Fast & Furious en jeu vidéo, avec des spécialistes du jeu de bagnoles à la barre, Vin Diesel himself impliqué à travers son studio, et les acteurs du film reprenant leur rôle respectif ? « C’est où qu’on signe ? » demande immédiatement le fan de plaisirs coupables hollywoodiens. Mais halte là, jeune amateur d’action décomplexée ! Les promesses pourraient bien ne pas être tenues, au contraire, même…
(Test de Fast & Furious: Crossroads sur PC via une copie commerciale du jeu)
Fast & Glorious
Drôle de destin pour la saga cinématographique Fast & Furious… À l’origine, un actionner hérité des 90s qui mêle testostérone et grosses cylindrées, reprenant une recette éculée aussi vieille qu’Hollywood : 60 seconds Chrono (de Dominic Senna, avec Nick Cage et Angelina Jolie) en 2000 ; Speed, de Jan de Bont (avec Keanu Reeves et Sandra Bullock) en 1994 ; L’Équipée du Canonball, de Hal Needham (avec Burt Reynolds et Jackie Chan) en 1981 ; La Course à la mort de l’an 2000, de Paul Bartel (avec Sylvester Stallone et David Carradine) en 1975, Bullit, de Peter Yates, avec Steve McQueen en 1968, etc.
Dans la plus pure tradition des blockbusters estivaux, l’exercice est bien exécuté, et le film est un succès public à défaut de recevoir de bonnes critiques. La franchise est lancée, mais la licence s’enfonce doucement façon nanar, glissant vers le film « beauf’ » s’adressant avant tout aux amateurs de rassemblements tuning… Jusqu’à l’été 2011 et la sortie de Fast & Furious 5 qui, bénéficiant entre autres choses de la présence de Dwayne Johnson, surprendra la critique et ressuscitera la saga. Le film sera alors rapidement considéré comme le meilleur de la franchise. Les épisodes suivants confirmeront la bonne santé de la série.
Malgré le spin-off Hobbs & Shaw complètement over the top, Fast & Furious bénéficie depuis d’une bonne cote de sympathie, qui nous amenait à attendre, peut-être pas impatiemment, mais en tous cas avec un peu d’envie ce Fast & Furious: Crossroads.
Les raisons d’y croire
Sur le papier, ça sentait bon. Un jeu de conduite orienté arcade dans l’univers action/polar de F&F, pourquoi pas ? Imaginez un Forza: Horizon orienté thriller, avec des poursuites contre des mafieux, un copilote avec un lance-roquettes…
D’autant qu’aux commandes, on retrouve Slightly Mad Studios, qui, quand ils ne rêvent pas à des consoles surpuissantes, sont surtout les développeurs de la série multi-récompensée Project Cars, peut-être la simulation de conduite la plus complète en son genre. Des gens qui s’y connaissent en la matière, donc…
Et à leurs côtés, on retrouve Tigon Studio, le studio de développement fondé par… Vin Diesel ! Si la participation de ce studio ne nous donnait que peu de garanties question qualité de gameplay, Tigon étant en sommeil depuis une petite dizaine d’années, cela nous rassurait néanmoins quant à la fidélité du jeu au matériau d’origine.
D’autant que la participation de Vin Diesel ne s’arrête pas là : l’acteur tient en personne son rôle de Dominic « Dom » Toretto dans le jeu, et a emmené avec lui deux autres gros noms de la franchise. Tyrese Gibson reprend son rôle de Roman Pearce, et l’excellente et toujours dans les bons coups (Avatar, Lost, etc.) Michelle Rodriguez joue Leticia « Letty » Ortiz.
Le crash
À l’arrivée, un jeu hélas complètement raté. Graphiquement, le titre tient toutefois la route, ses environnements sont variés et agréables à parcourir – même si le jeu ne nous laisse que peu d’occasions de les admirer. Pour les acteurs, nous sommes moins convaincus. Si un soin particulier a été apporté à la modélisation de Vin Diesel, Michelle Rodriguez est, elle, tout bonnement méconnaissable, à tel point qu’on s’est demandé si les studios possédaient bien les droits d’exploitation de l’image de l’actrice… Mais puisqu’elle assure le doublage du personnage…?
De manière générale, les personnages (qu’on ne contrôle jamais) ont des proportions très étonnantes, sont anguleux, et animés comme des pantins au bout de leurs ficelles manipulées par un enfant qui n’avait jamais fait ça avant.
Les véhicules, véritables personnages principaux du jeu, sont très réussis. En tout cas graphiquement. On sent une vraie différence de pilotage quand on passe de l’une à l’autre des voitures (poids, inertie, entre autres), mais aussi (et surtout) les limites proposées par le gameplay…
Les voitures possèdent un ou plusieurs gadget(s) qui leurs sont propres (grappin, lance-roquettes, etc.), mais pas de compteur de vitesse ?! Dans un jeu de pilotage auto ! Autre hérésie du même genre, certaines missions nous demandent d’aller d’un point A à un point B en un temps minimal, sans nous proposer de mini-map, et donc quasi sans indice de la distance qu’il nous faut parcourir. Ne sachant ni à quelle vitesse on roule ni à quelle distance il faut se rendre, on conduit un peu à l’aveugle, à fond, tout le temps.
De toute façon, la conduite, quelle qu’elle soit, est sans conséquence. Les voitures s’abîment si lentement qu’il est quasiment impossible d’épuiser la barre d’énergie (sauf à le faire volontairement). En tout cas, les nôtres. Parce que pour les voitures croisées sur la route, il suffit de les effleurer pour leur faire faire un triple lutz piqué. Et là encore, OSEF, puisque qu’on conduise parfaitement ou qu’on crée l’apocalypse sur les boulevards, il n’y aura aucune répercussion. Pas de système d’étoiles, ou de recherche, pas de poursuite par la police si ce n’est celle, random, rencontrée sur le parcours.
On roule donc très vite, tout droit, et on réussit à chaque fois les missions, qu’on soit excellent pilote ou, comme nous, très mauvais conducteur. L’intérêt du jeu est sûrement à chercher ailleurs. Mais on ne l’a pas encore découvert…
Fast & Furious: Crossroads est d’autant plus décevant qu’il possédait les ingrédients pour être réussi. Un jeu d’arcade basé sur des courses de voitures, avec un scénario sans retenue tel qu’on peut le voir dans les films, et la participation du casting 3 étoiles original, que demander de plus ? Eh bien, dans un jeu vidéo, ce qu’il nous faut de plus, c’est un gameplay à l’avenant. Ingrédient complètement oublié de ce titre non seulement aberrant, mais en plus extrêmement facile.
Même avec toute l’indulgence qu’on voudra lui accorder au nom du capital sympathie de la licence, il faudra beaucoup de courage (ou de temps à perdre) pour aller au bout du jeu…