Beaucoup d’entre vous ont dû découvrir la série des Dragon Quest avec le huitième opus ayant vu le jour sur PlayStation 2 en 2004, un J-RPG qui reste encore à l’heure actuelle grandement ancré dans les mémoires des joueurs occidentaux. Il était d’ailleurs possible dernièrement de redécouvrir ce titre tant aimé sur Nintendo 3DS et mobiles, mais cela nous rappelait surtout à quel point nous étions dans l’attente d’un vrai gros épisode canonique sur consoles de salon, accompagné d’une nouvelle aventure, de nouveaux personnages, etc. Et Dragon Quest XI aura mis du temps avant d’arriver jusqu’à nous. Cela ne vous aura surement pas échappé, mais à une époque où les sorties sont de plus en plus mondiales, cette nouvelle épopée nous sera finalement parvenue une année après le public japonais.
Cette méthode de production que l’on pourra qualifier de « à l’ancienne » ferait presque tache dans un paysage où même la série des Monster Hunter a su se mettre à la page en nous offrant un épisode World en sortie mondiale. Mais plus qu’une simple histoire de sortie, c’est au plus profond de son ADN que Dragon Quest XI se proclame old school, et c’est coûte que coûte qu’il garde le cap sur ce statut, sans jamais atteindre une quelconque compromission en glissant un pied dans la « modernité ».
La déconvenue d’une histoire convenue
Comme nous avons pu le voir en introduction, Dragon Quest XI est un jeu qui souhaite faire honneur à ses origines, en s’imposant comme une aventure old school, ce qui ne plaira bien entendu pas à tout le monde. Cependant, des efforts ont été faits pour tenter de séduire le public occidental, et notamment l’ajout d’un doublage anglais, afin d’intégrer des voix aux personnages, ce qui, de tous temps, n’a jamais été le cas dans les jeux originaux de la série. Les moins jeunes diront que le plaisir de la lecture et la place laissée à l’imaginaire font partie du charme inhérent à la série. Les plus jeunes se réjouiront de pouvoir bénéficier d’un semblant de dynamisme en plus avec l’intégration du doublage.
Malgré tout, même si ce dernier a le mérite d’être présent, il n’en demeure pas moins de qualité modeste, et l’on ressent que le jeu n’a pas été prévu pour être doublé à la base, ce qui engendre quelques passages un peu étranges, mais cela reste acceptable dans l’ensemble et ravira ceux qui ne peuvent se passer de voix.
Mais il faut bien savoir une chose, doublage ou pas, l’histoire de Dragon Quest XI, sans nous décevoir, loin de là, reste très convenue sur la forme. Réincarnation d’un héros légendaire ayant vaincu l’Obscur dans un passé lointain, vous allez devoir en tant qu’Éclairé, partir pour l’arbre monde Yggdrasil afin de trouver un but à votre existence, et trouver quelle est votre place dans un monde où les gens, tantôt vous admirent, tantôt vous haïssent. Vous en conviendrez, le pitch de base est banal au possible, mais comme nous l’avons dit, c’est uniquement sur la forme que le jeu s’embourbe un peu dans le classicisme, et c’est sur le fond qu’il parvient à nous offrir quelque chose de plus exaltant.
Pour commencer, Dragon Quest reste Dragon Quest et fait totalement honneur à sa réputation de jeu un peu naïf, avec cette candeur enfantine qui vous renvoie à des sensations douces et cotonneuses d’autrefois, sans jamais tomber dans l’infantile. Le charme opère instantanément et agit sur nous comme une sorte d’opiacé euphorisant. Cela est notamment dû à une direction artistique colorée qui continue de faire mouche épisode après épisode, ainsi qu’à une OST cuivrée des plus sautillantes qui nous insuffle une bonne dose de peps dès les première notes. Plus encore, ce sont les personnalités attachantes des personnages hauts en couleur du jeu qui vous laisseront un sourire indéfectible sur le visage du début à la fin.
Sincère jusqu’au bout des polygones, Dragon Quest XI fait rire autant qu’il émeut, sans jamais tirer sur la corde au point d’atteindre le point de rupture de la pureté de nos émotions. On n’a jamais l’impression d’être pris pour des idiots malgré les messages simples mais jamais simplistes qu’il véhicule, et cette force lui permet de nous introduire des sujets plus forts et complexes sans intellectualiser les choses, ce qui aurait pu desservir l’ambiance globale du jeu. Comme toujours, c’est une véritable aventure au sens propre qui vous tendra les bras, et la licence a su garder cette propension à nous donner envie de partir explorer un monde encore inconnu, un monde rempli de secrets, de drames, de dangers, et d’une bonne couche d’humour à la justesse d’écriture forçant souvent le respect.
