Le temps passe et passe et passe et rien n’a changé. C’est un des adages que l’on devrait maintenant connaître par cœur lorsque l’on parle de Call of Duty. Tous les ans le même refrain, on nous promet monts et merveilles avec un nouvel épisode de la saga. Call of Duty: Black Ops Cold War a donc la lourde tâche cette année de satisfaire les fans de la licence et prendre le relais d’un très réussi Modern Warfare pour un an en attendant la prochaine sortie made in Infinity Ward.
Pour ce faire, Treyarch (aidé par une flopée d’autres studios) a mis les petites balles dans les gros chargeurs. Retour de la campagne solo après un abandon malheureux de la chose avec Black Ops IIII, ainsi que les multijoueur et Zombie qui viennent compléter un programme fourni, sans oublier le maintenant bien installé Warzone.
Cet épisode est aussi celui qui fait le pont entre ancienne et nouvelle génération de consoles, un jeu crossgen donc qui se doit de faire entrer la franchise Call of Duty sereinement dans une nouvelle ère, en évitant les écueils d’un certain Ghost.
(Test de Call of Duty: Black Ops Cold War sur PC réalisé à partir d’une version fournie par l’éditeur)
Ce test sera divisé en trois parties distinctes et on vous propose donc un petit sommaire qui vous permettra de rejoindre la partie qui vous intéresse si par exemple vous ne souhaitez qu’avoir un avis éclairé sur le multijoueur, à tout hasard bien sûr.
La campagne solo
Call of Duty: Black Ops Cold War nous embarque au début des années 80 en pleine guerre froide. Soviétiques et Américains se mènent une guerre d’espionnage, d’opérations secrètes et de conflits indirects. La vie suit son cours quand patatras, un haut gradé russe met la main sur une bombe nucléaire et compte bien faire sauter l’idéologie de liberté des alliés.
Ni une ni deux, la CIA avec Hudson, Adler, Woods ou encore Mason, part en guerre aidée par le MI6 contre Perseus (alias le méchant très vilain) et son réseau de mercenaires armés jusqu’aux dents. On incarne, nous autres joueurs, un dénommé Bell qui rejoint pour l’occasion l’escouade de choc formée avec l’aval du président Reagan en personne.
Vous l’aurez compris, ce n’est pas du côté du scénario qu’il faudra se tourner pour trouver une once d’originalité dans ce Cold War. Même la période historique n’est que trop peu exploitée, on a plus l’impression d’être encore dans les seventies, même si l’accent mis sur les débuts réels du jeu vidéo et l’avènement d’un nouveau mode de vie consumériste par les marques est parfois présent.
Quelques éléments de background font référence aux eighties, mais cela aurait pu se passer une décennie avant que l’on n’y aurait vu que du feu. Aussi, on regrette très sincèrement la vision très manichéenne de Treyarch sur la guerre froide, et s’il y a une critique sous-jacente du nucléaire et de certaines pratiques de la CIA, le méchant reste toujours le même, l’autre, le perdant.
Outre cela, on reconnaît par contre que le délire psychédélique propre à la saga Black Ops est bien présent et se personnifie en un climax pas si « WTF » que ça si on regarde bien. Il justifie en plus le fait que notre personnage soit muet comme un Gordon, ce qui pose par contre un gros problème de cohérence en mission, mais aussi la petite fiche de personnage que l’on remplit en début de campagne et qui nous demande nos nom et prénom ou encore notre parcours professionnel. Il donne lieu aussi à un chapitre totalement fou qui se la joue mix entre Inception et Stanley Parable, et qui fonctionne plutôt bien en plus.
Malgré tout, comme le reste, c’est survolé. Le solo est trop court pour bien exploiter ces thématiques, pas si nombreuses en plus, mais aussi son principal atout : le personnage de Bell et son histoire.
Pourtant, chaque mission est entrecoupée de passages par la planque de Berlin dans laquelle on peut discuter avec nos compères, en apprendre plus sur le background via un terminal, s’adonner à quelques parties endiablées sur une borne arcade, ou encore choisir notre prochaine destination. Des missions annexes sont même présentes et demandent pour être effectuées à 100% de trouver des preuves lors de l’arc principal aidant à la résolution d’une problématique posée par ces affrontements secondaires, comme devoir décrypter une disquette via un casse-tête bien pensé à l’aide de documents trouvés dans certains lieux visités.
