurs en quête d’une réelle expérience. On a l’impression d’écouter le premier album d’un groupe extrêmement prometteur, rempli de riffs mémorables, mais qui n’ose pas encore se lâcher complètement sur un solo endiablé. Pour le prochain album ?