Chez GearBox, l’on sait faire attendre. Ils font les choses bien, peu importe les années que cela pourrait prendre, comme pourrait l’attester notre attente d’un nouveau volet de la saga Brothers in Arms. Mais maintenant, ce n’est pas le moment de parler de FPS de guerre sérieux comme tout, oooh non. L’heure est au fun, au what the fuck, et à l’impertinence en munitions chromées à travers l’univers coloré et voyou de ce test de Borderlands 3, un jeu que nous attendons depuis des années et qui arrive enfin tel un Jésus punk armé d’une mitraillette chinée sur nous-ne-savons quelle planète.
En fait, cela fait sept ans que l’équipe dirigée par Randy Pitchford n’est plus entrée dans la franchise Borderlands, car oui, The Pre-Sequel 2014 n’est ni une livraison numérotée ni signée par GearBox. Et, nous l’avouons, dans l’écriture on était assez loin du génie des deux premiers volets. C’est donc avec un intérêt très particulier que nous testons ce Borderlands 3, qui a d’une certaine manière inventé le Lootshooter, et qui arrive dans un écosystème peuplé de Destiny, The Division, Anthem et autres joyeusetés.
Toutefois, qu’on se le dise d’entrée de jeu, Borderlands 3 fait du confort et du fun son étendard, et est clairement l’une des propositions les plus joliment optimisées en termes de design et les mieux calibrées en termes de jouabilité dans le monde du JV d’aujourd’hui.
(Test de Borderlands 3 réalisé sur PS4 via un exemplaire fourni par l’éditeur que nous remercions)
Un beau bordel, c’est beau, bordel. C’est Borderlands 3
La saga Borderlands est d’ailleurs un peu un OVNI en sa manière, parce que le truc serait de penser qu’en tant que Lootshooter vous n’avez pas trop besoin d’un bon background, ou d’une narration soignée et avec une vraie patte. Cependant, GearBox prouve une fois de plus que l’on peut proposer un concept simple au possible, en apportant néanmoins un très grand soin aux environnement, aux ennemis rencontrés, ainsi qu’aux personnages que l’on contrôle et rencontre.
Nous pensions qu’après avoir dévoilé au monde un némésis de la trempe de Handsome Jack, GearBox aurait des difficultés à faire aussi bien, mais c’est sans compter sur leur talent incroyable pour créer de toute pièce des personnages hauts en couleur, cette fois au nombre de deux, Les Jumeaux Calypso. Deux véritables canailles, au franc parler sincère, et tirant sur la satyre (comme d’habitude) des égarements de notre monde actuel. Évidemment, l’on se rappellera beaucoup plus de Tyreen, dont le charisme nous fait douter de la justesse du camp pour lequel on se bat, tant ses tirades de tarée (c’est le mot) nous donnent envie de la suivre.
Cela ne laisse qu’à son frère, hélas, le rôle de compagnon sacrificiel anodin, mais nécessaire pour faire briller Tyreen, en dépit de ses quelques phrases mémorables. Nous avons d’ailleurs trouvé l’idée géniale que Borderlands 3 base ses méchants en tant qu’influenceurs de leur monde, et le raccord honnête et plein d’ironie envers notre époque avec notamment la création de fake life via les réseaux sociaux.
Si ce n’est pas par hasard que nous avons commencé par les méchants, qui comme vous le savez, sont une des parties les plus importantes d’un jeu vidéo Borderlands, les protagonistes ne sont pas en reste, et bien souvent, sortiront quelques punchlines bien senties. Cependant, ils semblent bien pâles devant l’amas de personnages forts que sont les méchants principaux et secondaires qui croiseront votre chemin, dotés d’attitudes de psychopathes tellement poussées à l’extrêmes que vous les garderez en tête.
L’exploration est toujours une partie importante des mondes Borderlands. Les différents véhicules sont essentiels pour se déplacer et se battre à bord. D’ailleurs, si de prime abord, leur conduite peut paraître compliquée et « originale », cela se justifie par le besoin récurrent de tirer sur tout ce qui nous entoure, nous facilitant ainsi la tâche pour la visée. Mais plus que l’intrigue principale du jeu vidéo lui-même, ce qui est intéressant, c’est tout ce que nous faisons en cours de route. Le tissu de quêtes secondaires proposées par GearBox permet d’étirer tel un chewing-gum la durée de jeu sans jamais se lasser, ni donner une impression de remplissage pour du remplissage.
L’essentiel des objectifs vous paraîtront souvent stupides (et ils ont tendance à l’être), mais ils se révéleront toujours amusants, bien pensés et avec beaucoup de personnalité. Le jeu ne se prend jamais au sérieux, bien au contraire, et le grand bénéficiaire, c’est vous, le joueur.