Malgré tout, cela manque d’impact et d’incidence. Tout comme les choix que l’on effectue au cours de la campagne, ils n’apportent généralement que de petites nuances et rien de bien marquant. Seul celui de fin, expédié au possible et sans psychologie aucune alors que c’est là qu’aurait dû taper fort ce Black Ops, permet d’offrir un final différent à la campagne. Les dialogues sont insipides et n’apportent pas grand-chose, si bien que finalement, ces arrêts forcés à Berlin cassent le rythme et ne sont pas si réussis que ça, à l’image de ceux que l’on avait dans Advanced Warfare.
L’écriture manque de justesse et de développement, et si le jeu donne l’impression de se poser pour développer son propos, ce n’est qu’une impression, car il parle dans le vide la plupart du temps.
C’est à mettre en totale opposition avec ce qui se passe sur le terrain. Entre de l’action hollywoodienne toujours aussi décomplexée et que l’on ne présente plus dans Call of Duty et d’autres séquences plus ambitieuses, surtout pour la licence, on prend un véritable pied. Ni trop longues, ni trop courtes, les missions sont variées et bien rythmées, offrant toutes quelque chose d’unique.
Le Vietnam et ses affrontements frontaux intenses avec un passage aux commandes d’un hélicoptère, Berlin-Est et sa séquence d’infiltration sous tension, et surtout cet incroyable moment « immersive sim » au QG du KGB dans lequel on navigue en devant accomplir quelques objectifs avec même une certaine liberté d’exécution…
Ce qui est dommage, c’est que Cold War manque de fond. Les bonnes idées se retrouvent vite expédiées au profit de l’action, même la séquence d’infiltration à Berlin est trop courte, d’autant plus que l’IA ne suit vraiment pas. Il manque un peu de consistance au tout et cela ressemble plus à de l’expérimentation que de véritables partis pris de game design. Par contre, il plane une belle odeur de polar d’espionnage sur ce Black Ops et cela se ressent jusque dans les objectifs à accomplir.
En bref, la campagne offre son lot de surprises, les missions sont bien rythmées et certaines transpirent de bonnes idées. Par ailleurs, ce Call of Duty: Black Ops Cold War est une franche réussite graphique, proposant de somptueux jeux de lumière notamment et cochant toutes les cases de la nouvelle génération, avec son Ray-Tracing, son rendu photo réaliste parfois et ses environnements détaillés.
Les effets à l’écran envoient du lourd et on ne s’ennuie jamais, constamment stimulé par ce qu’il se passe et ce que l’on voit. Berlin et son mur, Amsterdam, le Vietnam, le dépaysement est total et les lieux visités inspirés visuellement, on y croit et l’immersion est au rendez-vous.
Aussi, l’ambiance sonore est réussie, grâce à des choix musicaux pertinents, mais aussi à une bonne VF qui passe très bien. Il ne manquait plus finalement qu’une réelle ambition narrative et peut-être deux ou trois missions de plus pour véritablement développer les idées soulevées, car on reste sur notre faim une fois les crédits affichés.
Le multijoueur
Tenez-le pour acquis, le feeling Black Ops est de retour. Retour aux sources dans l’approche plus lourde des déplacements et suppression de quelques features comme le fait de pouvoir ouvrir les portes ou de se coller à un élément du décor, bonne ou mauvaise chose, chacun jugera. Par contre, au niveau des pétoires, cela manque d’impact et de recul, alors que le sound design est clairement en dessous de l’expérience Modern Warfare, on s’attendait à bien mieux.
Cependant, passé une ou deux parties d’adaptation, on repart comme en 40 et les parties deviennent de plus en plus jouissives. Le charme old-school opère et le feeling qui va avec revient. Un plaisir retrouvé qui souffre de défauts certes, mais qui reste terriblement accrocheur, c’est ça aussi l’effet Call of Duty.
