Dévoilé au début de l’année lors du State of Play, Dreams of Another est le dernier né du studio indépendant Q-Games. Le jeu avait de quoi intriguer, avec son ambiance visuelle abstraite et son concept original : ici, mitraillettes, lance-roquettes et grenades ne sont pas des armes de destruction, mais des instruments de création. Même si l’histoire et le gameplay restaient bien mystérieux, notre curiosité était piquée ! La plongée dans ce jeu onirique est-elle une réussite, ou a-t-elle plutôt viré au cauchemar ?
(Test de Dreams of Another réalisé sur PC à partir d’une copie fournie par l’éditeur)
Pan pan boom boom
Le message du jeu est martelé avant même l’arrivée de l’écran titre : pas de création sans destruction. Dans Dreams of Another, on démarre dans la peau d’un soldat pacifiste, incapable de tirer avec son arme même quand il est mis en joue par un ennemi. Ce prologue donne le ton d’emblée : n’espérez pas aller vite, et n’espérez pas non plus avoir de réponses concrètes à vos questions. Le jeu reste volontairement vague et brouille les frontières entre rêves, réalité, et souvenirs.
Puis arrive l’écran principal, avec l’homme en pyjama que l’on contrôlera tout au long de la partie. Plongés dans ses rêves, nous devrons évoluer dans des zones abstraites faîtes de points de couleurs. C’est grâce à l’arme donnée par « soldat errant » qu’on pourra y voir plus clair : en tirant des balles, on va créer le monde autour de nous, ou plutôt le matérialiser à partir de l’abstraction.
Cette partie du gameplay peut surprendre au début. Dreams of Another est plus proche de la simulation de marche non-violente que du jeu de guerre, pourtant notre personnage utilise des armes à feu qui dénotent avec l’atmosphère paisible et douce autour de nous, mais on comprend que cela sert le propos du jeu. Même si on a du mal à comprendre où le jeu veut nous amener, on prend plaisir à matérialiser le monde onirique style impressionniste autour de nous à coups de mitrailleuse. La satisfaction qu’on ressent à « nettoyer » une zone de toute l’abstraction pour découvrir les vrais objets cachés en dessous parlera à ceux qui ont eu Powerwash Simulator entre les mains, et c’était malheureusement là la partie la plus agréable du jeu.
Philosophie de comptoir, de chaise et de fenêtre
Au bout d’une heure à explorer les rêves de notre personnage, on a commencé à voir Dreams of Another comme une sorte d’œuvre d’art expérimentale plus que comme un jeu vidéo. Dès le début, les premiers signes étaient là : on ne sait finalement pas trop ce qu’on fait là, ni quel est notre objectif. En matérialisant les objets et éléments du décor, nous avons accès à leur souvenirs et à leurs pensées. Vous vous êtes toujours demandé quels étaient les états d’âmes de vos volets ou du lampadaire devant chez vous ? Visiblement, ce sont des réflexions philosophique sur leur utilité ou le temps qui passe…
Certains objets ont une aura perturbée, matérialisée par une boule bleue. C’est la deuxième partie de la boucle de gameplay : en tirant dessus avec nos armes, l’aura rejoindra son objet, qui sera alors apaisé et en mesure de nous parler. S’il faut parfois réfléchir quelque secondes pour comprendre où tirer (certains objets plus grands demandent un minimum de stratégie), ces « puzzles » n’offrent pas de réel challenge et il ne sera pas difficile de faire avancer l’histoire.
Histoire qui reste elle aussi très expérimentale et abstraite, et c’est là que nous allons aborder le point le plus frustrant de Dreams of Another. Certes, le jeu se passe dans le monde abstrait des rêves. Nous n’allons pas critiquer les choses volontairement étranges qu’on peut croiser au cours de la partie : des manèges qui sont tristes de l’état de leur parc d’attraction, des taupes qui parlent, un clown qui chevauche un kart en forme d’ange dans un parking sombre… On pourrait même regretter que le jeu ne pousse pas certains délires un peu plus loin.
Rêve party annulée
Non, ce qui nous a beaucoup dérangé, même si on comprend que cela serve un certain propos, c’est la frustration qu’on ressent dans ces niveaux qui se succèdent de manière non linéaire. Comme un rêve dont on se réveille toujours alors que le moment le plus intéressant était sur le point de se produire, Dreams of Another nous coupe très souvent en pleine action. On arrive dans un niveau, on se balade, on parle au personnage vers lequel le jeu nous a guidé, et au lieu de nous laisser poursuivre notre exploration, nous sommes de retour sur l’écran d’accueil. Et comme quand on essaie de se rendormir pour poursuivre notre rêve, notre homme en pyjama va replonger dans ses songes, mais pour arriver complètement ailleurs.
On le répète : oui, nous comprenons que ces choix, aussi frustrants soient ils, semblent mûrement réfléchis pour servir le propos du titre. Mais pour nous, cela a été fait au détriment de l’expérience de jeu. Le propos reste justement abstrait lui aussi, et on a du mal à comprendre où on veut nous emmener tant les sujets traités sont multiples. On nous parle de la mémoire des objets, des souvenirs, de l’art, de la création, de l’intelligence artificielle, de l’humanité, de la guerre… Des thématiques qui auraient toutes leur pertinences, mais qui ne sont finalement abordées qu’en surface à coup de symbolisme et de réflexions « philosophiques » offertes par une chaise ou un distributeur de boissons en panne.
Dreams of Another n’a sûrement pas été conçu pour être joué d’une traite, comme nous l’avons fait pour réaliser ce test. Il nous aura fallu cinq heures pour le terminer, mais soyons honnête : ce fut laborieux. Si on peut comprendre que la lenteur, la répétition des quelques mêmes décors et le gameplay basé sur les deux mêmes actions (les deux ou trois « puzzles » proposés n’auront pas suffit à éveiller notre intérêt) soient intentionnels et servent le propos, ces éléments rendent tout de même l’expérience de jeu frustrante, voire ennuyeuse.
Finalement, difficile de savoir qui trouvera son bonheur avec ce jeu, qui a semble-t-il du mal à trouver son public (avec un pic record de huit joueurs simultanés depuis sa sortie d’après Steamdb). Admettons que nous n’avons pas testé le jeu en VR, qui propose peut-être une expérience plus immersive. Des jeux bizarres, expérimentaux, contemplatifs, on en a fait, et on essaie toujours de comprendre les intentions des créateurs derrière leurs œuvres. Un jeu vidéo doit-il forcément être amusant ? Nous pensons que non, mais faut-il encore proposer une réflexion ou une expérience assez intéressante pour nous donner envie terminer la partie, ce que Dreams of Another, à nos yeux, n’as pas réussi à faire.