En fait, lorsque vous jouerez à Borderlands 3, vous verrez qu’il n’y a rien à craindre de l’intention présumée de GearBox de retirer le contenu offensant du jeu (une décision qui n’avait pas plu aux fans réguliers de l’humour épais de la franchise). Vous pouvez même être rassuré, c’est souvent bien lourd, et dans le même style que par le passé. Le jeu mixe gags obscènes, comportements psychiquement instables et gros mots à la pelle.
bourrin, mais fin
Pour être honnête, tout ce qui est lié à l’histoire, aux missions ou au charisme des personnages est quelque chose qui donne à la série une énorme personnalité, et si la forme compte, le fond aussi ! Comme vous pouvez l’imaginer, la pertinence ultime du Lootshooter, c’est le loot, et le shoot. La série, bien sûr, n’a jamais été très « exacte » en termes de maniement des armes, de visée, de recul et tout le reste. Cependant, Borderlands 3 devient fort dans tout ce qu’il a appris des erreurs des épisodes précédents et va encore plus loin avec quelques ajouts intéressants pour améliorer sa précision et en faire un FPS très solide.
Par exemple, l’agilité dans les mouvements ont été amélioré. Sûr que dans les premières bandes-annonces du jeu, vous aviez déjà vu ces nouveaux mouvements, fluidifiant les déplacements ; comme par exemple la glissade sur le sol ou encore l’escalade qui nous offre une verticalité nouvelle et bienvenue à la série. Ce n’est pas que Borderlands se distinguait négativement à l’époque par son inertie, mais ici toute allusion à ce possible passé disparaît de l’équation avec les différentes mécaniques qui nous encouragent à être en mouvement constant.
À cette sensation de mouvement et de variété s’ajoutent également d’autres décisions liées à l’éventail de capacités proposées. L’une des plus frappantes est l’option du mode de tir alternatif d’un grand nombre d’armes. Des modes alternatifs intelligents permettant parfois de combiner deux armes complètement différentes en une seule. Alors, oui, bien sûr, il y a quelques problèmes. Par exemple, dans les différentes fusillades du jeu, nous avons constatés que l’IA adverse partait parfois à la chasse aux Twix pendant le gunfight.
Le défaut est compensé par un nombre absurde d’adversaires toujours à l’écran, néanmoins il faut avouer qu’on en attendait plus d’un titre de cette trempe. Même avec ces problèmes spécifiques dans le comportement des ennemis, Borderlands 3 sait que son point fort est l’action et veut que nous passions le moins de temps possible hors de celle-ci. Qu’il s’agisse de jouer seul ou avec nos amis en ligne à quatre ou en local à deux joueurs en écran partagé pour les versions console, comment s’éloigner du combat ?
Le bon, la brute, le truand, et l’ami des bêtes
Au début de l’aventure, nous pouvons choisir entre Amara, Moze, Zane et FL4K, avec leurs rôles répartis de manière très pratique entre sirène, artilleur, opérateur et dresseur de bêtes, respectivement. Comme toujours, il s’agit de classes totalement différentes les unes des autres. Comme dans les jeux précédents de la série, Borderlands 3 nous permet de les porter jusqu’au niveau 50, et ce niveau plafond sera très probablement étendu à de nouvelles limites grâce aux DLC. Il n’y a pas de surprise ici, mais ce n’est pas un vrai problème quand la base est si puissante : il est facile de grimper de deux ou trois niveaux pour chaque heure de jeu, et bien sûr, cela nous récompensera avec des points d’expérience à investir dans l’arbre de compétences que nous voulons.
Chaque personnage jouable offre une variété respectable de spécialisations possibles, et nous pouvons toujours redistribuer nos points de compétence et équiper différents mods de classe et de compétences lorsque nous voulons changer d’air. Nous avons également un bon ensemble de visages, de tenues, de gestes et de caractéristiques pour notre ECHO que nous pouvons obtenir en tant que butin après un boss fight ou en l’achetant au vétéran Earl en échange d’éridium.
Nous vous avons dit plus haut que le maniement des armes est sensiblement plus clair et précis, mais elles ont aussi reçu une bonne dose d’amour de la part de Gearbox en termes d’informations pour le joueur. Nous avons maintenant la possibilité d’avoir pour chaque arme une fiche technique plus stylisée et plus précise que jamais, avec des chiffres exacts de chacune de leurs statistiques. Il semble que les responsables se soient efforcés de faire en sorte qu’il y ait non seulement une grande variété d’armes parmi lesquelles choisir, mais aussi qu’elles soient différentes et logiques.
Il y a beaucoup de changements de ce style petits et intelligents dispersés dans tout le jeu. Par exemple, l’élément slag n’existe plus, et nous trouvons à la place la radioactivité. Sur le papier, il s’agit de dommages très semblables et complémentaires qui peuvent vous aider à abattre des ennemis très durs. L’effet de la radiation est en dommage continue (DOT – Damage Over Time) avec option contrôle de masse (CC- Crowd Control).
Nous aimons aussi la relation entre les différents niveaux de rareté, qui arrive assez tôt dans le jeu. Ce dernier est très généreux avec le butin, mais contrairement à des jeux comme Destiny ou The Division, il ne laisse pas souvent derrière lui des armes rares : toutes sont présentes, mais hélas, de manière assez répétitive.