Et pourtant, il n’y a rien de bien original dans ce multijoueur. Les cartes sont pour la plupart plus grandes et offrent même parfois de bonnes idées, comme Armada et sa guerre se divisant sur plusieurs navires ou Crossroad et son cadre de jeu enneigé, et proposent toujours la conduite de différents véhicules allant du tank à l’embarcation maritime armée. Mais cet espace de jeu plus vaste se heurte encore et toujours à une limitation de joueurs parfois frustrante. On passe son temps à chercher une âme en peine prête à tomber sous nos balles et on préférera de ce fait les cartes plus petites comme Cartel, Miami ou Moscou.
Cependant, Treyarch a apporté dans sa besace deux modes de jeu inédit, dont un certain Equipe d’Assault Bombe Sale. Ce dernier est de grande envergure, car proposant jusqu’à dix escouades de quatre joueurs de s’affronter sur des cartes plutôt grandes pour y faire sauter des bombes à l’uranium et prendre l’ascendant sur les autres équipes. Dans les faits, on se retrouve dans une sorte de mini Warzone avec un peu plus d’action et il faut véritablement une bonne cohésion dans son escouade pour l’emporter.
On conseille alors vivement d’y jouer entre amis, car sans cela, on peut vite criser face aux incohérences de certains qui préfèrent jouer seuls, s’imaginant être des Rambo numériques, plutôt qu’en équipe. Mais Bombe Sale est prometteur et franchement grisant parfois.
Vient ensuite l’Escorte de VIP, sorte de mode de jeu qui rappellera des souvenirs aux vieux routards des LAN sur Counter Strike 1.6 ou Source, puisqu’il s’agit là d’escorter un VIP désigné au hasard parmi les joueurs jusqu’à bon port. Ce dernier étant peu armé, il faut donc veiller sur lui à tout prix, quitte à se sacrifier comme de vrais héros. Eh bien, là encore, cette sorte d’hommage aux vieux FPS multijoueurs compétitifs est assez bien foutu et parvient à apporter, comme Bombe Sale, un peu de fraîcheur dans un listing de modes de jeu qui commence à se faire vieillot. On n’entend pas là que c’est mauvais, mais juste finalement très classique dans l’ensemble.
Il en va de même aussi pour tout ce qui est montré en niveau de notre guerrier ou de son attirail d’armes à feu, gadgets ou encore atouts et cartes joker. Trois prestiges sont disponibles pour cette saison 1 (1, 50, 100) et permettent de débloquer stickers ou autres broutilles cosmétiques montrant au reste du monde son niveau. On est en terrain connu et même si quelques petites subtilités sont bien présentes, ce n’est pas suffisant pour bouleverser l’expérience, mais était-ce le but recherché ? Pas sûr, surtout que la formule est toujours pérenne et ne souffre que très peu de défauts, même si la montée de l’armement est étrangement lente arrivé un certain moment.
Les dingues de distinctions pourront toujours se la donner à cœur joie et en ce sens, le jeu devrait passionner les fans hardcores de la licence durant de longues heures.
Le fameux crossplay est aussi toujours au programme avec ses bons et mauvais côtés comme d’habitude, les joueurs PC continuant de pester sur le aimbot gâchette des manettes, mais ont en même temps une plus grande facilité de mouvement au niveau du viseur, chacun aura alors des qualités et des défauts à faire valoir.
Ce qui nous choque toujours en 2020 par contre, c’est l’absence de serveurs dédiés pour la totalité des parties, certaines en utilisent et d’autres demandent un hôte. Il serait temps qu’Activision se montre plus généreux là-dessus, car le retard est affligeant vis-à-vis de Battlefield par exemple, le tickrate restant trop bas, même sur serveurs dédiés, car ne montant pas plus haut que 62Hz. Déconnexions, lags et autres joyeusetés du genre sont à prévoir pour les connexions les plus modestes.
En résumé, avec ses nombreux modes de jeu et ses huit cartes, Call of Duty: Black Ops Cold War fera du bien aux amateurs du genre multijoueur. Le contenu est certes un peu chiche pour le moment, même si le level design des maps est très bon, mais Treyarch compte apporter gratuitement du contenu au fur et à mesure. Deux nouveaux modes de jeu complètent une proposition classique, mais efficace, et le feeling est globalement très bon.
