Dans la droite lignée des bonnes surprises indépendantes venues de nulle part, Crow Country en est certainement une que personne attendait. Développé par un petit studio anglais du nom de SFB Games, qui n’avait jusque-là proposé qu’une poignée de jeux modestes au succès modéré (dont Detective Grimoire et Tangle Tower), il se veut être un hommage appuyé au genre du survival-horror de la fin des années 90, début 2000. Une véritable capsule temporelle qui s’appuie sur toutes les mécaniques de sa catégorie et qui pourrait bien être la meilleure proposition horreur de ce début d’année.
(Test de Crow Country sur PS5 réalisé à partir d’un code fourni par l’éditeur)
Mais où est donc passé Edward Crow ? Fondateur du park d’attraction Crow Country situé près d’Atlanta, l’homme est porté disparu depuis deux ans après la fermeture prématurée de son bien. Nous sommes en 1990, Mara Forest se rend sur les lieux après que la fille de ce dernier a contacté la police, car elle posséderait des informations qui pourraient aider à le retrouver. D’étranges rumeurs et superstitions entourent le lieu depuis qu’il a été laissé à l’abandon, on dit même que de monstrueuses créatures y auraient élu domicile. Notre héroïne se devra donc d’en percer les mystères et de faire la lumière sur la disparition de son fondateur.
Disons-le clairement, ce n’est pas grâce à son scénario que brille Crow Country. Il y a bien un twist de fin assez bien vu, un personnage principal plutôt bien écrit, ainsi que quelques seconds couteaux relativement sympathiques, mais il reste aussi d’une superficialité qui n’a d’égale que le côté nanar du premier Resident Evil. Alors, si on met de côté des dialogues teintés d’un certain humour qui fait mouche, il n’en reste pas grand-chose, si ce n’est une histoire qui se suit sans déplaisir et qui propose aussi un lore bien fourni se développant principalement au travers de journaux que l’on déniche ici et là.
Dessine-moi un survival-horror
Cependant, il faut bien avouer que ce parc à thème qu’est Crow Country réserve bien des surprises. Artistiquement, le parti pris old-school des graphismes à base de polygones bien cubiques renvoyant à ce que pouvait offrir un Final Fantasy VII d’antan fonctionne à merveille. D’autant plus qu’il s’en dégage une ambiance horrifique des plus réussies, le titre s’amusant à jouer avec divers filtres pour dégrader son image et renforcer le sentiment de malaise qui se dégage de l’endroit. Bordélique à souhait, le lieu plonge petit à petit dans les ténèbres qui se voient par là même peuplées de créatures aussi difformes que dérangeantes parvenant à se renouveler de manière étonnante durant la totalité de l’aventure.
Attention, car derrière un habillage visuel que l’on pourrait juger enfantin, se dissimulent de vraies visions cauchemardesques. Le titre est glauque, gore à souhait et peut se montrer malsain, voire provoquer un certain malaise chez le joueur. Rien dans Crow Country ne laisse jamais indifférent et ce qui s’apparente de prime abord à un simple parc d’attraction abandonné devient vite une sorte de manège des horreurs nous embarquant dans un déluge d’hémoglobine. Il faut avoir le cœur bien accroché.
Découpé en zones thématiques très marquées, le parc cache bien des secrets qu’il nous faut percer et fait office de joli décorum à notre exploration. Sans que l’on puisse dire qu’on est là en face d’un foudre de guerre technique, le jeu distille une atmosphère proche de ce qu’un Silent Hill d’époque proposait.
Néanmoins, on est loin de la maestria de la proposition du titre de Konami, mais c’est suffisant pour ce qu’est Crow Country, soit un petit jeu indépendant qui ne dure pas plus de cinq heures et qui assume l’inspiration qu’il puise dans ses modèles. Sachant en plus qu’il est plutôt beau et attachant dans son genre, se permettant même de fourmiller de détails environnementaux, mais pas que, puisque les animations des personnages et monstruosités bénéficient du même soin.
Fabrique-moi un gameplay de survival-horror
Et si l’on parle d’inspiration du survival-horror des années 90, début 2000, on parle forcément des mécaniques de gameplay que l’on retrouvait alors, ainsi que d’un level-design plus ou moins labyrinthique, qui fait la part belle à la résolution d’énigmes et de puzzles, avec tout ce que cela comporte d’items clés à chercher. D’ailleurs, la plupart, si ce n’est tous les casse-têtes proposés dans Crow Country sont réfléchis et demandent de se creuser un minimum les méninges.
L’avancée est conditionnée par notre capacité à raisonner et faire le lien entre divers journaux et éléments que l’on trouve et croise dans les différents tableaux, et nombre d’entre eux sont annexes et se fondent dans cette quête de progression. En effet, le titre est blindé d’objets cachés qui apportent des améliorations ou des armes que l’on peut facilement louper si l’on ne fait pas marcher sa matière grise. Par ailleurs, le rank que l’on obtient en fin de jeu est conditionné en partie par ces découvertes, alors que diverses cartes des lieux aideront les plus farouches à mener tout ceci à bien.
Une réussite freinée néanmoins par des affrontements armés qui manquent de pêches et montrent les limites d’un game feel pourtant assez souple en dehors de cela. Le problème est à mettre au compte de la visée qui se veut trop statique et nous demande de pointer manuellement la partie du corps de notre opposant sur laquelle on fait feu. Une fois l’arme en joue, on ne peut plus se déplacer, et si ce détail n’est pas forcément très dérangeant de prime abord, il appuie ce constat de lourdeur lors de nos rixes.
Hormis cela, et un armement très chiche si l’on ne fait pas l’effort de récupérer les quelques pétoires non obligatoires, le reste tient plus que bien la route. On y retrouve le classique inventaire, des objets de soin et munitions en nombre limité, ainsi qu’une montée progressive de la difficulté à mesure que l’on se débloque de nouvelles voies. On aurait par contre espéré que le titre soit un peu plus exigent, car si les joutes armées sont possibles, la fuite est souvent conseillée et est malheureusement trop simple, bien que les développeurs ajoutent pièges et monstres en nombre à partir de la moitié du jeu. Les boss ne sont pas non plus mémorables et manquent d’envergure.
Et si tout cela ne nuit pas vraiment à l’expérience, tant ses forces sont ailleurs finalement, on regrette que ce mode survie qui correspond à la difficulté de base ne soit pas un peu plus relevé, le challenge venant surtout des énigmes qui balisent notre route, alors qu’un mode exploration rendant les ennemis inoffensifs est aussi de la partie, et est à recommander lors d’un deuxième run (surtout que des variations en fonction des choix que l’on fait influent sur le déroulé et la fin) si l’on désire se promener tranquillement dans Crow Country et profiter de l’atmosphère morbide qui s’en dégage et aussi de l’excellente bande-son qui enrobe ce passionnant bonbon sucré.
Crow Country est une petite pépite de l’horreur indépendante que l’on admire autant que l’on déguste. Parfait hommage à l’âge d’or du survival-horror, il brille par une proposition complète qui s’appuie aussi bien sur sa réussite visuelle que sur des mécaniques de jeu pour la plupart bien huilées.
Il réussit là où la plupart des derniers AAA horrifiques se vautrent en beauté, même si on reconnaîtra quelques exceptions, et parvient sans mal à s’imposer comme la meilleure expérience du genre que nous ayons expérimentée ces derniers temps, et ce, malgré quelques faiblesses et une durée de vie plutôt courte. Amateurs d’horreur, foncez.