Cependant, tout n’est pas aussi coloré dans sa conception que ça peut l’être à l’écran, et nous devons bien avouer que malgré la plaisir de retrouver l’identité caractéristique de la musique de la série, nous avons été déçu par son manque de nouvelles compositions, mais aussi par le manque de variété au cours de l’aventure. Cela est surtout vrai au début du jeu, sur les 20 premières heures, mais au global, cela reste un peu décevant même si la qualité individuelle des musiques reste d’excellente facture.
Il en va de même sur le plan visuel, le jeu est très joli, coloré, et unique dans sa direction artistique, mais suivant les zones nous dénotons pas mal de clipping et des textures qui peuvent avoir du retard à l’affichage, sans parler d’un certain flou parfois présent pour nous rappeler que des concessions ont du être faites. Mais rien d’alarmant, nous retrouvons ces défauts dans bons nombre de jeux, même dans des chefs-d’oeuvre bien connus, et cela ne nous a pas empêché d’y prendre du plaisir.
Superior version
Actuellement le genre RPG au tour par tour est de moins en moins présent, surtout en Occident, et nous pouvons décider de voir le verre à moitié vide ou à moitié plein. Soit vous pensez que c’est dommage de voir moins de tour par tour dans le paysage vidéoludique actuel, soit vous pensez que cette diminution des productions au tour par tour permet de mieux apprécier celles qui finissent par nous parvenir.
Pour notre part, il faut bien avouer que ces dernières années, avec la prolifération des RPG à l’occidental et leur système de combat en temps réel, une bonne petite aventure à l’ancienne nous a permis de l’apprécier d’autant plus. Ici, nous retrouvons donc un tour par tour comme à la bonne époque, avec comme subtilité le fait de pouvoir se déplacer librement dans l’arène de combat dans laquelle nous nous retrouvons après avoir approché un ennemi sur la carte.
Nous restons finalement dans une approche très classique du système de combat, et il vous faudra faire des choix en fonction des adversaires, sachant qu’il est possible de switcher de composition pour une modulation d’équipe en cours de combat. C’est vraiment à double tranchant, soit vous aller aimer le fait de pouvoir gérer tour par tour chaque personnage, malgré la baisse de dynamisme que ça implique, soit vous allez trouver ça très mou et vite vous endormir sur le jeu.
Il est possible cependant de délaisser la gestion des personnages à l’ordinateur en leur assignant des directives comme le fait de privilégier telle ou telle tactique, et de ne vous concentrer que sur votre héros. L’état Hypertonique viendra casser un peu la routine en vous permettant de faire des combos en équipe, différents en fonction des personnages que vous ferez interagir. Cet état, un peu comme la Transe de FF9, se déclare dans des conditions où les personnages subissent certaines épreuves durant le combat, leur conférant alors une sorte de boost d’adrénaline pendant quelques tours, vous permettant de lancer des combos impressionnants. Ensuite, chaque personnage possède un arbre de compétences encore une fois très classique, qu’il sera possible de compléter suite à l’obtention de points de compétences après chaque montée de niveau.
Le contenu ne devrait pas vous mettre en situation de manque puisque rien que pour boucler le jeu vous devriez en avoir pour une soixantaine d’heures sans trop forcer. Les quêtes annexes par contre, si elles ajoutent de la durée de vie, ne sont pas d’une originalité notable et seront essentiellement composées d’allers-retours tantôt tolérables, tantôt agaçants, mais nous avons envie de dire, même si cela n’excuse rien, que nous devrions avoir ce genre de quêtes aussi longtemps que le jeu vidéo aura la forme qu’on lui connait actuellement.
Ce que l’on va réellement déplorer par contre ce sont les hachures provoquées par les temps de chargements et qui nous gâchent un peu l’immersion. On ne va pas se le cacher, le plan séquence ultra immersif du dernier God of War a clairement marqué nos esprits. Avec Dragon Quest XI, vous devrez, à l’opposé, vous coltiner des temps de chargement incessants que l’on aurait pensé ne plus voir notamment grâce aux technologies actuelles.