On notera le retour des scorestreaks qui encouragent au jeu d’équipe en remplaçant les killstreaks (les séries d’éliminations faisant maintenant monter un multiplicateur), mais malheureusement, cela ne suit parfois pas et certains préfèrent toujours rester en fond de map cachés dans un recoin viseur fixe orienté devant eux.
Néanmoins, ce nouvel épisode fait bien le boulot, mais se montre un chouïa moins ambitieux que Modern Warfare l’était, et pour ça il devient de ce fait moins marquant.
Le Zombie
Gros morceau des amateurs de la saga Black Ops, le Zombie fait ici son grand retour avec… une seule petite map à se mettre sous la dent. C’est peu oui, mais elle a au moins le mérite d’être réussie. Là encore, Treyarch a effectué un véritable retour en arrière, mais unanimement pour le meilleur. Fini les balades à se perdre partout avec des objectifs peu clairs et place aux vagues de zombies à dézinguer sans se prendre la tête.
Attention, cela ne veut pas dire qu’il n’y a rien à faire durant la partie autre que tirer, non, on revient ici aux fondamentaux, à savoir survivre, avancer et trouver quelques secrets. On crée des barricades, on calfeutre des entrées, on emmagasine des points pour les utiliser au distributeur (nous permettant de nous payer des atouts) et au Pack-a-Punch pour se payer de nouvelles pétoires.
Des changements bienvenus qui viennent avec d’autres. On commence maintenant avec l’arme de son choix et non plus un simple pistolet, arme devenant vite obsolète nous demandant d’en changer souvent pour d’autres, plus puissantes, qui sont classées par rareté. Il faut alors comme d’habitude ouvrir des boîtes mystères, acheter des pétoires scotchées au mur ou en passer par le Pakc-a-Punch pour s’accaparer de nouveaux joujoux.
La progression est fluide, on peut toujours relever ses alliés, profiter de bonus divers et variés, comme une meilleure protection, et c’est en tuant des zombies que l’on gagne des points. Ces derniers sont toujours aussi agressifs, en nombre et de différents types accompagnés par un design convaincant.
La montée en niveau se fait en glanant de l’expérience et des cristaux et nous permettra de débloquer de nouvelles options pour nos personnages. On regrette cependant que tout soit simplifié à l’extrême. Ce mode Zombie est certes très efficace et chronophage, il n’en reste pas moins, comme le multijoueur, assez peu ambitieux. D’autant plus que l’on a vite fait le tour de la seule carte disponible pour le moment, même si son level design est très bon, et ce n’est pas le retour de Dead Ops qui masquera encore une fois ce côté un peu chiche en termes de contenus.
Alors oui, il y a bien un secret et le challenge d’arrivée à de toujours plus hautes vagues est présent, mais c’est trop peu. L’ambiance est, elle, toujours aussi bien travaillée et le sound design des morts fait toujours son petit effet. Ce mode Zombie, aussi bon soit-il, demande des ajouts et du contenu, tout comme le multijoueur.
Call of Duty: Black Ops Cold War est bon. Ce n’est pas une révolution, ni une évolution à proprement parler, mais il apporte sa propre vision de l’expérience Call of Duty. Treyarch n’en démord pas et compte bien rester fidèle à ses principes éculés, quitte à se fâcher avec une partie des joueurs, et ce, peu importe ce que fait Infinity Ward. Le studio essaie de trouver un compromis entre modernité et retour aux sources pour sa saga Black Ops et si c’est parfois réussi, c’est assez fluctuant le reste du temps.
La campagne solo est bonne dans l’ensemble, le multijoueur convaincant et le Zombie est, à notre sens, le meilleur depuis longtemps. Restent un contenu franchement chiche et quelques soucis qui entachent l’expérience de jeu, qui reste au demeurant grisante dans l’ensemble. Il va vite falloir qu’Activision apporte du contenu, car si Warzone continue de supporter l’écosystème COD, il ne faudrait pas que les joueurs se lassent et désertent trop vite comme c’est le cas parfois.
Enfin, le passage à la nouvelle génération est par contre réussi. Ce n’est pas une claque graphique qui nous fera chavirer au sol, mais le jeu est très beau et récite ses gammes de mise en scène avec brio. Un bon Call of Duty en somme, qui ne pourra devenir que meilleur avec le temps, c’est tout ce qu’on lui souhaite en tout cas.