Bien sûr, les armes de Borderlands 3 sont aussi variées et absurdes que tous les personnages. Vous vous souvenez peut-être du lance-roquettes Mega Mind qui lance des hamburgers dès la première démo du jeu. Par exemple, toutes les armes de Tediore n’explosent pas lors du rechargement, mais certaines sont transformées en tourelles. Il y a aussi un nouveau type d’arme qui surchauffe et se détruit d’elle-même, mais aussi longtemps qu’elle dure, elle fait des dégâts incroyables.
Nous ne voulons pas rendre les choses trop compliquées pour vous, mais habituez-vous à l’idée qu’il y aura beaucoup d’armes différentes et que beaucoup d’entre elles seront pertinentes en raison de leurs propres mérites. Le nouveau système d’évaluation (similaire à la puissance de Destiny ou World of Warcraft) nous indiquera quand il est temps de passer à un système plus puissant.
Une fois la campagne terminée, nos possibilités s’élargissent grâce au mode NG+ et aux options de difficulté évolutives Chaos 1, 2 et 3 qui, comme vous pouvez l’imaginer, fonctionnent plus ou moins comme les tourments du Diable III : les ennemis sont beaucoup plus difficiles à refroidir, et nous devons nous équiper progressivement d’armes spéciales que l’on ne peut trouver que pour relever le défi suivant.
On connait la soupe
Côté graphisme, nous avançons en terrain connu. Le titre est notamment célèbre pour ses graphisme en cel-shading « léger » et qui à fait ses preuves via notamment un univers MadMadesque. Si le premier jeu était assez monothématique sur le plan artistique, le second a ouvert ses portes de façon remarquable et le troisième va un peu plus loin en proposant quatre planètes explorables, liées entre elles par le vaisseau Sanctuary. D’ailleurs, si vous craigniez que nous passions trop de temps à cet endroit, qui n’est finalement que l’endroit où prendre certaines dispositions et décider du prochain endroit à visiter, vous pouvez être rassuré : tout est très proche et nous pouvons résoudre toutes nos tâches loin du combat en seulement quelques instants.
Au début de la campagne il y a plusieurs questions qui se posent, notamment celle de la difficulté, mais aussi celle qui fait référence à la possibilité de jouer à Borderlands 3 en compétition ou en coopération. En mode compétitif, nous avons le mode classique des Borderlands, où chacun doit « se battre » pour son butin avec les autres et où, de plus, la difficulté est la même pour tous ceux qui forment un groupe de quatre, quel que soit leur niveau.
La coopérative, par contre, est un mode beaucoup plus équilibré dans tous les sens du terme. L’utilisateur fait face à une difficulté adaptée à son niveau et, de plus, le butin est différent pour chacun et il ne sera pas nécessaire de rivaliser avec les autres pour les armes et accessoires.
En termes d’optimisation, le jeu souffre toujours de quelques lenteurs dommageables mais heureusement, peu fréquentes. Toutefois, le mode duo local en écran séparé subit des stops très nets lors de l’ouverture d’un menu, rendant frustrants certains passages.
Une fois dans le jeu, nous découvrons que le moteur Unreal continue à faire ce qu’il faut en bien comme en mal. Nous trouvons encore beaucoup de textures totalement plates, et certaines d’entre elles sont lentes à charger ou de faible résolution. Certains modèles de pierres donnent une mauvaise impression, et le charisme et la personnalité des personnages perdent quelque chose quand on vérifie les animations faciales et corporelles (hors des cinématiques, beaucoup plus travaillées en tous sens). Sur le plan artistique, on ne peut que dire de bonnes choses : le cel-shading est parfaitement filé pour nous laisser des personnages et des mondes mémorables et uniques, avec une couleur et un éclairage caractéristiques, et qui répondent souvent correctement à nos balles qui saignent, explosent ou rebondissent autour. Borderlands 3 est un jeu qui, avec ses plus et ses moins, reste une oeuvre visuelle à part, et où il est facile (agréable) de se perdre.
L’ambiance sonore quant à elle est intéressante, et bien qu’ayant des bases répétitives, propose beaucoup de bons thèmes pour nous accompagner pendant toutes les heures que nous allons passer à jouer. D’autre part, le doublage VF est de très haute volée, avec un nombre infini de voix, une excellente finition pour chacune d’entre elles et, en outre, un effort particulier sur les particularités culturelles françaises.
Borderlands 3 est un concentré de bonnes choses. Il est doté d’un sens du mouvement et d’une mécanique de tir imbattables, couplés à un cri d’amour en direction des fans, avec un défilé de clins d’oeil en tous genres, qui saura enchanter sa communauté.
Si l’on peut reprocher un aspect peu novateur au titre dans sa génération, nous pourrons le remercier d’apporter une vraie touche décomplexée sur ce qui fait la beauté d’un jeu vidéo : le divertissement fun, et sans limite. Un FPS indispensable.