Eh bien c’est raté, chaque nouvelle ville, chaque entrée d’un lieu-dit, chaque changement de zone, vous demandera de subir un temps de chargement, plus ou moins long en fonction de ce qui se trouve de l’autre côté. Parfois même, vous vous retrouverez à devoir vous taper deux temps de chargement coup sur coup dans certaines phases d’exploration, avec une petite grimpette, temps de chargement, marche de 5 secondes (littéralement), temps de chargement.
Au vu des consoles actuelles, il est dommage de voir encore ce genre de désagrément cassant l’immersion, quand on sait que l’éviter est possible. Quand on vous disait que Dragon Quest XI était vraiment une production à l’ancienne, c’était à tous les niveaux, dans le meilleur comme dans le pire.
Heureusement il y a toujours un élément pour compenser les défauts et vous redonner le sourire. Pour nous autres occidentaux, il s’agit d’une difficulté modulable, qui comme les doublages, ne figurait pas sur la version japonaise. Ce genre d’ajout est excellent d’autant plus que cela intéressera tous les types de joueurs, de celui voulant accéder à un challenge digne d’un dieu à celui voulant juste vivre l’histoire sans se prendre un seul game over. C’est pour cela que vous devriez souvent voir revenir le terme de « superior version », car même si nous avons dû attendre toute une année pour mettre la main sur ce jeu, il nous arrive avec des bonus très intéressants.
Enfin, pour terminer sur une note positive, la forge nous a apporté beaucoup de plaisir, et cet élément a parfaitement su s’intégrer à l’exploration, ce qui la rend encore plus intéressante. Dans Dragon Quest XI, la forge de votre équipement prend une part importante de votre aventure car cela permet d’avoir les meilleurs équipements de manière général, et que pour trouver de nouvelles recettes, le jeu vous demande d’explorer par exemple les bibliothèques pour y trouver des ouvrages relatifs au travail des matériaux. Lire ces livres ne sera pas toujours promesse de tomber sur une nouvelle recette, mais dans le cas contraire vous permettra d’en apprendre plus sur le lore du jeu, sous forme de petites histoires à lire.
Si par hasard vous trouviez une nouvelle recette, il sera temps de faire un petit voyage jusqu’à un feu de camp, auquel vous pourrez sauvegarder, discuter avec les membres de l’équipe, acheter, vendre, mais surtout forger ! Pour cela, vous avez besoin des bons matériaux et en voiture Simone. Pour forger, vous devez vous y prendre manuellement avec les actions de Frappe à votre disposition. Une jauge sera à remplir, avec une zone idéale à atteindre. Il faudra alors bien doser vos Frappes pour atteindre les zones idéales, et ainsi optimiser la qualité de vos créations. Intéressante, ludique, et gratifiante, la forge vous prendra des heures de votre temps de jeu, et sera à coup sûr l’une des qualités du titre que vous retiendrez.
Nous sommes vraiment face à un jeu particulier, car dans les grosses productions J-RPG actuelles, il y en a vraiment peu qui osent rester sur le sentier du genre vidéoludique qu’elles ont participé à façonner depuis plus de 30 ans. Dragon Quest XI, contrairement à beaucoup, a fait le choix de ne pas sortir du sentier que sa licence arpente depuis des années, et offre une expérience, qui de fait, se veut beaucoup moins moderne que tout ce que nous avons l’habitude de voir du côté des AAA actuels. En est-ce une mauvaise chose pour autant ? Absolument pas, Dragon Quest XI est rempli d’amour et de bonnes intentions, offrant aux fans une aventure imparfaite, mais totalement en phase avec ce que l’on pouvait attendre de lui.
Qui plus est, quelques bonus en prime pour le public occidental comme le doublage intégral, permettront peut-être à de nouveaux joueurs de franchir le pas. Les artefacts du passé vous feront surement tressaillir à plusieurs reprise, notamment concernant les temps de chargements que l’on espérait vraiment moins présents, ou encore la simplicité apparente de la trame scénaristique.
Cependant, ne prenez pas Dragon Quest XI à la légère, car il n’en demeure pas moins un épisode fort de la série. Pas le plus fort, certes, mais pouvant allègrement vous permettre de replonger dans cette atmosphère si particulière, avec son OST reconnaissable entre mille, ses personnages attendrissants, et son goût de l’aventure que seul The Legend of Zelda pourrait mettre en défaut. En cette arrivée d’automne, faites-vous du bien, gardez le sourire en jouant à Dragon Quest XI.